Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 mai 2019, 17-28.875, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles 2292 du code civil et L. 341-2 du code de la consommation, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 21 septembre 2007, la société Banque populaire du Nord (la banque) a conclu avec la société Winner Plast (la société) deux contrats de crédit-bail portant sur des matériels, M. L... se rendant caution de leur exécution ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la nullité de ses engagements pour absence de date ;

Attendu que pour annuler les actes de cautionnement souscrits par M. L..., l'arrêt, après avoir rappelé les termes des textes susvisés, retient que si la datation de l'engagement de caution n'est pas une mention prescrite à peine de nullité, il n'en demeure pas moins qu'elle a une incidence sur le point de départ de la durée déterminée de l'engagement, qui doit être précisée dans la mention manuscrite, qu'aucune des clauses des actes de cautionnement ne précise ce point de départ ni n'indique qu'il correspondrait à la date d'exécution du contrat cautionné, qu'aucun élément ne permet d'établir à quelle date la caution a reproduit la mention manuscrite, de sorte qu'il n'est même pas certain qu'au moment de son engagement, elle connaissait la date de début du contrat, et que l'omission portant sur la datation des actes de cautionnement a nécessairement affecté la compréhension de la portée des engagements de la caution, puisqu'il n'était pas possible de déterminer le point de départ de la durée de ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt en ce qu'il annule les deux actes de cautionnement souscrits par M. L... entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt du chef de dispositif qui condamne la banque à payer, au titre de la répétition de l'indu, à M. L... la somme de 52 087,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. L... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Banque populaire du Nord la somme de 3 000 euros et rejette les demandes pour le surplus ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire du Nord

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir annulé les deux actes de cautionnement souscrits par M. L... relativement aux deux contrats de créditbail et d'avoir condamné la banque à lui payer, au titre de la répétition de l'indu, une somme de 52 087,72 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ;

aux motifs que « si la datation de l'engagement de caution n'est pas une mention prescrite à peine de nullité, il n'en demeure pas moins qu'elle a une incidence sur le point de départ de la durée déterminée qui doit être précisée dans la mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation ; que les deux engagements de caution souscrits par M. J... L..., l'un pour une durée de 84 mois, l'autre pour une durée de 60 mois, ne sont pas datés ; que force est de constater, en outre, que les durées des crédit-baux indiquées sur l'acte de caution de 60 et 36 mois sont inférieures aux durées des engagements de caution, et qu'aucune clause des acte de cautionnement ne précise le point de départ de l'engagement de la caution ni n'indique qu'il correspondrait à la date de départ du contrat cautionné ; qu'au surplus, aux termes de ses conclusions, la Banque Populaire du Nord admet que les dates de départ et de fin du contrat cautionné ont « fait l'objet d'une adjonction postérieure », ce qu'elle explique par le fait que les cautionnements garantissent deux contrats de crédits-baux, que les livraisons ont été effectuées postérieurement à la conclusion des contrats principaux intervenue le 21 septembre 2007, que les factures ayant été réglées le 6 novembre 2007, ont été retenues comme dates de début de contrat les dates du 5 novembre 2007 ; qu'or, aucun élément ne permet d'établir à quelle date la caution a reproduit la mention manuscrite, de sorte qu'il n'est même pas certain qu'au moment de son engagement elle connaissait la date de début du contrat ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, l'omission portant sur la datation des actes de cautionnement a nécessairement affecté la compréhension de la portée de l'engagement de la caution puisqu'il n'était pas possible de déterminer le point de départ de la durée de ceux-ci ; que ces actes de caution ne sont donc pas réguliers et seront annulés ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer le jugement déféré en l'intégralité de ses dispositions, et de condamner la Banque Populaire du Nord, en application des articles 1235 et 1376 du code civil, à restituer à M. J... L... les sommes indûment perçues ; qu'ainsi, l'intimée sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 52.087,72 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011, date du paiement, le créancier professionnel qui perçoit des sommes au titre d'un acte de cautionnement nul étant présumé de mauvaise foi » ;

alors 1°/ que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ne peut fonder une action en nullité ; que, pour procéder à l'annulation des contrats de cautionnement souscrits par M. L..., la cour d'appel a relevé qu'ils n'étaient pas datés ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2292 du code civil ;

alors 2/ que l'étendue du cautionnement est suffisamment définie dès lors que la caution s'engage à garantir le paiement d'une dette déterminée pour un montant maximal ; que, pour procéder à l'annulation des contrats de cautionnement souscrits par M. L..., la cour d'appel a relevé qu'ils n'étaient pas datés et que cette omission n'avait pu qu'affecter la compréhension de la portée de l'engagement de la caution puisqu'il n'était pas possible d'en déterminer le point de départ ; qu'en statuant ainsi, quand M. L... a souscrit deux cautionnements de dettes déterminées pour des montants maximaux de 54 096 euros pour le premier et de 13 986 euros pour le second, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil ;

alors subsidiairement 3°/ que la caution garantissant le paiement des loyers d'un contrat de crédit-bail est tenue, sauf stipulation contraire, dans les mêmes termes que le crédit-preneur ; qu'il s'en évince que le point de départ du cautionnement est, dans cette hypothèse, nécessairement identique à celui du contrat cautionné ; que, pour procéder à l'annulation des contrats de cautionnement souscrits par M. L..., la cour d'appel a relevé qu'ils n'étaient pas datés et qu'aucune stipulation ne précisait que leur point de départ correspondait à la date de départ du contrat cautionné ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil ;

alors 4° / que l'étendue du cautionnement est suffisamment déterminée dès lors que la caution est tenue dans les mêmes termes que le débiteur principal et que les points de départ de leurs engagements coïncident, peu important que la caution en ignore la date lors de la souscription ; que, pour procéder à l'annulation des contrats de cautionnement souscrits par M. L..., la cour d'appel a relevé qu'ils n'étaient pas datés, que rien ne permettait d'établir qu'au moment où la caution s'est engagée, elle connaissait la date du début des contrats cautionnés, et que cette omission avait nécessairement affecté la compréhension de la portée de 6 sur 19 l'engagement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir condamné la banque à payer à M. L..., au titre de la répétition de l'indu, une somme de 52 087,72 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ;

aux motifs que « il y a lieu de réformer le jugement déféré en l'intégralité de ses dispositions, et de condamner la Banque Populaire du Nord, en application des articles 1235 et 1376 du code civil, à restituer à M. J... L... les sommes indûment perçues ; qu'ainsi, l'intimée sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 52.087,72 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011, date du paiement, le créancier professionnel qui perçoit des sommes au titre d'un acte de cautionnement nul étant présumé de mauvaise foi » ;

alors 1°/ que les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l'indu mais seulement des règles de la nullité ; que la cour d'appel a fixé à la date du paiement, soit le 9 mai 2011, le point de départ des intérêts au taux légal sur le montant à restituer, en relevant que la banque avait de mauvaise foi perçu des sommes d'argent d'un cautionnement nul ; qu'en appliquant ainsi aux restitutions consécutives à une annulation une règle relative à la répétition de l'indu, la cour d'appel a violé les articles 1304 et 1376 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 2° / que le seul fait d'avoir reçu des sommes d'argent en exécution d'un contrat postérieurement annulé ne caractérise pas la mauvaise foi du créancier, fût-il professionnel ; qu'en disant le contraire pour condamner la banque aux intérêts au taux légal depuis le jour du paiement, soit le 9 mai 2011, la cour d'appel a violé l'article 1378 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 3° qu'en retenant que le paiement litigieux avait eu lieu le 9 mai 2011, quand il résultait de ses propres constatations ainsi que des conclusions de la banque qu'il était intervenu le 17 mai 2011, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2019:CO00383
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