Avis de la Commission de régulation de l'énergie du 27 décembre 2007 sur l'évolution des tarifs de vente de gaz en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008

Version initiale


Conformément à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, la CRE a été saisie pour avis, le 24 décembre 2007, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur un projet d'arrêté fixant l'évolution des tarifs de vente du gaz naturel en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008.
Une nouvelle saisine du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et de la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, adressée à la CRE le 26 décembre 2007, joint au projet d'arrêté les projets de barèmes correspondants. Le projet d'arrêté propose une hausse de 0,173 cEUR/kWh, en moyenne.
La CRE déplore avoir été saisie si tardivement pour un mouvement prévu le 1er janvier 2008. Cette saisine tardive ne lui a pas permis d'organiser toutes les auditions formelles auxquelles elle procède habituellement, comme la loi du 3 janvier 2003 le prévoit, et qu'elle aurait jugées utiles pour rendre son avis. En particulier, la CRE n'a pas pu entendre les associations de consommateurs.

  • 1. Cadre réglementaire

    Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique doivent respecter l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, qui dispose que : les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ».
    L'arrêté du 16 juin 2005 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a fixé les modalités d'évolution des tarifs réglementés de vente en distribution publique de Gaz de France et des entreprises locales de distribution jusqu'au 31 décembre 2007. Cet arrêté a été modifié par les arrêtés du 29 décembre 2005 et du 28 avril 2006 :
    ― l'arrêté du 29 décembre 2005 a supprimé, pour Gaz de France, l'évolution de ses tarifs le 1er janvier 2006, prévue initialement pour prendre en compte l'évolution de ses coûts. Il a également supprimé les deux augmentations qui permettaient de rattraper des évolutions de coûts non totalement répercutées dans les tarifs par le passé ou de compenser les pertes de recettes résultantes, à savoir :
    ― augmentation le 1er janvier 2006 de 0,04 c€/kWh de la part des tarifs correspondant aux coûts d'approvisionnement en gaz (dits coûts matière) et de 2,8 % de la part des tarifs correspondant aux autres coûts que ceux d'approvisionnement en gaz (dits coûts hors matière) ;
    ― augmentation le 1er avril 2006 de 0,14 c€/kWh de la part des tarifs en vigueur correspondant aux coûts d'approvisionnement en gaz, qui permettait de compenser les pertes de recettes entre le 1er novembre 2004 et le 1er janvier 2006 ;
    ― l'arrêté du 28 avril 2006 a supprimé la fréquence trimestrielle d'évolution des tarifs en distribution publique de Gaz de France et fixé le mouvement de ces tarifs au 1er mai 2006 à 0,21 c€/kWh.
    L'arrêté du 29 décembre 2005 a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007. En conséquence, si l'arrêté du 16 juin 2005 ne fixe plus, depuis le mouvement du 1er mai 2006, le cadre des évolutions des tarifs en distribution publique de Gaz de France, il n'en maintient pas moins, à ce jour, les deux rattrapages qui avaient été supprimés par l'arrêté du 29 décembre 2005.
    Dans son arrêt du 10 décembre 2007, le Conseil d'Etat a considéré qu' il résulte des dispositions combinées de l'article 7 de cette loi [du 3 janvier 2003] et de l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 que ces tarifs [réglementés de vente en distribution publique] ne peuvent être inférieurs aux coûts moyens complets de chaque opérateur ; que, pour satisfaire à cette obligation, il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, premièrement, de permettre au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et, troisièmement, d'ajuster ces tarifs s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ».
    L'arrêté du 16 juin 2005 arrive à échéance au 31 décembre 2007. Un projet d'arrêté fixant le cadre des évolutions des tarifs réglementés de vente du gaz des entreprises locales de distribution et de la société TEGAZ a été soumis à l'avis de la CRE. Il ne concerne pas les tarifs réglementés de vente de Gaz de France.
    Un autre arrêté devrait être pris pour Gaz de France. En effet, l'absence de règles détaillées d'établissement des tarifs de Gaz de France est préjudiciable au bon fonctionnement du marché français du gaz naturel. L'absence de visibilité et de transparence sur un marché de onze millions de clients constitue un risque et, donc, une barrière à l'entrée pour tout fournisseur alternatif.

    2. Observations de la CRE sur la hausse moyenne
    envisagée par le Gouvernement
    Contenu de la hausse proposée

    La dernière évolution des tarifs réglementés de vente en distribution publique de Gaz de France, intervenue le 1er mai 2006, pour un montant de 0,21c€/kWh, correspondait à l'évolution des coûts matière de Gaz de France entre le 1er novembre 2005 et le 1er avril 2006.
    La hausse moyenne envisagée de 0,173 c€/kWh au 1er janvier 2008 reflète l'évolution des coûts matière de Gaz de France entre le 1er avril 2006 et le 1er janvier 2008. Elle est évaluée par application de la formule déposée par Gaz de France. L'audit de cette formule réalisé par la CRE en 2005 avait montré qu'elle reflétait correctement les coûts matière supportés par Gaz de France pour fournir les clients aux tarifs en distribution publique.
    Une hausse de 0,173 c€/kWh en moyenne correspond à une hausse des tarifs de Gaz de France de 4,3 % en moyenne.

    Coûts matière à considérer

    La hausse des tarifs de Gaz de France au 1er mai 2006 aurait dû être de 0,233 c€/kWh pour que la part des tarifs correspondant à l'approvisionnement reflète les coûts matière de Gaz de France : hausse des coûts matière de 0,193 c€/kWh entre le 1er novembre 2005 et le 1er mai 2006, à laquelle devait s'ajouter le dernier recalage à la hausse, de 0,04 c€/kWh, dû à la prise en compte dans les tarifs, au 1er novembre 2004, d'une augmentation des coûts matière deux fois moindre que la hausse théorique donnée par la formule. C'est ce que la CRE avait indiqué dans son avis du 28 avril 2006.
    L'écart entre la hausse théorique et la hausse appliquée au 1er mai 2006 est donc de 0,018 c/kWh (0,233 ― 0,215) (l).
    L'évolution des coûts matière de Gaz de France entre le 1er mai 2006 et le 1er janvier 2008, évaluée par application de la formule matière, est de 0,189 c€/kWh.
    Les tarifs de vente devraient, donc, être augmentés de 0,207 c€/kWh (0,189 + 0,018 2) pour que le niveau de la part des tarifs correspondant à la matière atteigne le niveau donné par application de la formule matière » de Gaz de France au 1er janvier 2008.
    Cette augmentation inclut, par construction, la hausse de 0,04 c€/kWh qui aurait dû être appliquée au 1er janvier 2006 et qui est prévue par l'arrêté du 16 juin 2005 dans sa version résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
    La hausse de 0,173 c€/kWh proposée n'est donc pas suffisante pour que la part des tarifs correspondant aux coûts matière reflète effectivement les coûts matière de Gaz de France évalués au 1er janvier 2008.

    Autres coûts à considérer

    La loi du 3 janvier 2003, telle qu'elle doit être appliquée selon l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007, implique que les tarifs permettent de couvrir les coûts hors matière (coûts d'utilisation des réseaux, coûts de stockage et coûts commerciaux) et le rattrapage lié à un écart significatif [qui] s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ».
    La hausse de 2,8 % au 1er janvier 2006 de la part des tarifs correspondant aux coûts hors matière, qui est prévue par l'arrêté du 16 juin 2005, dans sa version résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007, doit être appliquée au 1er janvier 2008.
    Dans son avis du 16 juin 2005, la CRE avait précisé que cette hausse de 2,8 %, soit 0,05 c€/kWh, correspondait à la prise en compte, à hauteur de 125 millions d'euros par an, de charges nouvelles liées à l'évolution des coûts d'accès aux réseaux intervenue pendant la période d'application du contrat Etat-groupe 2001-2004.
    En toute rigueur, il conviendrait aussi de prendre en compte le rattrapage de 0,14 c€/kWh prévu par l'arrêté du 16 juin 2005 dans sa version résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
    Le Conseil d'Etat a précisé qu' il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision [...], de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date ». Les experts prévoient un prix du baril qui devrait se situer dans les mois à venir autour d'une moyenne très supérieure aux prix du baril pris en compte pour évaluer les coûts matière au 1er janvier 2008.
    Cela devrait conduire à une nouvelle évolution tarifaire au cours du premier semestre 2008.

    3. Observations de la CRE sur les barèmes déposés

    La hausse envisagée de 0,173 c€/kWh a été appliquée aux abonnements, même si c'est pour une très faible part, afin de commencer à corriger les écarts importants entre les abonnements et les coûts fixes. A titre d'exemple, sur les tarifs Base (cuisson) et B1 (chauffage gaz), l'abonnement hors CTA (2) des tarifs de vente proposé est inférieur à l'abonnement du tarif d'utilisation des réseaux de distribution, qui ne représente qu'une partie des coûts fixes.
    Ce recalage en structure des tarifs doit être impérativement poursuivi, pour que les tarifs reflètent la vérité des coûts, comme l'exige la loi.

    4. Avis de la CRE

    La hausse envisagée ne permet pas d'assurer que les tarifs couvrent les coûts moyens complets de Gaz de France au 1er janvier 2008, dans une conjoncture qui laisse, de surcroît, présager des prix futurs du baril de pétrole supérieurs aux prix intégrés dans le calcul des coûts matière au 1er janvier 2008, à parité euro/dollar constante. Dans cette perspective, une nouvelle évolution tarifaire devrait normalement intervenir au cours du premier semestre 2008.
    La hausse appliquée au 1er janvier 2008 devrait être au minimum de 0,257 c€/kWh en moyenne (soit + 6,4 % en moyenne) résultant de :
    ― la hausse de la part des tarifs correspondant aux coûts matière de 0,207 c€/kWh, afin que cette part reflète les coûts matière supportés par Gaz de France au 1er janvier 2008 ;
    ― la hausse de la part des tarifs correspondant aux coûts hors matière de 0,05 c€/kWh, par application de l'arrêté du 16 juin 2005.
    En conséquence, la CRE ne peut qu'émettre un avis défavorable sur la hausse des tarifs réglementés de vente en distribution publique de Gaz de France proposée par le projet d'arrêté, ainsi que sur les barèmes correspondant à cette hausse, qui ne respectent pas les dispositions de la loi du 3 janvier 2003 et constituent une barrière à l'entrée des fournisseurs alternatifs.
    Fait à Paris, le 27 décembre 2007.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :
Le président,
P. de Ladoucette

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