Avis n° 2008-0837 du 11 septembre 2008 concernant le projet d'arrêté pris en application de l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales et déterminant la proportion des coûts de terrassement pris en charge par l'opérateur de communications électroniques

Version initiale


L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment son article L. 36-5 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article L. 2224-35 ;
Vu la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, et notamment son article 30 ;
Vu la demande d'avis du directeur général des entreprises au ministère des finances, de l'économie et de l'emploi en date du 30 juin 2008 ;
Après en avoir délibéré le 11 septembre 2008,



  • I. - Eléments de contexte


    La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a modifié l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui dispose que : « Tout opérateur de communications électroniques autorisé par une collectivité territoriale, par un établissement public de coopération compétent pour la distribution publique d'électricité, ou par un gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité à installer un ouvrage aérien non radioélectrique sur un support de ligne aérienne d'un réseau public de distribution d'électricité procède, en cas de remplacement de cette ligne aérienne par une ligne souterraine à l'initiative de la collectivité ou de l'établissement précité, au remplacement de sa ligne aérienne en utilisant la partie aménagée à cet effet dans l'ouvrage souterrain construit en remplacement de l'ouvrage aérien commun. Les infrastructures communes de génie civil créées par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération lui appartiennent.
    L'opérateur de communications électroniques prend à sa charge les coûts de dépose, de réinstallation en souterrain et de remplacement des équipements de communications électroniques incluant les câbles, les fourreaux et les chambres de tirage, y compris les coûts d'études et d'ingénierie correspondants. Il prend à sa charge l'entretien de ses équipements. Un arrêté des ministres chargés des communications électroniques et de l'énergie détermine la proportion des coûts de terrassement pris en charge par l'opérateur de communications électroniques.
    Une convention conclue entre la collectivité ou l'établissement public de coopération et l'opérateur de communications électroniques fixe la participation financière de celui-ci sur la base des principes énoncés ci-dessus, ainsi que le montant de la redevance qu'il doit éventuellement verser au titre de l'occupation du domaine public. »
    Cet article vise les ouvrages aériens non radioélectriques installés par un opérateur de communications électroniques sur un support de ligne aérienne d'un réseau public de distribution d'électricité. En effet, des opérateurs de communications électroniques (dans la majorité des cas, il s'agit de France Télécom) ont pu être autorisés à installer les lignes téléphoniques sur des supports destinés à accueillir le réseau public de distribution d'électricité.
    Le cadre juridique posé par l'article L. 2224-35 du CGCT permet à une collectivité territoriale, un établissement public de coopération compétent pour la distribution publique d'électricité, ou un gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité de prendre l'initiative d'une mise en souterrain des ouvrages électriques et de communications électroniques dans une tranchée commune.
    C'est ainsi que deux acteurs interviennent lors de ces travaux d'enfouissement des réseaux sur « appuis communs » : d'un côté, un opérateur de communications électroniques, de l'autre, une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération pour la distribution publique de l'électricité ou un gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité (le plus souvent EDF).
    L'article L. 2224-35 du CGCT asseoit un financement des coûts propres à chaque réseau à proportion des installations dont les parties sont propriétaires. La collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération (EPC) assurera ainsi le financement des travaux sur le réseau de distribution publique d'électricité. Il en ira de même pour l'opérateur de communications électroniques s'agissant de son réseau. Celui-ci prendra à sa charge les coûts afférents à la dépose et à la pose en souterrain de ses câbles de communications électroniques en passant par le remplacement ou l'installation de ses équipements, notamment les fourreaux et les chambres de tirage.
    En revanche, aux termes de cet article, les coûts de terrassement font l'objet d'un partage entre la collectivité territoriale et l'opérateur. La question est alors de savoir dans quelles proportions les deux parties partagent ces coûts. La tranchée étant commune aux deux réseaux, il semble logique que, parmi les coûts afférents à la construction de cette tranchée, on distingue, d'une part, les coûts imputables à l'enfouissement du réseau de distribution d'électricité, pris en charge en totalité par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération compétent pour la distribution publique d'électricité, et, d'autre part, les coûts imputables à l'enfouissement du réseau de communications électroniques, partagés entre l'opérateur de communications électroniques et la collectivité territoriale ou l'EPC.
    A cet effet, l'article 30-II de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a prévu l'adoption d'un arrêté visant à déterminer la proportion des coûts de terrassement prise en charge par l'opérateur de communications électroniques. L'article 30-II prévoyait également que l'adoption de cet arrêté devait intervenir au plus tard six mois après la publication de la loi du 7 décembre 2006.
    C'est ce projet d'arrêté qui a été transmis pour avis à l'Autorité par le directeur général des entreprises du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, par courrier du 30 juin 2008. Dans son courrier de saisine, la direction générale des entreprises indique que « les difficultés d'obtention d'un rapprochement entre les positions divergentes des opérateurs de communications électroniques et des collectivités expliquent l'intervention tardive, au regard des délais prévus par la loi, de cet arrêté ».
    Le projet d'arrêté comprend quatre articles :
    ― l'article 1er porte sur la définition des coûts de terrassement ;
    ― l'article 2 est relatif à la définition des travaux de terrassement ;
    ― l'article 3 détermine la proportion des coûts de terrassement pris en charge par l'opérateur de communications électroniques ;
    ― enfin, l'article 4 désigne les autorités compétentes pour assurer l'exécution de cet arrêté et mentionne sa publication au Journal officiel de la République française.


    II. - Sur la répartition des coûts de terrassement (art. 3 du projet d'arrêté)


    La répartition des coûts de terrassement entre chaque partie à l'opération d'enfouissement a fait l'objet de plusieurs propositions émanant de différents acteurs.
    A titre indicatif, à l'occasion de l'examen au Parlement du projet de loi de modernisation de l'économie, l'AVICCA proposait la suppression de l'arrêté et suggérait une modification de l'article L. 2224-35 du CGCT en incluant la proportion de 25 % des coûts de terrassement pour l'opérateur de communications électroniques. Cette proposition correspond à une répartition à égalité entre l'opérateur et la collectivité pour la partie « communications électroniques », dans l'hypothèse où celle-ci supporterait la moitié du coût total des travaux de terrassement.
    La FNCCR, quant à elle, a proposé, dans le cadre des travaux du comité des réseaux d'initiative publique, une clé de partage des coûts de terrassement de deux tiers pour la canalisation électrique et un tiers pour la canalisation de communications électroniques. La justification en est la réduction de 20 cm à 5 cm de l'espacement minimal imposé entre la canalisation électrique et la canalisation de communications électroniques (1). La largeur conventionnelle de la tranchée pour l'enfouissement d'un câble étant de 30 cm, la largeur de la tranchée commune pour deux réseaux est alors la valeur précédemment utilisée (60 cm), diminuée de 15 cm, soit 45 cm, d'où la proportion de 30/45 = 2/3 affectée à la canalisation électrique.
    L'article 3 du projet d'arrêté prévoit que l'opérateur de communications électroniques prend en charge 20 % des coûts de terrassement.
    L'objet de l'arrêté est l'enfouissement des lignes téléphoniques et des lignes de distribution publique d'électricité. S'agissant du réseau téléphonique, la collectivité territoriale n'en est pas en principe propriétaire. Or, le projet d'arrêté prévoit qu'à l'occasion d'une opération d'enfouissement l'opérateur de communications électroniques prend en charge 20 % des coûts de terrassement, ce qui ne recouvre qu'une partie des coûts imputables aux communications électroniques, estimés à 50 % des coûts de terrassement par l'AVICCA et à 33 % par la FNCCR.
    Il convient à cet égard de rappeler qu'un financement de la part de la collectivité territoriale dans les travaux d'enfouissement peut être assimilé à un subventionnement public susceptible de porter atteinte au libre jeu de la concurrence. En effet, à l'issue des travaux d'enfouissement, l'opérateur devient propriétaire non seulement des câbles téléphoniques mais également des infrastructures de génie civil, en particulier des fourreaux et des chambres de tirage, tandis que la collectivité devient propriétaire d'une tranchée, qui n'a pas de valeur d'usage une fois rebouchée.
    Afin de respecter les principes du droit de la concurrence national et communautaire, il semble que la collectivité qui décide de participer financièrement aux travaux d'enfouissement doive en retirer à terme un bénéfice plus ou mois quantifiable. Autrement dit, la répartition des coûts de terrassement doit se justifier par les avantages que retire chaque partie de l'enfouissement des réseaux.
    Les enjeux liés à l'enfouissement des réseaux peuvent être significatifs tant pour la collectivité territoriale que pour l'opérateur de communications électroniques.
    Plusieurs raisons peuvent motiver la collectivité à prendre l'initiative d'enterrer les réseaux :
    ― des raisons liées à la sécurité publique : l'enfouissement des réseaux en sous-sol peut s'avérer plus sécurisant, notamment pour des raisons climatiques (tempêtes...) ;
    ― des raisons esthétiques et environnementales ;
    ― en vue de favoriser le partage des installations en cause.
    S'agissant de l'opérateur de communications électroniques, l'enfouissement des réseaux peut être l'occasion de poser de nouvelles infrastructures, par exemple en fibre optique. Au-delà de ce coût d'opportunité, l'enfouissement des lignes téléphoniques permet d'améliorer sensiblement la sécurité et la fiabilité du réseau, en le rendant par exemple plus difficile d'accès et plus résistant aux éventuels accidents naturels. Ceci en réduit d'autant les coûts d'exploitation.
    L'enfouissement des réseaux est donc loin d'être une perte sèche pour l'opérateur. C'est pourquoi la proposition du projet d'arrêté d'un financement à hauteur de 20 % pour l'opérateur de communications électroniques paraît insuffisante, en l'absence de contrepartie tangible pour la collectivité.
    Une contrepartie pertinente pourrait par exemple résider dans la pose, par l'opérateur de communications électroniques à l'occasion des opérations d'enfouissement, de fourreaux de génie civil surnuméraires destinés à devenir la propriété de la collectivité.
    L'Autorité a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises l'utilité de la pose de fourreaux de communications électroniques supplémentaires à l'occasion de tous travaux de voirie. Cela permet de mutualiser les coûts des travaux de génie civil, qui représentent une part majoritaire des coûts de déploiement des réseaux filaires, et donc de favoriser l'équation économique de ces déploiements sur les territoires concernés.
    Ainsi, les travaux du Comité des réseaux d'initiative publique (CRIP) ont permis d'étudier plusieurs modalités de pose de fourreaux de réserve. Les fourreaux peuvent être posés par la collectivité elle-même, à l'occasion de travaux conduits à son initiative (éclairage urbain, rénovation de la voirie, etc.). Certaines collectivités, comme la communauté urbaine du Grand Lyon, ont par ailleurs favorisé dans un cadre conventionnel la pose de fourreaux surnuméraires par les pétitionnaires, notamment les opérateurs de communications électroniques.
    Lorsqu'ils sont intégrés au patrimoine de la collectivité, les fourreaux de réserve peuvent être utilisés pour les besoins propres de cette dernière, ou être mis à disposition d'un délégataire dans le cadre d'un réseau d'initiative publique, ou d'opérateurs qui en feraient la demande afin de pouvoir déployer leurs réseaux de communications électroniques. Il s'agit d'un patrimoine essentiel sur le long terme, en ce qu'il permet de favoriser le déploiement de réseaux en fibre optique pour irriguer les zones blanches ou grises du haut débit ainsi que les zones d'activité, et permettre la montée en débit des territoires.
    Ainsi, dans le cadre des enfouissements objets du présent avis, la propriété pour la collectivité territoriale ou l'EPC de fourreaux surnuméraires posés par l'opérateur de communications électroniques paraît être une contrepartie suffisante pour assurer la régularité de leur participation au financement des travaux de terrassement des infrastructures de communications électroniques au regard des principes de concurrence rappelés ci-dessus.
    La pose de fourreaux surnuméraires pourrait être envisagée dans le cadre contractuel prévu par l'article L. 2224-35 du CGCT. En effet, le dernier alinéa dudit article prévoit la conclusion de conventions entre la collectivité ou l'EPC et l'opérateur de communications électroniques ayant pour objet de fixer la participation financière de ce dernier aux travaux d'enfouissement ainsi que le montant de la redevance qu'il doit éventuellement verser au titre de l'occupation du domaine public. La convention devra dans ce cas prévoir que la collectivité ou l'EPC puisse accéder aux chambres de génie civil correspondantes.


    III. - Conclusion


    Une participation de l'opérateur à hauteur de 20 % aux coûts de terrassement paraît insuffisante en l'absence de contrepartie tangible pour la collectivité territoriale ou l'EPC et pourrait caractériser une subvention publique distordant la concurrence. Une contrepartie satisfaisante pourrait résider dans la pose de fourreaux supplémentaires par l'opérateur, destinés à devenir la propriété de la collectivité ou de l'EPC. Ce mécanisme paraît pouvoir être négocié entre les parties dans un cadre conventionnel.
    Le présent avis sera transmis au secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, et publié au Journal officiel de la République française.
    Fait à Paris, le 11 septembre 2008.


Le président,
P. Champsaur

(1) Arrêté du 10 mai 2006 modifiant l'arrêté du 17 mai 2001, modifié par l'arrêté du 26 avril 2002, fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique.
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