Décision du 16 juillet 2009 relative aux sanctions à l'encontre de la société X

Version initiale


L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des assurances, et notamment ses articles L. 310-18, L. 331-3, R. 310-18, R. 336-1, A. 132-1, A. 132-2, A. 132-3 et A. 331-1-1 ;
Vu le rapport de contrôle du 11 mai 2009, les observations de la société X du 25 mai 2009 ainsi que la note et les nouvelles observations des commissaires contrôleurs des 2 et 3 juin 2009 ;
Vu la notification des griefs du 11 juin 2009, adressée par le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) à la société X ;
Vu les observations écrites de la société X du 29 juin 2009 ;
Vu le document remis en séance par la société ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance de l'ACAM, qui s'est tenue le 16 juillet 2009, en présence de :
― M. de Vulpillières, membre le plus ancien des membres présents de l'ACAM, faisant fonction de président de séance, en l'absence du président et du vice-président empêchés, M. Fernandez-Bollo, représentant le gouverneur de la Banque de France, MM. Cellier, Diricq, Guerder, Vandier, membres de l'ACAM ;
― Mme Atig, commissaire du Gouvernement ;
― M. Mantel, secrétaire général, M. Roux, secrétaire général adjoint, Mme Dreyfuss, directeur de cabinet, M. Israël, directeur des affaires juridiques, Mme Denis, chef de brigade, MM. Avenel et Hugonin, commissaires contrôleurs des assurances, Mme Litvak, secrétaire de séance et Mme Baras, agent du secrétariat général ;
― M. A., directeur général, et M. B., directeur des risques de la société X ;
Après avoir entendu :
― le rapport présenté par M. Roux, secrétaire général adjoint ;
― les observations de MM. A, et B. ; M. A. ayant pris la parole en dernier.
Le quorum requis étant réuni, le collège ayant délibéré le 16 juillet 2009, hors la présence du commissaire du Gouvernement et de l'ensemble des agents du secrétariat général, à l'exception de la secrétaire de séance,
Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :
Considérant que la société X (...) a fait l'objet d'un contrôle au mois d'avril 2009 portant sur les garanties de taux qu'elle octroyait ; que ce contrôle a donné lieu à la rédaction d'un rapport en date du 11 mai 2009, auquel la société a répondu le 25 mai 2009 ;
Considérant que lors de sa séance du 10 juin 2009, l'autorité de contrôle, saisie par son secrétaire général, a examiné le rapport établi par les commissaires contrôleurs et pris connaissance des réponses apportées par la société X ; qu'à l'issue de cette réunion, l'ACAM a, en application des dispositions de l'article R. 310-18 du code des assurances, décidé de notifier à la société intéressée les faits susceptibles de lui être reprochés ;
Sur le bien-fondé des griefs :
En ce qui concerne le premier grief :
Considérant qu'aux termes de l'article A. 132-2 du code des assurances : « Les entreprises pratiquant des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1 peuvent, dans les conditions fixées à l'article A. 132-3, garantir dans leurs contrats un montant total d'intérêts techniques et de participations bénéficiaires qui, rapporté aux provisions mathématiques, ne sera pas inférieur à un taux minimum garanti » ; que l'article A. 132-3 du même code dispose que : « 1° Le taux minimum visé à l'article A. 132-2 peut être fixé annuellement pour l'année suivante. Il ne peut excéder alors 85 % de la moyenne des taux de rendement des actifs de l'entreprise calculés pour les deux derniers exercices (...) » ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités, pris sur le fondement de l'article L. 331-3 du code des assurances, la limite prévue à l'article A. 132-3 pour le taux minimum garanti visé à l'article A. 132-2 doit être appliquée à chaque contrat ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que X a accordé au titre des exercices 2008 à 2010 des taux minimum garantis allant, pour certains contrats, jusqu'à 5,60 % alors que, selon ses propres calculs, le plus haut des taux plafonds applicable sur cette période était de 4,59 % ; que, par suite, la société X a garanti dans certains de ses contrats, au titre des exercices 2008 à 2010, des montants totaux d'intérêts techniques et de participations bénéficiaires dépassant les plafonds réglementaires visés à l'article A. 132-2 et au 1° de l'article A. 132-3 du code des assurances, lesquels doivent être estimés comme suffisamment clairs et précis au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le grief est donc fondé ;
En ce qui concerne le deuxième grief :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article A. 132-1 du code des assurances : « Les tarifs pratiqués par les entreprises pratiquant des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1, en ce compris celles mentionnées à l'article L. 143-1 doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts [TME] de l'Etat français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus. (...) Les règles définies au présent article sont à appliquer en fonction du taux en vigueur au moment de la souscription (...). Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société a octroyé des garanties de taux de 4 %, pour des durées de huit à dix années, sur des contrats souscrits entre 2004 et 2007, alors que les taux plafonds définis à cet article par 75 % du TME et 60 % du TME n'ont pas excédé, respectivement, 3,25 % et 2,50 % sur cette période ; que par ailleurs, ces garanties ont aussi été octroyées pour des versements futurs non programmés aux termes du contrat ; que l'entreprise ne conteste pas les faits mais indique avoir mis en place des mesures correctrices ; que, toutefois, ces éléments sont sans incidence sur la réalité du manquement à l'époque du contrôle ; que, par suite, le grief est fondé ;
En ce qui concerne le troisième grief :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 336-1 du code des assurances, « toute entreprise mentionnée à l'article L. 310-1 ou au 1° du III de l'article L. 310-1-1 est tenue de mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne » ; que celui-ci doit notamment permettre « d'identifier, d'évaluer, de gérer et de contrôler les risques liés aux engagements de l'entreprise », ce qui suppose une maîtrise suffisante du processus de délivrance des garanties ; que ce dispositif de contrôle interne doit aussi assurer la fiabilité des « procédures d'élaboration et de vérification de l'information (...) comptable » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du grief précédent que la société n'a été en mesure d'identifier la délivrance de garanties pluriannuelles excessives, y compris sur versements futurs, qu'à l'issue d'une longue période ; qu'en outre, l'octroi de garanties de taux sur versements futurs non programmés a été de nature à placer la société dans l'incapacité d'évaluer, de contrôler et de gérer les risques nés de ces engagements ; que de récents avenants visant à réduire les garanties de deux importants contrats maintenaient celles-ci à leur niveau atteint ; que les corrections nécessaires à la rédaction de ces avenants n'ont été apportées qu'à la suite du contrôle des commissaires contrôleurs ; que dès lors le grief tiré de l'insuffisance du dispositif de contrôle interne, en ce qui concerne le processus de délivrance des garanties, est fondé ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article A. 331-1-1 du code des assurances : « Les provisions mathématiques des contrats de capitalisation, (...) d'assurance sur la vie, doivent être calculées d'après des taux d'intérêt au plus égaux à ceux retenus pour l'établissement du tarif (...) » ; qu'il résulte de l'instruction que la société a effectué un calcul en vue de se conformer aux dispositions susvisées s'agissant des garanties nées des versements délivrés en infraction aux dispositions de l'article A. 132-1 du code des assurances ; que le complément de provisions tenant compte du plafonnement du taux d'actualisation découlant des dispositions de l'article A. 331-1-1 susvisé n'a pourtant pas été porté dans ses comptes au titre de l'exercice 2008 ; que la société déclare avoir pris cette décision en raison de la faiblesse des sommes concernées au regard du montant total des provisions techniques déjà comptabilisées au bilan de l'entreprise ; que ce motif ne peut justifier un manquement au respect des dispositions réglementaires qui lui sont applicables ; que, dès lors, le grief tiré de l'insuffisance du dispositif de contrôle interne, en ce qui concerne les procédures d'élaboration et de vérification de l'information comptable, est également fondé ;
Sur la sanction :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X a méconnu plusieurs dispositions de la réglementation qui lui est applicable ; que la circonstance que la société X déclare avoir mis en place des mesures pour réduire les garanties pluriannuelles excessives, y compris sur versements futurs non programmés aux termes des contrats, demeure sans incidence sur la matérialité des faits à l'époque du contrôle ; que les manquements retenus à l'encontre de la société X justifient, par conséquent, le prononcé de sanctions, en application des dispositions de l'article L. 310-18 du code des assurances ; qu'il y a lieu de prononcer à son encontre un avertissement et, compte tenu des déficiences sérieuses constatées dans le dispositif de contrôle interne et évoquées ci-dessus, d'assortir cette mesure d'une sanction pécuniaire de 200 000 EUR ; qu'il y a lieu de prévoir que la publication de cette décision sera faite sous une forme anonymisée,
Décide :


  • Un avertissement est prononcé à l'encontre de la société X.


  • Une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 EUR (deux cent mille euros) est prononcée à l'encontre de la société X.


  • La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, après occultation du nom de la société visée et de ceux de ses représentants, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 310-18 du code des assurances.


  • La présente décision sera notifiée à la société X.
    Délibérée à l'issue de l'audience, où siégeaient : M. de Vulpillières, président de séance, M. Fernandez-Bollo, représentant le gouverneur de la Banque de France, MM. Cellier, Diricq, Guerder et Vandier, membres de l'ACAM, assistés de Mme Litvak, secrétaire de séance.


Fait à Paris, le 16 juillet 2009.


Le président de séance,
J.-F. de Vulpillières


Nota. ― En application des dispositions de l'article L. 310-18 du code des assurances, cette décision peut, dans le délai de deux mois qui suit sa notification, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.

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