Décision du 22 avril 2013 sur le différend qui oppose la société BEP Solaire à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité

Version initiale


Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 janvier 2011, sous le numéro 11-38-11, présentée par la société BEP Solaire, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Avignon sous le numéro B 508 426 384, dont le siège social est situé 197, boulevard Albin-Durand, 84200 Carpentras, représentée par son gérant, M. Gérard GLENAT, ayant pour avocat Me Rémi ANTOMARCHI, cabinet Abati Antomarchi, 1, rue André-Colledeboeuf, 75016 Paris.
La société BEP Solaire a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau publique de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que la société BEP Solaire développe un projet de centrale photovoltaïque, dénommé « Drogue ― Ferme de l'Echarasson », d'une puissance de production maximale de 114 kW, sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Vercors (Drôme). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 24 juin 2010, la société BEP Solaire a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour son projet de centrale photovoltaïque.
Le 28 juin 2010, la société ERDF a indiqué à la société BEP Solaire que sa demande était considérée comme complète à la date du 24 juin 2010.
Le 2 décembre 2010, la société BEP Solaire a relancé la société ERDF pour la délivrance d'une proposition technique et financière pour son projet de centrale photovoltaïque.
Le 7 décembre 2010, la société ERDF a communiqué à la société BEP Solaire une proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production photovoltaïque « Drogue ― Ferme de l'Echarasson » au réseau public de distribution d'électricité, par une liaison souterraine en BT de 64 mètres, raccordée depuis un nouveau poste de distribution publique HTA/BT, sur le départ HTA « Vercors » issu du poste source « Villard de Lans ».
Le 8 décembre 2010, la société BEP Solaire a renvoyé la proposition technique et financière signée ainsi qu'un chèque d'acompte de 6 264,74 euros.
Le 17 décembre 2010, les conseils de la société BEP Solaire ont saisi la société ERDF d'une réclamation visant à obtenir, à défaut d'une régularisation dans la délivrance de la proposition technique et financière dans les délais impartis, la réparation du préjudice subi au visa des articles 1382 et suivants du code civil.
Le 5 janvier 2011, la société ERDF a indiqué à la société BEP Solaire que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et qu'elle devait, si elle souhaitait bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, adresser une nouvelle demande complète de raccordement à la fin de période de suspension de l'obligation d'achat.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société BEP Solaire a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.


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Dans ses observations, la société BEP Solaire soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production, d'une part, car le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et, d'autre part, parce que le litige porte sur l'accès audit réseau.
Elle estime que la société ERDF n'a respecté ni les textes légaux et réglementaires applicables aux demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité ni sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société BEP Solaire affirme ainsi que la société ERDF devait, en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui devenu l'article L. 111-93 du code de l'énergie), justifier son refus de délivrer une proposition technique et financière, par des impératifs liés à l'accomplissement d'une mission de service public ou par des motifs tenant à la sécurité, la sûreté ou la qualité de fonctionnement des réseaux.
Elle soutient, également, que, selon la délibération de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009, le gestionnaire de réseau public de transport doit garantir un accès efficace à ce réseau.
La société BEP Solaire en conclut que la société ERDF a manqué à ses obligations dans le traitement de la demande de raccordement et, qu'ainsi elle ne saurait se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat d'électricité pour s'opposer à la communication de la proposition technique et financière de raccordement attendue dans un délai de trois mois.
Elle considère, donc, qu'elle pouvait légitimement espérer obtenir une proposition technique et financière dans un délai de trois mois, soit avant la date du 2 décembre 2010 à laquelle une proposition devait avoir été acceptée pour échapper à la suspension de l'obligation d'achat décidée par le décret précité.
La société BEP Solaire demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence ;
Par conséquent :
― traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société BEP Solaire comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 25 septembre 2010 ;
― traiter la proposition technique et financière transmise à la société BEP Solaire comme ayant été établie le 25 septembre 2010 et acceptée immédiatement.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 21 mars 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocats Me Laurent MARTINET et Me Marie-Laure CARTIER-MARRAUD, cabinet Jones Day, 2, rue Saint-Florentin, 75001 Paris.
La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est incompétent pour connaître du différend soulevé par la société BEP Solaire, d'une part, car il est lié non pas à un problème d'accès ou d'utilisation des réseaux publics d'électricité mais à une question d'achat ou de vente d'électricité et, d'autre part, car elle n'a jamais refusé ou conditionné l'accès au réseau de cette dernière, comme en atteste la proposition technique et financière adressée le 7 décembre 2010.
Elle estime que la demande de la société BEP Solaire vise à la faire échapper à l'application du décret du 9 décembre 2010, qui la prive du tarif d'achat avantageux attaché au régime de la prime d'intégration au bâti dont elle pourrait bénéficier.
La société ERDF ajoute qu'elle était tenue d'appliquer le décret du 9 décembre 2010 aux procédures en cours, sous peine d'engager sa responsabilité, ce qui ne constitue pas un manquement à ses obligations.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
In limine litis :
― constater que le litige n'a pas trait à une problématique d'accès au réseau public de distribution de l'électricité ou de son utilisation au sens de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;
― se déclarer, en conséquence, incompétent pour statuer sur le présent litige ;
Dans l'hypothèse extraordinaire où le comité de règlement des différends et des sanctions retiendrait sa compétence :
― constater le caractère normatif du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
― constater l'obligation pour la société ERDF de l'appliquer ;
― débouter, en conséquence, la société BEP Solaire de l'ensemble de ses demandes.


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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.


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Vu la lettre du directeur adjoint au directeur général du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société BEP Solaire de présenter ses observations.


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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 25 janvier 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 11-38-11 ;
Vu la décision du 23 mars 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société BEP Solaire ;
Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres ;


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 22 avril 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Jérémie ASTIER, représentant le directeur général empêché et le directeur juridique empêché.
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint.
Me Rémi ANTOMARCHI pour la société BEP Solaire.
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Laurent MARTINET.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Rémi ANTOMARCHI pour la société BEP Solaire ; la société BEP Solaire persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Laurent MARTINET et de M. Christopher MENARD pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 22 avril 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.


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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
La société BEP Solaire soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production, d'une part, car le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et, d'autre part, parce que le litige porte sur l'accès audit réseau.
La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est incompétent pour connaître du différend soulevé par la société BEP Solaire, d'une part, car il est lié non pas à un problème d'accès ou d'utilisation des réseaux publics d'électricité mais à une question d'achat ou de vente d'électricité et, d'autre part, car elle n'a jamais refusé ou conditionné l'accès au réseau de cette dernière, comme en atteste la proposition technique et financière adressée le 7 décembre 2010.
L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose que le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] sur l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties [...] ».
Il n'est pas contesté qu'une demande de raccordement a été enregistrée par la société ERDF, le 24 juin 2010, et qu'il existe un différend portant sur le raccordement de l'installation de production au réseau public d'électricité lequel relève de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
La société BEP Solaire demande au comité de règlement des différends et des sanctions de mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence et, par conséquent, de :
― traiter son projet d'installation de production photovoltaïque comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 25 septembre 2010 ;
― traiter la proposition technique et financière comme ayant été établie le 25 septembre 2010 et acceptée immédiatement.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 du même décret du 9 décembre 2010, prévoit que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
L'article 5 dudit décret dispose qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
La société BEP Solaire n'ayant notifié que le 8 décembre 2010 son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement, les dispositions de l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 lui sont applicables. Il lui appartient, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution, en vue de bénéficier de l'obligation d'achat, de déposer une nouvelle demande complète de raccordement, conformément à ce même article.
La circonstance que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement, en ne respectant pas son délai de trois mois, ne permet pas de faire produire effet à la proposition technique et financière de raccordement retournée le 8 décembre 2010 dans les conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.


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Décide :


  • Les demandes de la société BEP Solaire sont rejetées.


  • La présente décision sera notifiée à la société BEP Solaire et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 22 avril 2013.


Pour le comité de règlement
des différends et des sanctions :
La présidente,
M. Liebert-Champagne

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