Décision du 20 décembre 2017 portant autorisation de protocole de recherche sur l'embryon humain en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique

NOR : SSAB1803335S
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2017/12/20/SSAB1803335S/jo/texte
JORF n°0034 du 10 février 2018
Texte n° 16

Version initiale


La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 octobre 2016 par l'Institut national de la santé et de la recherche médical (unité 1016, Institut Cochin, Paris) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur l'embryon ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 17 juillet 2017 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 31 décembre 2016 et 31 août 2017 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 7 décembre 2017 ;
Considérant que le programme de recherche proposé par l'équipe de Jean-Philippe Wolf se fonde sur des résultats préliminaires non publiés montrant que l'ajout de Fertiline (un peptide dérive de la fertiline b spermatique, qui agit comme agoniste de l'intégrine a6b1 exprimée sur les gamètes) au milieu de culture d'ovocytes humains au stade de vésicule germinative améliorait la proportion d'ovocytes atteignant le stade de métaphase II, et ce surtout chez les femmes de plus de 37 ans ; que ces résultats ont été corroborés dans une étude clinique puisque une augmentation importante du taux d'implantation et de grossesses cliniques a été observée avec les embryons conçus en présence de fertiline ;
Considérant que l'équipe souhaite tester l'efficacité du peptide sur le développement embryonnaire ; que l'hypothèse réside dans le fait que ce peptide améliore l'activité mitochondriale des ovocytes ; qu'il semble que le dysfonctionnement de l'activité mitochondriale - qui produit l'énergie essentielle à la réalisation du fuseau méiotique - est à l'origine d'aneuploïdies et d'anomalies de disjonction des chromosomes ; que puisque le stock mitochondrial de la mère est indispensable aux premières divisions embryonnaires préimplantatoires, jusqu'à l'activation de la transcription spécifique de l'embryon et la fabrication de ses propres mitochondries, la fertiline pourrait améliorer également l'implantation et le développement embryonnaire ;
Considérant que des expériences pilotes chez la souris semblent corroborer cette hypothèse ; qu'une étude menée sur trois générations de souris a ainsi montré que les progénitures après transfert d'embryons obtenus en présence de fertiline étaient saines ;
Considérant que le protocole de recherche envisagé consiste à cultiver des embryons en présence de fertiline et à analyser l'évolution vers un stade blastocyste ; que les critères d'analyse seront la morphologie, l'évaluation des mitochondries (nombre et morphologie), l'analyse par CGH array, l'analyse du transcriptome et celle du méthylome ;
Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique ne font aucun doute ; que si les hypothèses de départ étaient vérifiées, ce projet pourrait conduire à une amélioration significative de la qualité des ovocytes, ainsi que de la capacité évolutive des embryons humains, se traduisant notamment par une augmentation du taux de grossesses évolutives, en particulier chez les patientes âgées de plus de 37 ans ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines ; que ces embryons ont été conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation ; que les embryons utilisés dans le cadre de ce protocole ne font plus l'objet d'un projet parental ; que le consentement des couples sera recueilli conformément aux dispositions des articles L. 2141-1 et suivants et L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique et selon les modèles-type de consentement rédigés par l'Agence de la biomédecine et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;
Considérant que le projet de recherche sera mené sur des embryons surnuméraires et dépourvus de projet parental, et sur des embryons non transférables de grade D (c'est-à-dire à plus de 50% du volume fragmenté) et qui ne possèdent qu'un ou deux blastomères à J2 ou de 1 à 4 blastomères à J3 ; que les embryons utilisés dans le cadre de ce projet ont été conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation ;
Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à des cellules souches ; que la recherche sur la fertiline existe depuis plus de dix ans ; que les études ont été menées sur la souris puis sur des gamètes humains en ce qui concernent la fécondance du sperme et la maturation des ovocytes bloqués en vésicule germinative, dans le cadre d'une étude sur l'embryon autorisée par l'Agence de la biomédecine après avis de son conseil d'orientation ; que l'objectif étant d'améliorer la qualité de l'embryon humain afin d'augmenter le nombre de naissances et la fertilité des femmes sans risques, il apparaît nécessaire de tester l'effet sur l'embryon humain in vitro afin de s'assurer de l'innocuité de la fertiline ; que la recherche sur les modèles animaux ne permet pas d'extrapoler les effets sur l'être humain ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe est compétente et bénéficie d'une expertise reconnue en France et au niveau international ; que la structure est pérenne et le financement est assuré ; que l'équipe est adaptée au programme proposé et associe des collaborateurs de Necker, d'une unité Inserm de Cochin et du Service d'Histologie Embryologie Biologie de la Reproduction - CECOS de Cochin ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,
Décide :


  • L'Institut national de la santé et de la recherche médical (unité 1016, Institut Cochin, Paris) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'analyse des effets du peptide FEE cyclique sur le développement préimplantatoire des embryons dans l'espèce humaine. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Jean-Philippe Wolf.


  • La présente autorisation est accordée pour une durée de deux ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.


  • Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.


  • Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait le 20 décembre 2017.


A. Courrèges

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 208,9 Ko
Retourner en haut de la page