La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision d'autorisation du 12 mars 2010 portant autorisation d'un protocole de recherche sur les cellules embryonnaires ayant pour finalité l'étude des mécanismes et l'identification des gènes impliqués dans la différenciation mésodermique (hématopoïétiques endothéliale et cardiomyocytes) ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 octobre 2013 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U1009) aux fins d'obtenir une autorisation de modification substantielle de son protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 28 octobre 2013 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 12 décembre 2013 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 6 février 2014 ;
Considérant qu'il s'agit d'une demande de modification substantielle de l'autorisation délivrée en 2005 et renouvelée le 12 mars 2010 au docteur William Vainchenker par la directrice générale de l'Agence de la biomédecine ; que la demande est présentée par le professeur Eric Solary, PU-PH et directeur scientifique de l'Institut Gustave Roussy, qui prendra en janvier 2015 la direction d'un laboratoire fusionnant les anciennes unités INSERM 1009 (dirigée par William Vainchenker qui vient de prendre sa retraite) et 985 (dirigé par Olivier Bernard) ; que ce projet de fusion vient d'être examiné très favorablement par l'AERES en janvier 2014 et entrera en vigueur en janvier 2015 ; que c'est en prévision de cette fusion qu'Eric Solary souhaite obtenir une autorisation auprès de l'Agence de la biomédecine afin de poursuivre les recherches menées jusqu'alors par William Vainchenker ; que l'excellence de cette unité, composée de huit chercheurs statutaires et d'une dizaine d'étudiants et post-doctorants, ne fait aucun doute ;
Considérant que le protocole de recherche a pour objectif d'utiliser les cellules souches embryonnaires humaines (CSEH) comme outil de modélisation de maladies hématologiques afin de comprendre les mécanismes moléculaires de ces dernières ; que la finalité médicale et thérapeutique constitue une priorité du projet ; que les maladies explorées concernent les lignages érythroïde (à l'origine des globules rouges) et mégacaryocytaire (à l'origine de la formation des plaquettes), ainsi que les syndromes myéloprolifératifs ; que ces trois grandes classes de pathologies constituent depuis plus de vingt ans les domaines de recherche de William Vainchenker et Eric Solary, auxquels ils ont fait des contributions majeures reconnues internationalement ; que l'analyse des pathologies se révèle indissociable de celle des processus normaux de différenciation, dans la mesure où les résultats obtenus chez les malades peuvent aider à comprendre la physiologie (voir l'exemple des gènes TET2 et AML 1) et inversement et qu'elle constitue un élément clé du succès de ces chercheurs ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant que la démarche de l'équipe se résume en plusieurs étapes ; qu'une première étape consiste à mettre au point les conditions de différenciation normale des CSEH en précurseurs érythroïdes et mégacaryocytaires des lignées H1 et H9 ; que l'hématopoïèse (production de l'ensemble des lignées cellulaires sanguines) chez l'homme est un processus très complexe qui survient en plusieurs vagues (primitive, définitive) et prend place dans différents organes chez l'embryon ; que sa modélisation est donc particulièrement délicate à partir de CSEH et qu'il en est de même de la différenciation en mégacaryocytes et ensuite de la production de plaquettes par ces cellules, mécanismes que William Vainchenker a largement contribué à décrypter ; que la demande décrit de façon précise et très documentée les détails des conditions mises au point pour réussir à mimer ces différentes étapes à partir de CSEH, et les publications récentes du laboratoire attestent de leur maîtrise par l'équipe ;
Considérant qu'une deuxième étape est relative à l'analyse des maladies hématologiques ; que les maladies humaines modélisées dans le projet le sont soit avec des CSEH, soit avec des cellules souches pluripotentes induites (iPS) ; que ce choix n'est pas aléatoire car beaucoup des maladies étudiées par l'équipe sont à début précoce (enfance, nouveau-né) et l'élément déclenchant se produit vraisemblablement in utéro, donc dans un contexte cellulaire fœtal ; que la différenciation hématopoïétique embryonnaire/fœtale est très différente de la différenciation adulte et que, dans ce cadre, les CSEH apparaissent préférables, au moins initialement ; que, dans toutes ces modélisations, on ne dispose pas de CSEH issues d'un diagnostic préimplantatoire et qu'il faut donc créer de novo l'effet de la mutation pathologique en éteignant (ici par interférence ARN), ou au contraire en surexprimant l'expression du gène ; que trois classes de maladies hématologiques sont étudiées :
Les syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie, thrombocythémie [excès de plaquettes] essentielle, myélofibrose), maladies du sujet adulte, souvent liées à des mutations acquises, non constitutionnelles, du gène TET2 ou du gène JAK2 (mutation découverte par le laboratoire) ; que, dans le cas de la mutation JAK2, la modélisation a été faite avant tout avec des iPS dérivées des patients et les CSEH ont servi de référence.
Les thrombopénies (défaut de plaquettes) familiales avec prédisposition aux leucémies ; que les mutations sont constitutionnelles, de transmission germinale autosomique dominante et que la maladie a un début précoce, peut-être in utero ; qu'il est ainsi important dans ces cas d'utiliser initialement des CSEH pour faire la modélisation dans la mesure où la différenciation mégacaryocytaire n'est pas gouvernée par les mêmes mécanismes dans l'embryon, le fœtus et l'adulte, et que ces distinctions ontogéniques sont au mieux analysées avec des CSEh, cellules souches embryonnaires « physiologiques » ; que cette partie du projet s'inscrit dans le cadre d'un réseau français regroupant tous les patients (maladie rare).
Les leucémies mégacaryocytaires de l'enfant, très spécifiques de cet âge, ce qui suggère un début in utero dans un contexte cellulaire fœtal ; que les mutations caractéristiques seront exprimées dans les CSEH et les conséquences sur la différenciation mégacaryocytaire analysées ; dans cet exemple également, il est logique d'utiliser des CSEH pour essayer de mimer au mieux le contexte développemental embryonnaire et fœtal de l'hématopoïèse.
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques la recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que pour chacune des maladies qui seront analysées, l'utilisation des CSEH constitue un des outils de modélisation ; que ces projets très complets sont également abordés via la modélisation chez la souris, ou via la culture de cellules primaires issues des patients et qu'à partir de la combinaison de ces approches, in fine, émergera une compréhension des mécanismes à l'œuvre ; que l'intérêt de la démarche réside également dans l'exploration des conséquences de mutations pathologiques pour la compréhension de la différenciation hématopoïétique normale ;
Considérant, en conséquence, que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne lui ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; qu'il s'agit d'un projet scientifiquement irréfutable mené par une équipe leader international dans le domaine et que les objectifs et projets ciblés se placent dans la continuité de ce qui a été réalisé depuis 2005 par l'équipe de William Vainchenker ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés au projet de recherche envisagé,
Décide :
Fait le 3 mars 2014.
E. Prada-Bordenave