Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 novembre 2018, 17-22.433, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur les premier et second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er juin 2017), que la société Mondial montage (la société) ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires par des jugements des 6 octobre 2010 et 16 décembre 2010, le liquidateur, Mme Z..., a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. Y..., en tant que de gérant de fait ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il était gérant de fait de la société Mondial montage, de le condamner à verser à Mme Z..., ès qualités, la somme de 200 000 euros, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de l'instance, puis de le condamner à verser la somme de 2 000 euros à Mme Z..., ès qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens d'appel alors, selon le moyen :

1°/ qu'est gérant de fait la personne physique ou morale qui, sans avoir la qualité de gérant de droit, exerce en toute indépendance des actes positifs de gestion au sein d'une société ; que pour retenir que M. Y... était le gérant de fait de la société, la cour d'appel s'est fondée sur plusieurs attestations dont il résultait que M. Y... décidait de la répartition des chantiers entre les salariés, qu'il décidait des recrutements des salariés et qu'il prenait les décisions portant notamment sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir l'existence d'une direction de fait, en toute indépendance, de la société par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en outre, en l'espèce, M. Y... rappelait que Mme B... et M. C... avaient tout intérêt à le voir déclarer gérant de fait pour se décharger de leur responsabilité propre, M. C... étant gérant de droit de la société et poursuivi pour des actes de concurrence déloyale commis dans le cadre de ses fonctions de dirigeant de la société, Mme B..., associée de la société, s'étant pour sa part montrée particulièrement active dans la gestion de la société avant d'en racheter plusieurs branches d'activité ; qu'il rappelait en outre qu'après avoir racheté à vil prix ces branches d'activité, Mme B... avait conclu un partenariat avec la société de M. C..., parallèlement poursuivi pour des faits de concurrence déloyale commis en sa qualité de gérant au préjudice de la société (détournement de clientèle ; débauchage de salariés) ; qu'il rappelait que M. D... faisait lui-même partie des salariés débauchés par M. C... et qu'il avait constitué la société dont M. C... était devenu le gérant ; qu'en se fondant sur les seules déclarations (directes ou rapportées) de Mme B... et de MM. C... et D... pour retenir l'existence d'une gestion de fait, sans rechercher si, pour les raisons précitées, ces déclarations ne pouvaient suffire à elles seules à établir la gérance de fait de M. Y..., ni révéler l'existence effective d'actes de gestion exercés en toute indépendance et de façon continue par M. Y..., lesquelles conforteraient les allégations relevées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que la gérance de fait se déduit de la simple constatation d'actes positifs de gestion accomplis en toute indépendance ; que la responsabilité pour insuffisance d'actif supposant la démonstration d'une faute de gestion, la responsabilité d'un gérant de fait pour des actes accomplis au nom de la société ne peut être recherchée qu'à la condition qu'il soit établi que le fait contesté a été soit initié soit validé par celui-ci ; qu'en l'espèce, M. Y... contestait être à l'origine des travaux engagés dans le cadre de l'extension du bâtiment d'exploitation de la société, dont la cour d'appel a retenu le caractère fautif pour cette raison qu'il résulterait du rapport d'expertise E... qu'une partie des travaux supportés par la société aurait bénéficié à des tiers ; qu'il rappelait à cet égard l'implication de Mme B... et de M. C... dans ce type de dossiers et qu'aucun élément n'était produit aux débats pour établir qu'il aurait personnellement été associé à ces travaux ; qu'en mettant en jeu la responsabilité de M. Y... au titre de ces mêmes travaux au motif que « si les opérations de l'expert judiciaire sont insuffisantes pour permettre de déterminer le bénéficiaire des travaux indûment payés par la société Mondial montage, il demeure que les travaux ont été réalisés sous l'égide de M. Y..., gérant de fait de la société et qu'ils n'ont pas bénéficié à la société pour avoir porté sur des immeubles autres que le bâtiment d'exploitation », sans préciser, dès lors que M. Y... contestait avoir pris l'initiative ou validé les décisions contestées, sur quels éléments elle se fondait pour retenir qu'il en était ainsi, la cour d'appel, qui relevait en outre que tout gérant de fait que fût M. Y..., M. C... avait conservé une activité au sein de la société puisqu'il continuait notamment à valider des devis édités par cette société, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que dans son rapport d'expertise, l'expert E... avait établi une liste des travaux effectivement réglés par la société et des seuls travaux qui, à son sens, auraient dû être « retenus », le rapport faisant apparaître que la différence de valeur entre les travaux réglés et les travaux non « retenus » était de 131 885,60 euros ; que pour ne pas « retenir » certains travaux, l'expert ne fournissait aucune explication ; que pour d'autres, le rapport faisait simplement apparaître, au mieux, que l'expert les aurait valorisés autrement ; qu'en jugeant qu'il résultait de ce rapport d'expertise que la société avait, à hauteur de 131 885,60 euros, supporté le paiement de travaux réalisés au profit de tiers, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise E... et violé les articles 1103 et 1192 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (anciennement l'article 1134 du même code) ;

5°/ que si un rapport d'expertise judiciaire n'est pas nul au seul motif qu'il aurait été établi de façon non contradictoire, il appartient au juge de rétablir le contradictoire en répondant aux griefs et contestations soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir que le rapport d'expertise E... avait été établi de façon non contradictoire, lui reprochait ses investigations sommaires (rares constatations sur les lieux, « rejet » de travaux sans autre forme d'explications) et produisait aux débats un contre-rapport d'expertise établi par M. F... qui faisait apparaître, en se fondant notamment sur une analyse exhaustive des travaux accomplis et de la comptabilité des sociétés Mondial montage et Strock Loc, que les sommes effectivement restées à la charge de la société Mondial montage étaient de 209 009,82 euros et que ces sommes correspondaient effectivement aux travaux afférents à l'extension du bâtiment d'exploitation ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce rapport, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

6°/ que le dirigeant de fait ou de droit ne peut être tenu pour responsable, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, qu'au titre de l'insuffisance d'actif à laquelle il a contribué ; que pour justifier la mise en jeu de la responsabilité de M. Y... en qualité de dirigeant de fait de la société, la cour d'appel a estimé que des travaux avaient été supportés par elle bien qu'ils aient été effectués au profit de tiers ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'existence d'une perte définitive que la société aurait supporté à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'il ressort des déclarations de Mme B..., assistante de direction, effectuées devant les services de police, le 10 janvier 2011, que sous le couvert de ses contrats de salarié et d'apporteur d'affaires, M. Y... décidait seul du recrutement des salariés, et que, s'il ne disposait pas d'une délégation de signature, il prenait seul les décisions portant sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés, qu'elle-même avait été recrutée par M. Y... et qu'il gérait ainsi la société depuis sa création ; qu'il relève encore que M. C..., gérant de droit de la société, a exposé, dans le cadre d'une procédure de référé en concurrence déloyale initiée par la société, que la direction effective de la société avait toujours été assurée par M. Y... qui lui avait confié un mandat purement fictif en raison de l'interdiction de gérer prononcée à son égard, et que celui-ci lui demandait simplement d'apposer sa signature sur des documents préétablis tels que des contrats de travail ; qu'il relève enfin que M. D..., salarié de la société, a exposé dans le cadre de la même procédure que M. Y... était à l'origine de toutes les décisions et de la gestion, et que ces éléments ne sont pas utilement contestés par M. Y... ; que de ces constatations et appréciations, révélant des actes positifs de direction et de gestion accomplis en toute indépendance par M. Y..., la cour d'appel a pu déduire que celui-ci était gérant de fait de la société et devait en conséquence répondre des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient qu'à l'examen des rapports de M. E... et de M. F... , il apparaît que la société a payé des travaux qui n'ont pas été effectivement réalisés à son profit, à concurrence de la somme de 131 885,60 euros, que si les opérations de l'expert judiciaire sont insuffisantes pour permettre de déterminer le bénéficiaire des travaux indûment payés, il demeure que ceux-ci ont été réalisés sous l'égide de M. Y..., gérant de fait de la société, et qu'ils n'ont pas bénéficié à la société pour avoir porté sur des immeubles autres que le bâtiment d'exploitation, qu'à compter du 28 mars 2008, M. Y... a conclu avec la société un contrat de prestation de service rémunéré, qu'il ressort du rapport de M. G..., expert judiciaire, qu'après prise en compte des contestations de M. Y..., celui-ci avait indûment perçu au titre de ce contrat la somme de 120 108,11 euros, et que les fautes de gestion commises par M. Y... ont contribué, au regard des ponctions indûment opérées sur sa trésorerie, à l'insuffisance d'actif de la société, qui s'élève à la différence entre le passif déclaré de 1 737 666,19 euros et l'actif de 111 700,34 euros ; que la cour d'appel, qui a, sans dénaturation, en répondant aux conclusions prétendument délaissées et en tenant compte des éléments produits aux débats, caractérisé les fautes commises par M. Y... et leur contribution à l'insuffisance d'actif de la société Mondial montage, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Z..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mondial montage ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Y... était gérant de fait de la société MONDIAL MONTAGE, de l'AVOIR condamné à verser à Maître Z... la somme de 200.000 euros en sa qualité de liquidateur de la société MONDIAL MONTAGE, d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Monsieur Didier Y... à payer la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'avait condamné aux dépens de première instance, d'AVOIR condamné Monsieur Y... à verser la somme de 2.000 euros à Maître Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamné aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « En l'espèce, il convient de rechercher si M. Didier Y... qui a bénéficié successivement au sein de la société Mondial Montage de deux contrats de travail et d'un contrat d'apporteur d'affaire, exerçait la gérance de fait de la société. Il ressort des déclarations effectuées par Mme Christel B..., assistante de direction effectuées devant les services de police, le 10 janvier 2011, que sous couvert de ses contrats de salariés et d'apporteur d'affaires, M. Didier Y... gérait en fait la société, et qu'il n'apparaissait pas officiellement du fait qu'il était sous le coup d'une mesure d'interdiction de gérer. Elle a ainsi expliqué que c'était lui qui décidait exclusivement des recrutements des salariés, et que, s'il ne disposait pas de délégation de signature, il prenait les décisions portant par exemple sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés. Elle précisait qu'elle même avait été recrutée par M. Y... et qu'il gérait ainsi la société depuis sa création. M. C..., gérant de droit de la société, a exposé dans le cadre de la procédure de référé en concurrence déloyale initiée par la société Mondial Montage que la direction effective de la société a toujours été assurée par M. Didier Y... qui lui avait confié un mandat purement fictif en raison de l'interdiction de gérer prononcée son égard. Il a précisé que c'est M. Y... qui lui avait prêté l'argent nécessaire à la détention des parts sociales, et que celui-ci lui demandait simplement d'apposer sa signature sur des documents préétablis tels que des contrats de travail. M. Francis D..., salarié de la société Mondial Montage, a également exposé dans le cadre de la même procédure que le gérant de fait à l'origine de toutes les décisions et de la gestion était M. Y.... Ces éléments ne sont pas utilement contestés par M. Y... et sont confortés par les déclarations de Mme H... collaboratrice de Me I..., aux services de police rappelant que Mme B... lui avait révélé qu'outre la gestion des embauches, M. Y... décidait, depuis la création de l'entreprise en 2005, de la répartition des chantiers entre les salariés. C'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que M. Y... exerçait depuis l'origine la gérance de fait de la société Mondial Montage » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Madame B... qui exerçait des responsabilités dans la société MONDIAL MONTAGE, a indiqué que c'est monsieur Didier Y... qui prenait les décisions même s'il n'avait pas la signature, et qu'il procédait aux recrutements ; Attendu que Monsieur C..., ancien gérant démissionnaire, a exposé dans le cadre d'une procédure de référé initiée devant le président du tribunal de grande instance de Caen que la direction effective de l'entreprise avait toujours été assurée par Monsieur Didier Y... ; -- Attendu que Monsieur D..., ancien salarié, relate dans la même procédure de référé que Monsieur Didier Y... était le gérant de fait à l'origine de toutes les décisions et de la gestion de la société ; Attendu que dans son ordonnance de référé du 29/01/2010, le président du tribunal de grande instance de Caen a usé de la qualification de « gérant de fait » à l'égard de Monsieur Y... ; Attendu que les pièces et témoignages versées aux dossiers montrent que Monsieur Didier Y..., sous le coup d'une mesure d'interdiction de gérer, exerçait réellement la gestion et la direction de l'entreprise sous le couvert et au lieu et place du représentant légal ; Attendu que ce tribunal dira que monsieur Didier Y... est bien gérant de fait de la société MONDIAL MONTAGE depuis sa création » ;

1°) ALORS QU' est gérant de fait la personne physique ou morale qui, sans avoir la qualité de gérant de droit, exerce en toute indépendance des actes positifs de gestion au sein d'une société ; que pour retenir que Monsieur Y... était le gérant de fait de la société MONDIAL MONTAGE, la cour d'appel s'est fondée sur plusieurs attestations dont il résultait que Monsieur Y... décidait de la répartition des chantiers entre les salariés, qu'il décidait des recrutements des salariés et qu'il prenait les décisions portant notamment sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir l'existence d'une direction de fait, en toute indépendance, de la société MONDIAL MONTAGE par Monsieur Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 651-2 du code de commerce ;

2°) ALORS EN OUTRE QU' en l'espèce, Monsieur Y... rappelait que Madame B... et Monsieur C... avaient tout intérêt à le voir déclarer gérant de fait pour se décharger de leur responsabilité propre, Monsieur C... étant gérant de droit de la société et poursuivi pour des actes de concurrence déloyale commis dans le cadre de ses fonctions de dirigeant de la société MONDIAL MONTAGE, Madame B..., associée de la société MONDIAL MONTAGE, s'étant pour sa part montrée particulièrement active dans la gestion de la société avant d'en racheter plusieurs branches d'activité ; qu'il rappelait en outre qu'après avoir racheté à vil prix ces branches d'activité, Madame B... avait conclu un partenariat avec la société de Monsieur C..., parallèlement poursuivi pour des faits de concurrence déloyale commis en sa qualité de gérant au préjudice de la société MONDIAL MONTAGE (détournement de clientèle ;
débauchage de salariés) ; qu'il rappelait que Monsieur D... faisait lui-même partie des salariés débauchés par Monsieur C... et qu'il avait constitué la société dont Monsieur C... était devenu le gérant ; qu'en se fondant sur les seules déclarations (directes ou rapportées) de Madame B... et de Messieurs C... et D... pour retenir l'existence d'une gestion de fait, sans rechercher si, pour les raisons précitées, ces déclarations ne pouvaient suffire à elles seules à établir la gérance de fait de Monsieur Y..., ni révéler l'existence effective d'actes de gestion exercés en toute indépendance et de façon continue par Monsieur Y..., lesquelles conforteraient les allégations relevées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 651-2 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Y... était gérant de fait de la société MONDIAL MONTAGE, de l'AVOIR condamné à verser à Maître Z... la somme de 200.000 euros en sa qualité de liquidateur de la société MONDIAL MONTAGE, d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Monsieur Didier Y... à payer la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'avait condamné aux dépens de l'instance, puis d'AVOIR condamné Monsieur Y... à verser la somme de 2.000 euros à Maître Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamné aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' : « En l'espèce, il convient de rechercher si M. Didier Y... qui a bénéficié successivement au sein de la société Mondial Montage de deux contrats de travail et d'un contrat d'apporteur d'affaire, exerçait la gérance de fait de la société. Il ressort des déclarations effectuées par Mme Christel B..., assistante de direction effectuées devant les services de police, le 10 janvier 2011, que sous couvert de ses contrats de salariés et d'apporteur d'affaires, M. Didier Y... gérait en fait la société, et qu'il n'apparaissait pas officiellement du fait qu'il était sous le coup d'une mesure d'interdiction de gérer. Elle a ainsi expliqué que c'était lui qui décidait exclusivement des recrutements des salariés, et que, s'il ne disposait pas de délégation de signature, il prenait les décisions portant par exemple sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés. Elle précisait qu'elle-même avait été recrutée par M. Y... et qu'il gérait ainsi la société depuis sa création. M. C..., gérant de droit de la société, a exposé dans le cadre de la procédure de référé en concurrence déloyale initiée par la société Mondial Montage que la direction effective de la société a toujours été assurée par M. Didier Y... qui lui avait confié un mandat purement fictif en raison de l'interdiction de gérer prononcée son égard. Il a précisé que c'est M. Y... qui lui avait prêté l'argent nécessaire à la détention des parts sociales, et que celui-ci lui demandait simplement d'apposer sa signature sur des documents préétablis tels que des contrats de travail. M. Francis D..., salarié de la société Mondial Montage, a également exposé dans le cadre de la même procédure que le gérant de fait à l'origine de toutes les décisions et de la gestion était M. Y.... Ces éléments ne sont pas utilement contestés par M. Y... et sont confortés par les déclarations de Mme H... collaboratrice de Me I..., aux services de police rappelant que Mme B... lui avait révélé qu'outre la gestion des embauches, M. Y... décidait, depuis la création de l'entreprise en 2005, de la répartition des chantiers entre les salariés. C'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que M. Y... exerçait depuis l'origine la gérance de fait de la société Mondial Montage » ;

ET QUE « S'agissant des fautes de gestion reprochées à M. Y..., Me Z... ès qualités fait grief à M. Y... d'avoir fait supporter à la société Mondial Montage dans le cadre des travaux d'extension de son bâtiment d'exploitation des dépenses sans lien avec les travaux réalisés au sein du dit bâtiment. Elle reproche également à M. Y... d'avoir indûment perçu dans le cadre du contrat de prestation de services le liant à la société depuis le 28 mars 2008 des commissions indues portant non pas sur les affaires apportées par ses soins mais également sur celles des autres technico-commerciaux de la société Mondial Montage. S'agissant des factures relatives aux travaux d'extension du bâtiment d'exploitation, M. Y... soulève en premier lieu la nullité du rapport d'expertise de M. E... au motif que l'expert n'aurait pas respecté le principe du contradictoire en procédant à l'audition de Mme B... et de M. J... sans que ces auditions aient été portées à la connaissance des parties. Cette argumentation ne saurait être retenue dès lors que, s'il ressort de la note aux parties n°1, que lors de sa visite des lieux le 15 mars 2013, l'expert a été informé par Mme B... et M. J... de la nature des travaux réalisés sur les bâtiments d'exploitation, (bureaux et ateliers) de Mondial Montage, les données recueillies ont été reproduites dans la note aux parties du 23 août 2013, après une seconde visite au cours de laquelle M. E... a procédé seul aux relevés utiles à la réalisation de sa mission, conformément à l'accord que les parties lui avaient donné. Il apparaît ainsi que les parties ont eu communication des données recueillies par l'expert et qu'elles ont pu en débattre contradictoirement dans le cadre de l'expertise au travers des nombreux dires échangés La nullité du rapport de M. E... n'est donc pas encourue. Au fond, M. Y... conteste les conclusions du rapport de M. E..., et soutient que celui-ci ne répond pas à la mission qui lui avait été confiée, l'expertise ne permettant pas de déterminer si les travaux réglés par la société Mondial Montage, ont été entrepris à son bénéfice direct. Il souligne à cet égard que les travaux ont été réalisés entre le 24 avril et le 23 septembre 2008 et qu'à cette époque la société Stock Loc Immobilier était seule propriétaire de l'ensemble, de sorte que Me Z... aurait du agir à l'encontre de cette société en remboursement des travaux. Il produit en outre un rapport établi à sa demande par M. F... expert immobilier qui, outre les factures examinées par l'expert judiciaire, fait état de factures de matériaux non produites aux débats, qui auraient été exposées pour la réalisation des deux maisons d'habitation actuellement propriété de M. et Mme Y.... A l'examen des rapports de M. E... et de M. F... , il sera relevé que les factures dont il convient de tenir compte pour déterminer si les prestations honorées par la société Mondial Montage correspondent à des prestations effectivement réalisées à son profit, ne peuvent être que celles dont le règlement a été opéré par elle. Il convient donc d'écarter les factures n° 20 à 38 qui ont été réglées par des tiers. S'agissant des factures n° 1 à 19, le travail effectué par M. E... a consisté, après avoir procédé aux relevés nécessaires sur place, à chiffrer les travaux réalisés. Il apparaît au vu du rapport, que les travaux indûment acquittés comme ne se rapportant pas à ceux dont l'expert a pu vérifier l'effectivité s'élèvent à 131 885,60 €. (Si les opérations de l'expert judiciaire sont insuffisantes pour permettre de déterminer le bénéficiaire des travaux indûment payés par la société Mondial Montage, il demeure que les travaux ont été réalisés sous l'égide de M. Y..., gérant de fait de la société et qu'ils n'ont pas bénéficié à la société pour avoir porté sur des immeubles autres que le bâtiment d'exploitation. C'est donc à juste titre qu'une faute de gestion a été retenue de ce chef à l'encontre de M. Didier Y... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Madame B... qui exerçait des responsabilités dans la société MONDIAL MONTAGE, a indiqué que c'est Monsieur Didier Y... qui prenait les décisions même s'il n'avait pas la signature, et qu'il procédait aux recrutements ; Attendu que Monsieur C..., ancien gérant démissionnaire, a exposé dans le cadre d'une procédure de référé initiée devant le président du tribunal de grande instance de Caen que la direction effective de l'entreprise avait toujours été assurée par Monsieur Didier Y... ; Attendu que Monsieur D..., ancien salarié, relate dans la même procédure de référé que Monsieur Didier Y... était le gérant de fait à l'origine de toutes les décisions et de la gestion de la société ; Attendu que dans son ordonnance de référé du 29/01/2010, le président du tribunal de grande instance de Caen a usé de la qualification de « gérant de fait » à l'égard de Monsieur Y... ; Attendu que les pièces et témoignages versées aux dossiers montrent que Monsieur Didier Y..., sous le coup d'une mesure d'interdiction de gérer, exerçait réellement la gestion et la direction de l'entreprise sous le couvert et au lieu et place du représentant légal ; Attendu que ce tribunal dira que Monsieur Didier Y... est bien gérant de fait de la société MONDIAL MONTAGE depuis sa création (
) ;

Attendu que le tribunal a retenu la répartition chiffrée par l'expert à partir des factures remises entre les prestations portant sur le bâtiment d'exploitation et celles ne s'y rapportant pas, soit 369.444,72 pour le bâtiment d'exploitation et 408.876,60 pour le bâtiment d'habitation ; Attendu que le tribunal a tenu compte des factures réglées normalement par la société STOCK LOC IMMOBILIER, propriétaire alors de l'ensemble immobilier, et les époux Y... ; Attendu que le tribunal retiendra la somme de 131.885 € indûment acquittée par la société MONDIAL MONTAGE pour des travaux qui ne la concernait pas » ;

1°) ALORS QUE la gérance de fait se déduit de la simple constatation d'actes positifs de gestion accomplis en toute indépendance ; que la responsabilité pour insuffisance d'actif supposant la démonstration d'une faute de gestion, la responsabilité d'un gérant de fait pour des actes accomplis au nom de la société ne peut être recherchée qu'à la condition qu'il soit établi que le fait contesté a été soit initié soit validé par celui-ci ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... contestait être à l'origine des travaux engagés dans le cadre de l'extension du bâtiment d'exploitation de la société MONDIAL MONTAGE, dont la cour d'appel a retenu le caractère fautif pour cette raison qu'il résulterait du rapport d'expertise E... qu'une partie des travaux supportés par la société MONDIAL MONTAGE aurait bénéficié à des tiers ; qu'il rappelait à cet égard l'implication de Madame B... et de Monsieur C... dans ce type de dossiers et qu'aucun élément n'était produit aux débats pour établir qu'il aurait personnellement été associé à ces travaux ; qu'en mettant en jeu la responsabilité de Monsieur Y... au titre de ces mêmes travaux au motif que « si les opérations de l'expert judiciaire sont insuffisantes pour permettre de déterminer le bénéficiaire des travaux indûment payés par la société Mondial Montage, il demeure que les travaux ont été réalisés sous l'égide de Monsieur Y..., gérant de fait de la société et qu'ils n'ont pas bénéficié à la société pour avoir porté sur des immeubles autres que le bâtiment d'exploitation », sans préciser, dès lors que Monsieur Y... contestait avoir pris l'initiative ou validé les décisions contestées, sur quels éléments elle se fondait pour retenir qu'il en était ainsi, la cour d'appel, qui relevait en outre que tout gérant de fait que fût Monsieur Y..., Monsieur C... avait conservé une activité au sein de la société MONDIAL MONTAGE puisqu'il continuait notamment à valider des devis édités par cette société, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS EN OUTRE QUE dans son rapport d'expertise, l'expert E... avait établi une liste des travaux effectivement réglés par la société MONDIAL MONTAGE et des seuls travaux qui, à son sens, auraient dû être « retenus », le rapport faisant apparaître que la différence de valeur entre les travaux réglés et les travaux non « retenus » était de 131.885,60 euros ; que pour ne pas « retenir » certains travaux, l'expert ne fournissait aucune explication ; que pour d'autres, le rapport faisait simplement apparaître, au mieux, que l'expert les aurait valorisés autrement ; qu'en jugeant qu'il résultait de ce rapport d'expertise que la société MONDIAL MONTAGE avait, à hauteur de 131.885,60 euros, supporté le paiement de travaux réalisés au profit de tiers, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise PERROTE et violé les articles 1103 et 1192 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (anciennement l'article 1134 du même code) ;

3°) ALORS QUE si un rapport d'expertise judiciaire n'est pas nul au seul motif qu'il aurait été établi de façon non contradictoire, il appartient au juge de rétablir le contradictoire en répondant aux griefs et contestations soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... faisait valoir que le rapport d'expertise E... avait été établi de façon non contradictoire, lui reprochait ses investigations sommaires (rares constatations sur les lieux, « rejet » de travaux sans autre forme d'explications) et produisait aux débats un contre-rapport d'expertise établi par Monsieur F... qui faisait apparaître, en se fondant notamment sur une analyse exhaustive des travaux accomplis et de la comptabilité des sociétés MONDIAL MONTAGE et STOCK LOC, que les sommes effectivement restées à la charge de la société MONDIAL MONTAGE étaient de 209.009,82 euros et que ces sommes correspondaient effectivement aux travaux afférents à l'extension du bâtiment d'exploitation ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce rapport, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

4°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le dirigeant de fait ou de droit ne peut être tenu pour responsable, sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce, qu'au titre de l'insuffisance d'actif à laquelle il a contribué ; que pour justifier la mise en jeu de la responsabilité de Monsieur Y... en qualité de dirigeant de fait de la société MONDIAL MONTAGE, la Cour d'appel a estimé que des travaux avaient été supportés par la société bien qu'ils aient été effectués au profit de tiers ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'existence d'une perte définitive que la société aurait supporté à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 651-2 du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2018:CO00946
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