Ordonnance n°92-1143 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle à Mayotte

Dernière mise à jour des données de ce texte : 25 mars 2012

NOR : DOMX9200156R

Version en vigueur au 01 mars 1993

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre du budget et du ministre des départements et territoires d'outre-mer,

Vu la Constitution, notamment son article 38 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;

Vu la loi n° 76-1112 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte ;

Vu la loi n° 79-1113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 91-1380 du 28 décembre 1991 d'habilitation relative à l'adaptation de la législation applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte ;

Vu l'ordonnance n° 81-295 du 1er avril 1981 modifiée relative à la promulgation et à la publication des lois et décrets et à l'organisation de la justice à Mayotte ;

Vu le décret du 1er juin 1939 modifié portant réorganisation de la justice de droit local dans l'archipel des Comores ;

Vu l'avis du conseil général de Mayotte en date du 14 août 1992 ;

Le Conseil d'Etat entendu ;

Le conseil des ministres entendu,

  • Dans la collectivité territoriale de Mayotte, l'aide juridictionnelle est instituée conformément aux dispositions de la présente ordonnance.

    • Les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice devant les juridictions autres que les juridictions de droit local de la collectivité territoriale de Mayotte peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle partielle ou totale.

      Son bénéfice peut être exceptionnellement accordé aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège dans la collectivité territoriale et ne bénéficiant pas de ressources suffisantes.

    • Sont admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle les personnes physiques de nationalité française et les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ainsi que les étrangers résidant habituellement et régulièrement dans la collectivité.

      Toutefois, l'aide juridictionnelle peut être accordée, à titre exceptionnel, aux personnes ne remplissant pas les conditions fixées à l'alinéa précédent, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès.

      L'aide juridictionnelle est accordée sans condition de résidence aux étrangers lorsqu'ils sont mineurs, inculpés, prévenus, accusés, condamnés ou parties civiles.

    • Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures ou égales à des montants déterminés par décret distincts selon qu'il s'agit d'aide juridictionnelle totale ou partielle.

      Ces plafonds sont fixés par référence au montant du salaire minimum en vigueur dans la collectivité territoriale. Ils sont affectés de correctifs pour charges de famille.

    • Pour l'application de l'article 4, sont prises en considération les ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition.

      Il est tenu compte des éléments extérieurs du train de vie.

      Sont exclues de l'appréciation des ressources les prestations familiales ainsi que certaines prestations sociales à objet spécialisé définies par décret en Conseil d'Etat.

      Il est tenu compte de l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus, à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour l'intéressé.

      Il est encore tenu compte, dans l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l'aide juridictionnelle ainsi que de celles des personnes avec lesquelles il vit habituellement, sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement avec le demandeur à l'aide juridictionnelle ou s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources.

    • L'aide juridictionnelle peut, à titre exceptionnel, être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions fixées au premier alinéa de l'article 2 et à l'article 4 lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès.

    • L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement.

      Cette condition n'est pas applicable au défendeur à l'action, à la personne civilement responsable, à l'inculpé, au prévenu, à l'accusé, au condamné.

      Lorsqu'en vertu des alinéas qui précèdent l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée et que cependant le juge a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources.

    • Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours.

    • Si la juridiction saisie d'un litige pour lequel le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été accordé est incompétente, ce bénéfice subsiste devant la nouvelle juridiction appelée à connaître du litige, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle admission.

    • L'aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, devant toute juridiction.

      Elle peut être demandée avant ou pendant l'instance, et peut être accordée pour tout ou partie de celle-ci.

      Elle peut également être accordée à l'occasion de l'exécution d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire.

    • L'aide juridictionnelle s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution.

      Ces procédures, actes ou mesures s'entendent de ceux qui sont la conséquence de la décision de justice, ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé l'admission.

    • L'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée par un bureau unique pour l'ensemble des juridictions de la collectivité.

    • Le bureau d'aide juridictionnelle est présidé soit par un magistrat du ressort du tribunal supérieur d'appel, soit par un magistrat honoraire ou par un ancien magistrat.

      Il comprend, en outre, deux personnalités qualifiées désignées par le président du tribunal supérieur d'appel.

    • Les membres du bureau d'aide juridictionnelle et le personnel du service sont soumis au secret professionnel défini par l'article 378 du code pénal.

    • L'avocat ou la personne agréée par le président du tribunal supérieur d'appel pour exercer les attributions dévolues par le code de procédure pénale aux conseils des parties commis d'office en matière pénale peut saisir le bureau d'aide juridictionnelle au lieu et place de la personne qu'il assiste ou a assistée.

    • Dans le cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président du bureau.

    • Le bureau d'aide juridictionnelle peut recueillir tous renseignements sur la situation financière de l'intéressé.

      Les services de l'Etat, de la collectivité territoriale et des collectivités publiques, les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle.

      En matière pénale, le bureau d'aide juridictionnelle peut, en outre, demander au procureur de la République communication des pièces du dossier pénal pouvant permettre d'apprécier les ressources de l'intéressé.

    • Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être déférées par le ministère public au président du tribunal supérieur d'appel ou à son délégué, qui statue sans recours.

      Les recours peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé pour un motif prévu par l'article 7 ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré.

      L'intéressé peut demander une nouvelle délibération du bureau lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé en application des articles 4, 5 et 6.

    • Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat ou d'une personne agréée et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours.

      Les avocats, les personnes agréées et les officiers publics ou ministériels sont choisis par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

      A défaut de choix ou en cas de refus de l'auxiliaire de justice choisi, un avocat, une personne agréée ou un officier public ou ministériel est désigné, sans préjudice de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, par le président du tribunal supérieur d'appel.

      L'auxiliaire de justice qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle avant que celle-ci ait été accordée doit continuer de le lui prêter. Il ne pourra en être déchargé qu'exceptionnellement et dans les conditions fixées par le président du tribunal supérieur d'appel.

    • En cas d'appel, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est assisté ou représenté par l'avocat ou la personne agréée qui lui avait prêté son concours en première instance, au titre de cette aide, sauf choix contraire de la partie ou refus de l'avocat ou de la personne agréée.

    • L'avocat, la personne agréée, l'officier public ou ministériel qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale perçoivent de l'Etat, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, une rétribution, dont le montant est fixé conformément à un barème prévu par décret.

    • Les honoraires ou émoluments, ainsi que les provisions versées à ce titre avant l'admission à l'aide juridictionnelle totale par son bénéficiaire viennent en déduction de la contribution de l'Etat.

      Lorsqu'une rémunération a déjà été versée à un auxiliaire de justice avant une demande d'aide juridictionnelle, aucune contribution n'est due par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale si les sommes déjà reçues à titre d'émoluments ou d'honoraires sont au moins égales à celles qu'il aurait perçues à ce titre.

      Lorsque la rémunération déjà versée par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est inférieure à la contribution de l'Etat prévue à ce titre, l'auxiliaire de justice ne peut prétendre à un complément qui aurait pour effet de dépasser le montant de cette contribution.

      Dans le cas prévu à l'article 9, il sera tenu compte de l'ensemble des diligences effectivement exercées par l'avocat ou la personne agréée.

    • En cas d'aide juridictionnelle partielle, l'avocat, la personne agréée, l'officier public ou ministériel perçoivent de l'Etat une fraction de la rétribution de l'Etat fixée à l'article 21. Cette fraction, qui est fonction des ressources du bénéficiaire, est déterminée par un barème fixé par décret.

      Ces auxiliaires de justice perçoivent, en outre, du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, une contribution dont le montant est déterminé par le bureau d'aide juridictionnelle en fonction des ressources du plaideur au regard de l'intérêt du litige.

    • La rétribution versée par l'Etat et la contribution due par le bénéficiaire sont exclusives de toute autre rémunération.

      Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

    • Lorsque la condamnation en principal et intérêts prononcée au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a procuré à celui-ci des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée même partiellement, l'avocat ou la personne agréée désigné peut demander des honoraires à son client.

      Ces honoraires ne peuvent être demandés qu'après que la condamnation sera passée en force de chose jugée et avec l'autorisation du président du tribunal supérieur d'appel.

    • Pour toute affaire terminée par une transaction conclue avec le concours de l'avocat ou de la personne agréée, il est alloué à l'auxiliaire de justice la totalité des émoluments auxquels il pouvait prétendre.

    • L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée.

      Le bénéficiaire de l'aide est dispensé du paiement, de l'avance ou de la consignation de ces frais.

      Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat.

    • Les dépositaires publics délivrent gratuitement au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle les actes et expéditions nécessaires à la procédure ou à la mesure d'exécution.

    • Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 40. Le juge peut, toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat.

      Dans le même cas, le juge peut mettre à la charge du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, demandeur au procès, le remboursement d'une fraction des sommes exposées par l'Etat autres que la contribution de l'Etat prévue à l'article 21.

    • Lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat. Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement.

      Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 40, la partie mentionnée à l'alinéa précédent au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés.

    • Le recouvrement des sommes dues à l'Etat a lieu comme en matière d'amendes ou de condamnations pécuniaires, sous réserve de dispositions particulières définies par décret.

      L'action en recouvrement de toutes les sommes dues au titre de la présente loi se prescrit par cinq ans à compter de la décision de justice ou de l'acte mettant fin à la mission d'aide juridictionnelle.

    • Lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle celle-ci ne lui aurait pas été accordée même partiellement et que les dépens ou une partie de ceux-ci ont été mis à la charge de l'intéressé, les sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle sont remboursées ou au besoin prélevées sur les sommes effectivement encaissées lors de l'exécution forcée par le bénéficiaire dans la même proportion que les dépens.

    • Les dispositions des articles 25 à 30 ne sont pas applicables en matière pénale lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est inculpé, prévenu, accusé ou condamné.

    • Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est partie civile au procès pénal, le condamné peut, même d'office, être dispensé partiellement ou totalement par la juridiction de jugement, pour des motifs tirés de l'équité ou de sa situation économique, de la part des dépens qui résulte de la contribution versée par l'Etat à l'avocat de la partie civile au titre de l'aide juridictionnelle.

    • Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes.

      Il peut être retiré en tout ou partie, s'il survient au bénéficiaire pendant cette instance ou l'accomplissement de ces actes, des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci n'aurait pas été accordée, même partiellement.

    • Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. Il est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle.

    • Le retrait de l'aide juridictionnelle rend immédiatement exigibles, dans les limites fixées par la décision de retrait, les droits, redevances, honoraires, émoluments, consignations et avances de toute nature dont le bénéficiaire avait été dispensé. Il emporte obligation pour le bénéficiaire de restituer les sommes versées par l'Etat.

    • Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, la partie perdante ou l'auteur de l'infraction à payer à l'autre partie, ou à la partie civile, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

    • Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente ordonnance.

    • Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de la présente ordonnance, notamment :

      1° La période pendant laquelle les ressources sont prises en considération ;

      2° L'organisation et le fonctionnement du bureau d'aide juridictionnelle ainsi que les modalités de nomination et de désignation de ses membres ;

      3° Les modalités de paiement des contributions de l'Etat ;

      4° Les conditions d'agrément des personnes mentionnées dans l'article 15 ;

      5° Les modalités de recouvrement des sommes avancées par l'Etat.

    • La présente ordonnance entrera en vigueur le 1er mars 1993. Toutefois, les avocats et les personnes agréées commis d'office à compter du 1er janvier 1991 percevront sur leur demande, dans les cas déterminés par décret en Conseil d'Etat, les indemnités forfaitaires exclusives de toute autre rémunération lorsqu'ils auront prêté leur concours à des personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à des montants déterminés par ce décret.

  • Le Premier ministre, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre du budget et le ministre des départements et territoires d'outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

FRANçOIS MITTERRAND Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

PIERRE BÉRÉGOVOY

Le ministre des départements et territoires d'outre-mer,

LOUIS LE PENSEC

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

MICHEL VAUZELLE

Le ministre du budget,

MARTIN MALVY

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