Décision du 3 mars 2014 portant autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique (partie législative)

NOR : AFSB1400079S
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2014/3/3/AFSB1400079S/jo/texte
JORF n°0105 du 6 mai 2014
Texte n° 21

Version initiale


La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 22 décembre 2008 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U676) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la différenciation neurale de cellules souches embryonnaires humaines et approches de thérapie cellulaire de modèles murins de lésions cérébrales ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 octobre 2013 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U676) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 28 octobre 2013 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 21 et 25 novembre 2013 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 6 février 2014 ;
Considérant que l'unité que dirige Pierre Gressens ― Physiopathologie et neuroprotection des atteintes du cerveau en développement ― est localisée au sein de l'hôpital Robert Debré ; qu'elle est spécialisée dans l'étude des maladies cérébrales périnatales qui touchent le cerveau en développement ; que ces atteintes, souvent dans le cadre d'une grande prématurité, sont gravissimes, entraînent des handicaps majeurs, moteurs et cognitifs et n'ont pas de traitement ; que son équipe est une des seules en France à aborder cette thématique et possède une reconnaissance internationale dans ce domaine, en particulier par ses travaux pionniers dans le développement de modèles animaux (rongeurs) représentatifs des atteintes périnatales du nouveau-né ; que l'un des premiers travaux est l'établissement d'une souris « Harlequin » porteuse d'une mutation spontanée d'une protéine mitochondriale induisant un dysfonctionnement des mitochondries, responsable notamment d'une atteinte cérébrale postnatale touchant les cellules granulaires du cervelet (entraînant une ataxie ou trouble de l'équilibre) ; que l'équipe a également établi un modèle néonatal de toxicité induite (modèle « Iboténate ») qui reproduit la démyélinisation par atteinte localisée des oligodendrocytes que l'on observe chez les grands prématurés :
Considérant, compte tenu de l'échec des approches thérapeutiques pharmacologiques que le protocole de recherche a pour objectif d'explorer dans ces modèles la possibilité d'une thérapie cellulaire par des précurseurs humains de neurones du cervelet ou d'oligodendrocytes, issus de cellules souches embryonnaires humaines (CSEH) ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que l'objectif de la recherche est la thérapie cellulaire chez l'homme ; que les cellules murines se comportent différemment des cellules humaines en termes de différenciation, de fragilité, de stabilité du génome et de pérennité de l'auto renouvellement ; qu'en l'état actuel de la science de nombreuses données montrent que les lignées de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) ne reproduisent pas fidèlement le phénotype des cellules souches embryonnaires humaines et que les facteurs libérés par les CSEH semblent en outre essentiels dans la réaction inflammatoire probablement à l'origine de l'apparition de progéniteurs nestines-positifs dans le cervelet des animaux testés ; que ces facteurs ne sont pas identiques dans les iPS ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2008 pour une durée de cinq ans. ; que la stratégie de l'équipe consistait, d'une part, à définir les conditions de la différenciation en neurones granulaires du cervelet et en oligodendrocytes des CSEH et, d'autre part, à greffer les précurseurs ainsi obtenus dans le cerveau des animaux modèles Harlequin et Iboténate, dont elle maîtrise parfaitement les paramètres ; que la différenciation devait être obtenue en définissant les conditions de culture adéquates et en la facilitant via l'expression de protéines clés (Math1/Atoh1) de ces voies de développement dans les cellules souches embryonnaires humaines ;
Considérant que l'équipe a progressé selon le calendrier envisagé initialement et a obtenu des résultats importants ; que les objectifs de l'autorisation initiale ont été atteints s'agissant de la différenciation des CSEH en neurones granulaires du cervelet, à la fois par la définition des conditions de culture, mais aussi par la création d'une lignée exprimant le facteur clé Math1 dès la spécification en neurones granulaires, ce qui permet de sélectionner les cellules d'intérêt ; qu'après avoir déterminé le stade de différenciation et le temps de culture les plus adaptés, l'équipe a transplanté les précurseurs ainsi différenciés dans le cervelet de modèles murins au début de l'atteinte neurologique et les conséquences ont été analysées ; que l'équipe a ainsi constaté une discrète amélioration de l'ataxie, accompagnée d'une activation de la neurogénèse (fabrication de nouveaux neurones), même si, en dépit de cette amélioration, les cellules greffées ne survivent pas plus d'un mois dans l'organisme hôte ; que ces résultats ont fait l'objet de présentations à des congrès et un article est en cours de rédaction. Les travaux effectués en parallèle sur les cellules murines ont par ailleurs été publiés récemment dans l'une des principales revues internationales spécialisées (Stem Cells) ;
Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; qu'il s'agit de poursuivre le projet de thérapie cellulaire utilisant la différenciation des CSEH en neurones granulaires du cervelet, et en particulier de comprendre, chez la souris Harlequin, les mécanismes de l'amélioration de l'ataxie, ce qui apparaît essentiel dans une perspective clinique chez l'homme ; que l'équipe souhaite désormais augmenter le nombre d'animaux implantés étudiés, comprendre pourquoi les cellules implantées sont éliminées en un mois et comparer avec d'autres souris implantées afin d'examiner l'hypothèse d'un rôle de l'inflammation du cervelet, caractéristique des souris Harlequin, et enfin comprendre l'origine et le devenir des cellules nestines-positives, progéniteurs apparaissant dans le cervelet des souris Harlequin ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne lui ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe peut également se prévaloir d'une longue expérience avec les cellules souches embryonnaires murines et que le projet de recherche est réalisé en collaboration avec l'équipe du Docteur Mani en Inde, qui travaille sur les facteurs proneuraux dans la différenciation neuronale des cellules,
Décide :


  • L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U676) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la différenciation neurale de cellules souches embryonnaires humaines et approches de thérapie cellulaire de modèles murins de lésions cérébrales. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Pierre Gressens.


  • La présente autorisation est accordée pour une durée de quatre ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.


  • Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.


  • Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait le 3 mars 2014.


E. Prada-Bordenave

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