Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz

Dernière mise à jour des données de ce texte : 01 janvier 2016

Version en vigueur au 09 avril 1946
    • La gestion des entreprises nationalisées d'électricité est confiée à un établissement public national de caractère industriel et commercial dénommé "Electricité de France (E.D.F.), Service National".

      Il comporte au moins six secteurs destinés à étudier, réaliser et exploiter sous sa direction, les moyens de production d'électricité. Une loi, qui sera votée avant le 31 mars 1947, déterminera le statut de ces secteurs et la nature de leur autonomie.

      La gestion de la distribution de l'électricité est confiée à des établissements publics de caractère industriel et commercial dénommés "Electricité de France, Service de distribution" suivi du nom géographique correspondant.

      Jusqu'à la mise en place effective des services de distribution, la prise en charge et le fonctionnement du service public de distribution sont assurés par le service national.

    • La gestion des entreprises nationalisées de gaz est confiée à un établissement public national de caractère industriel et commercial dénommé : "Gaz de France (G.D.F.), Service National".

      La gestion de la production et de la distribution du gaz est confiée à des établissements publics de caractère industriel et commercial dénommés : "Gaz de France, Service de production et de distribution", suivi du nom géographique correspondant.

      Jusqu'à la mise en place effective des services de production et de distribution, la prise en charge et le fonctionnement du service public de production et de distribution sont assurés par le service national.

    • Les services de l'Electricité de France et de Gaz de France sont dotés de l'autonomie financière, et par voie de conséquence, de l'indépendance technique et commerciale.

      Ils suivent pour leur gestion financière et comptable, les règles en usage dans les sociétés industrielles et commerciales et sont assujettis aux impôts.

      Ils sont soumis au contrôle de commissaires aux comptes désignés par le ministre de l'économie et des finances parmi les commissaires inscrits sur les listes des cours d'appel.

      Ces commissaires, au nombre de deux au moins pour chaque service autonome, sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable ; leurs pouvoirs et leur responsabilité sont soumis aux mêmes règles qu'en ce qui concerne l'exercice de leurs fonctions auprès des sociétés par actions.

      Ils rédigent un rapport commun ou des rapports séparés, qui seront publiés au Journal officiel en ce qui concerne les services nationaux, dans des journaux locaux d'annonces légales en ce qui concerne les secteurs de production et les services de distribution en même temps que les bilans et comptes d'exploitation de ces établissements.

      La gestion des services nationaux et de distribution est conduite de manière à faire face à toutes les charges d'exploitation, de capital et d'investissement.

      Les services nationaux devront, dans les six mois qui suivront le transfert des biens, charges, droits et obligations, établir un inventaire estimatif des biens et charges qui leur auront été transférés et un rapport sur la situation administrative, technique, économique et financière qui en résultera. Un résumé de cet inventaire et le rapport seront soumis, dans le délai ci-dessus, au Gouvernement qui, après approbation ou rectification, les communiquera au Parlement au plus tard un an après le transfert des biens, charges, etc. Ils seront publiés au Journal officiel.

    • Les circonscriptions territoriales des services de distribution sont établies par l'Electricité de France ou le Gaz de France, en tenant compte de la structure des réseaux et des intérêts économiques des régimes, ainsi que des régimes d'exploitation en vigueur pour l'électricité et le gaz, les collectivités intéressées étant préalablement et obligatoirement consultées.

    • Chaque service de distribution est administré par un conseil d'administration nommé par le service national, et comprenant :

      1° Quatre membres représentant le service national ;

      2° Six représentants des diverses catégories du personnel désignés par les organisations syndicales les plus représentatives du personnel du service de distribution, selon la répartition prévue à l'article 20 (3°) ;

      3° Huit représentants des usagers, dont six représentants des collectivités locales ayant institué des distributions d'électricité ou de gaz, un représentant des industries consommatrices désigné par les chambres de commerce, un représentant des associations familiales pour le gaz ou un représentant des associations agricoles pour l'électricité.

      En ce qui concerne le service de distribution d'électricité de la région parisienne, le représentant des associations agricoles sera remplacé par un représentant des associations familiales.

      Un décret fixera les conditions d'élection des délégués des collectivités locales. Ces collectivités auront un nombre de voix proportionnel à la population. Lorsque le service de distribution comportera à la fois des communes urbaines et des communes rurales, ces deux catégories de communes devront être représentées.

      Le directeur du service de distribution est nommé par le conseil d'administration de ce service et doit être agréé par le service national.

      Il est choisi parmi des personnalités de compétence éprouvée dans la profession.

      Toutefois, cette nomination sera faite après consultation du syndicat des communes intéressées, si la majorité de ces communes représentant la majorité de la population se sont constituées en syndicat intercommunal.

      Un décret pris sur rapport des ministres de la production industrielle, de l'économie et des finances et de l'agriculture détermine les conditions dans lesquelles ;

      1° Sont pris en charge au point de vue comptable, par les services de distribution, les biens qui leur sont transférés ;

      2° Sont établis les états de prévision de recettes et de dépenses, les programmes de travaux, les bilans et les comptes de profits et pertes ;

      3° Sont publiés les bilans et les rapports des conseils d'administration.

    • Nonobstant toutes dispositions contraires, les services nationaux et les services de distribution sont habilités à acquérir de l'Etat et des personnes publiques ou privées des biens de toute nature, à les prendre à bail, à les gérer et à les aliéner, dans les conditions applicables aux personnes privées, sous réserve de se conformer aux règles auxquelles ils sont soumis en application de la présente loi.

      Les services nationaux et les services de distribution font face à leurs besoins courants en faisant appel aux moyens de crédit en usage dans les entreprises industrielles.

      Ils peuvent procéder à des emprunts avec l'agrément de la caisse nationale dont il est question à l'article 25 ci-après.

    • Il est créé, sous la dénomination de "Caisse nationale d'équipement de l'électricité et du gaz" un établissement public national doté de l'autonomie financière.

      La Caisse nationale a pour objet de mettre à la disposition des services nationaux et des services de distribution les moyens financiers nécessaires à la réalisation de leur mission et notamment à la mise en oeuvre du plan d'amélioration et de développement de l'électricité et du gaz.

      Elle assure le service des obligations délivrées en paiement des indemnités prévues par la présente loi, ainsi que le service des obligations émises par les entreprises dont les charges obligataires sont transférées aux services nationaux.

      Elle coordonne et contrôle les émissions d'obligations effectuées soit par les services nationaux, soit par les services de distribution.

    • La caisse nationale d'équipement de l'électricité et du gaz est administrée par un conseil d'administration dont le président est nommé par décret pris sur le rapport des ministres de la production industrielle et de l'économie et des finances et qui comprend, en outre :

      Quatre représentants de l'Etat :

      Un désigné par le ministre de l'agriculture ;

      Deux désignés par le ministre de l'économie et des finances ;

      Un désigné par le ministre de la production industrielle ;

      Trois représentants de l'Electricité de France, dont un des services de distribution ;

      Deux représentants du Gaz de France dont un des services de distribution ;

      Quatre représentants du conseil national du crédit ;

      Le président ou le directeur général de la caisse nationale de crédit agricole.

      Le directeur de la caisse nationale est nommé par le ministre de l'économie et des finances, après avis du ministre de la production industrielle.

      La caisse nationale se comporte, en matière de gestion financière et comptable, suivant les règles en usage dans les entreprises industrielles et commerciales et est assujettie aux impôts.

      Les comptes de la caisse nationale sont soumis au contrôle de deux ou plusieurs commissaires aux comptes désignés par le ministre de l'économie et des finances parmi les commissaires inscrits sur les listes des cours d'appel.

    • Chaque année, trois mois au plus tard après les avis reçus de la chambre des comptes prévue à l'article 29, et, en tout état de cause, avant le 31 décembre qui suit la clôture de l'exercice précédent, le ministre chargé de la production industrielle dépose, sur le bureau du Parlement, un rapport sur la situation de l'Electricité et du Gaz de France. Les rapports et les comptes des conseils d'administration, des commissaires aux comptes, les avis de la chambre des comptes, les décisions prises sur ces comptes rendus par les organismes qualifiés pour donner quitus seront annexés à ce rapport.

    • Les bénéfices réalisés par les services de distribution et les régies d'électricité ou du gaz seront versés pour partie à un compte ouvert dans leurs comptabilités respectives et employés au financement des investissements nécessaires au développement de la production ou de la distribution, pour partie aux fonds nationaux, soit de l'électricité, soit du gaz dont il est question ci-après :

      La part des bénéfices versée au fonds national est fixée par arrêté des ministres de la production industrielle et de l'économie et des finances après avis des conseils d'administration de l'Electricité de France ou du Gaz de France et du conseil d'administration de l'établissement intéressé.

      Les bénéfices réalisés par l'Electricité de France ou par le Gaz de France sont versés à un compte ouvert dans leurs comptabilités respectives et dénommé fonds national de développement, soit de l'Electricité, soit du Gaz.

      Ces fonds nationaux reçoivent également les parts de bénéfices des services de distribution et des régies à eux attribuées ci-dessus.

      Les fonds nationaux seront employés par l'Electricité de France ou le Gaz de France au financement des investissements faits par eux à la réalisation des prêts à long terme aux services de distribution et aux régies pour le financement de leurs propres investissements.

    • Les établissements publics auxquels sont transférées les concessions d'électricité ou de gaz nationalisées en vertu de la présente loi devront observer les dispositions des cahiers des charges en vigueur.

      L'Etat, les collectivités locales et, le cas échéant, les tiers conservent tous les droits résultant de ces cahiers des charges et de toutes autres conventions.

      Sauf convention expresse contraire, les collectivités locales restent propriétaires des installations qui leur appartiennent, ou de celles qui, exploitées sous le régime de l'affermage ou de la concession, devraient leur revenir gratuitement à l'expiration du contrat.

      Les collectivités locales concédantes conservent la faculté de faire exécuter en tout ou en partie à leur charge, les travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

      Les rapports et comptes annuels du service de distribution concessionnaire sont communiqués à la collectivité concédante qui saisit de son avis motivé le conseil d'administration de l'Electricité de France ou du Gaz de France.

    • Un décret établira de nouveaux cahiers des charges types.

      Dans un délai de six mois à partir de la publication de ce décret, l'autorité concédante ou l'établissement public concessionnaire pourra demander la révision du cahier des charges en vigueur. Le décret prévu à l'alinéa 1er déterminera les conditions de cette révision.

      En cas de révision, à l'expiration de la concession ou en cas de reprise des ouvrages concédés par les collectivités locales selon les dispositions du cahier des charges, il sera statué à défaut d'accord et à la requête de la partie la plus diligente par le conseil supérieur de l'Electricité et du Gaz.

    • Un décret déterminera les conditions dans lesquelles sera transférée à l'Electricité de France la gestion du fonds d'amortissement des charges d'électricité institué par l'article 108 de la loi du 31 décembre 1936 et les conditions dans lesquelles les ressources et les attributions de cet organisme pourront être modifiées et complétées en vue de s'assurer le paiement des dépenses d'électrification rurale supportées par les collectivités locales.

    • A titre transitoire et en attendant que le conseil d'administration de l'Electricité de France ou du Gaz de France ait pu prendre d'autres dispositions, la gestion des entreprises soumises au transfert prévu par l'article 6 est assurée par le directeur général en fonction à la date du transfert.

      Le directeur général de chaque entreprise dispose, sous le contrôle du conseil d'administration de l'Electricité de France ou du Gaz de France, des mêmes pouvoirs dont il disposait antérieurement. Il adresse chaque mois, à l'établissement national dont il relève, un compte rendu de sa gestion.

      Jusqu'à l'installation du conseil d'administration, ses attributions sont exercées par un commissaire provisoire ; ce dernier rend compte de sa gestion au conseil d'administration aussitôt que ce dernier est installé. Ses pouvoirs prennent fin dès l'approbation de son compte rendu par le conseil d'administration.

    • Dans le cas où l'exploitation de l'entreprise nationalisée aurait déjà fait l'objet d'une réquisition d'usage, contestée ou non contestée, la remise des services sera effectuée directement par l'autorité requérante à l'autorité chargée de gérer provisoirement ou définitivement les biens nationalisés.

      Un inventaire descriptif et estimatif de l'actif et du passif et un état des lieux seront établis d'un commun accord par les deux autorités ci-dessus, sans intervention du prestataire ; à défaut d'accord, un délégué du ministère de la production industrielle établira cet inventaire et cet état des lieux.

      Cet inventaire et cet état des lieux serviront de base non seulement à la remise des services, mais encore au calcul éventuel de l'indemnité de remise en état pour dépréciation anormale, dégradation ou dégâts prévus à l'article 37 du décret du 28 novembre 1938.

      Une copie de cet inventaire et de cet état des lieux sera communiquée au prestataire par lettre recommandée.

    • Une loi particulière à intervenir avant le 31 décembre 1946 déterminera les conditions de la liquidation de la Compagnie nationale du Rhône et celles dans lesquelles seront assurés les services autres que celui de l'électricité confiés à cette compagnie par la loi du 27 mai 1921.

      Un décret à intervenir dans le même délai fixera la liquidation de la société Energie électrique de la Moyenne-Dordogne.

Le Président du Gouvernement provisoire de la République :

FELIX GOUIN

Le ministre de la production industrielle,

MARCEL PAUL.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

PIERRE-HENRI TEITGEN.

Le ministre de l'intérieur,

ANDRE LE TROQUER.

Le ministre de l'économie nationale, ministre des finances,

A. PHILIP.

Le ministre de l'économie nationale, ministre des finances, ministre de l'agriculture par intérim,

A. PHILIP.

Le ministre du travail et de la sécurité sociale,

A. CROIZAT.

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