Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 octobre 2019, 18-14.729, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 janvier 2018), que la société Jean-Luc Denis et la société Matériaux picards ont entretenu des relations commerciales ; que la société Jean-Luc Denis s'étant prévalue d'un défaut de livraison pour refuser de payer une facture, la société Matériaux picards l'a assignée en paiement ;

Attendu que la société Jean-Luc Denis fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Matériaux picards une certaine somme alors, selon le moyen, qu'il incombe au vendeur de marchandises d'en prouver la livraison effective par leur remise matérielle à l'acheteur ; qu'en l'espèce, pour retenir que le vendeur justifiait d'une livraison des quatorze palettes litigieuses le 3 octobre 2012, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que les coordonnées GPS d'un véhicule appartenant au vendeur en établissaient le stationnement à la date concernée sur le site de livraison protégé par un portail sécurisé parfois ouvert ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser une livraison effective des marchandises litigieuses par leur remise matérielle à l'acheteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1606 du code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il appartenait à la société Matériaux picards de rapporter la preuve de la livraison des marchandises commandées par la société Jean-Luc Denis et relevé que la société Matériaux picards produisait non seulement un procès-verbal de constat d'huissier de justice relatif aux données de géolocalisation du véhicule avec lequel ont été livrées les marchandises, dont il ressortait que le véhicule avait stationné pendant trente-neuf minutes sur le site de la société Jean-Luc Denis le jour de la livraison alléguée, mais aussi des attestations de plusieurs salariés témoignant de ce qu'ils ont pu pénétrer sur ce site, dont le portail sécurisé avait été ouvert avant leur arrivée en vue de recevoir une autre livraison, et procéder à des livraisons hors la présence du personnel de l'acquéreur, contredisant ainsi les allégations de la société Jean-Luc Denis selon lesquelles l'accès au site n'est possible qu'à la condition que le portail soit actionné de l'intérieur, a retenu que ces éléments étaient de nature à établir la preuve de la livraison de la marchandise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jean-Luc Denis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Matériaux picards la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Jean-Luc Denis

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné un acheteur (la société Jean-Luc Denis, l'exposante) de matériaux à payer à son vendeur (la société Matériaux Picards) la somme de 30 727,30 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2014 ;

AUX MOTIFS QUE le litige portait sur l'existence d'une livraison du 3 octobre 2012 par la société Matériaux Picards à la société Jean-Luc Denis de 14 palettes de panneaux Hardie Panel blanc, ayant fait l'objet d'une facture 10600 du 31 octobre 2012 acquittée en sa totalité, et sur la retenue par cette dernière sur la facture 11484 du 30 novembre 2012 de la somme de 27 435,09 € correspondant au prix de la fourniture de ces matériaux, n'étant pas contesté par ailleurs que les matériaux objets de la facture 11484 avaient été livrés ; qu'en application du principe de la liberté de la preuve entre commerçants résultant de l'article L. 110-3 du code de commerce, l'absence d'un bon de commande signé ne suffisait pas à établir l'absence de livraison ; que toutefois, en vertu de la règle énoncée à l'article 1315 du code civil, la société Matériaux Picards, qui réclamait le paiement de la somme de 27 435,09 € correspondant à la fourniture de 14 palettes de panneaux Hardie Panel blanc, supportait la charge de la preuve de leur livraison ; que l'ouverture en 2003 d'un compte au nom de la société Matériaux Picards était muette sur le formalisme à respecter sur les bons de commande et de livraison et bien antérieure aux faits litigieux, au moment desquels les parties étaient déjà en relation d'affaires depuis plusieurs années, circonstance propice à un assouplissement du formalisme contractuel ; que les factures 10600 et 11484 ainsi que d'autres produites par la société Jean-Luc Denis relatives au chantier Calmette faisaient référence au bon de livraison des marchandises facturées ; que les deux bons de livraison produits par la société Matériaux Picards qui avaient donné lieu à l'établissement de la facture 11484 ne portaient pas de signature ; qu'il ne pouvait toutefois en être tiré de conclusions définitives, pouvant s'agir d'une réédition du bon de livraison à l'occasion de l'émission de la facture ; que, selon les attestations produites par la société Jean-Luc Denis, émanant de trois de ses employés, les livraisons nécessitaient l'ouverture préalable du portail d'accès au site de livraison et la signature des bons de livraison, sans contredire directement les attestations d'employés de la société Matériaux Picards faisant état du portail sécurisé par digicode et de la nécessité de son ouverture de l'intérieur par un employé de l'acquéreur, tout en mentionnant le cas de livraisons effectuées avec le portail déjà ouvert et certains refus d'employés de signer le bon de livraison pour la raison qu'ils ne comprenaient pas le français ; que la société Matériaux Picards, justifiant être propriétaire du véhicule immatriculé [...], soutenait que la livraison litigieuse du 3 octobre 2012 avait été effectuée par ce véhicule équipé d'un système de géolocalisation par une société DMIC dont le dirigeant attestait qu'il s'était arrêté à cette date pendant 39 minutes au point correspondant aux coordonnées GPS 49.9265°N-2.33445°E ; que, selon le constat d'huissier dressé à la requête de la société Matériaux Picards à partir du relevé de la journée du 3 octobre 2012 extrait du système informatique de la société DMIC pour le véhicule [...], celui-ci était parti à 7h42 de son point de stationnement pour s'arrêter à celui correspondant aux coordonnées GPS 49.9265°N-2.33445°E où il était resté 39 minutes ; que l'huissier avait vérifié que ces coordonnées correspondaient sur le système de localisation de Google à l'adresse postale [...] , adresse du site de livraison de la société Jean-Luc Denis ; que l'impression de la page Google correspondant à ces coordonnées GPS à laquelle avait procédé l'huissier permettait de constater qu'elles se situaient à l'intérieur du site de la société Jean-Luc Denis ; que cette pièce corroborée par les attestations produites par la société Matériaux Picards non contredites directement par celles versées par la société Jean-Luc Denis, établissaient l'existence d'une livraison le 3 octobre 2012 au moyen d'un véhicule appartenant à la société Matériaux Picards sur le site de livraison de la société Jean-Luc Denis ; que cette livraison correspondait à celle des 14 palettes facturées le 31 octobre 2012 sous le n° 11484 (10600) sans qu'il y eût lieu de s'interroger sur les raisons de la nouvelle commande effectuée par la société Jean-Luc Denis qui pouvait provenir d'une erreur quant à ses besoins en panneaux Hardie Panel blanc, d'une affectation sur un autre chantier de ces panneaux, ou de toute autre cause (arrêt attaqué, p. 5, motifs, 3ème à 5ème alinéas, p. 6 et p. 7, 1er à 3ème alinéas) ;

ALORS QU'il incombe au vendeur de marchandises d'en prouver la livraison effective par leur remise matérielle à l'acheteur ; qu'en l'espèce, pour retenir que le vendeur justifiait d'une livraison des quatorze palettes litigieuses le 3 octobre 2012, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que les coordonnées GPS d'un véhicule appartenant au vendeur en établissaient le stationnement à la date concernée sur le site de livraison protégé par un portail sécurisé parfois ouvert ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser une livraison effective des marchandises litigieuses par leur remise matérielle à l'acheteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1606 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2019:CO00745
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