Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 17-16.198, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2017), qu'un jugement du 11 mai 2009 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y..., mariés sous le régime de la communauté ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur la recevabilité du moyen unique, pris en ses trois premières branches, contestée par la défense :

Attendu qu'il résulte des articles 150, 606 et 608 du code de procédure civile que l'arrêt qui ordonne une mesure d'instruction ne peut être frappé d'un pourvoi indépendamment de celui qui interviendra ensuite sur le fond ; que l'article 480 du même code dispose que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce qui est tranché dans le dispositif ;

Attendu que, si l'arrêt tranche une partie du principal, le moyen unique du pourvoi, pris en ses trois premières branches, n'est dirigé qu'à l'encontre du chef du dispositif qui ordonne avant dire droit une mesure d'instruction, sans trancher le fond du litige ; qu'il est en conséquence irrecevable ;

Sur la quatrième branche du moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner une mesure d'expertise, de surseoir à statuer sur l'évaluation des parts sociales détenues au sein du groupe GVA jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, fixer le montant des bénéfices et dividendes des sociétés du groupe GVA à intégrer à la masse à partager à 481 783 euros, à parfaire jusqu'au partage, et dire qu'il devra justifier des bénéfices et dividendes qu'il a perçus des sociétés du groupe GVA depuis 2013 par la production, sous astreinte, des procès-verbaux d'assemblée générale d'approbation des comptes et de distribution des bénéfices et dividendes de ces sociétés depuis cette époque, alors, selon le moyen, que lorsqu'un des époux mariés sous le régime de la communauté légale a seul la qualité d'associé, les parts sociales acquises durant le mariage, à la différence de leur contre-valeur, ne font partie ni de la communauté ni, après dissolution de celle-ci, de l'indivision entre ex-époux ; qu'ainsi les dividendes versés au titulaire de ces parts ne sont pas des fruits de biens indivis accroissant à l'indivision ; qu'en retenant le contraire, pour juger que les bénéfices et dividendes versés par la SCP GVA à M. X... devaient être intégrés dans la masse indivise à partager à concurrence de 481 783 euros à parfaire, et pour ordonner à ce dernier de justifier des bénéfices et dividendes perçus depuis 2013 de toutes les sociétés du groupe GVA, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 815-10 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les parts sociales détenues par M. X... au sein du groupe GVA avaient été acquises au cours du mariage, et exactement retenu que ces parts seraient portées à l'actif de communauté pour leur valeur au jour du partage, la qualité d'associé s'y attachant ne relevant pas de l'indivision, la cour d'appel en a à juste titre déduit que les bénéfices et dividendes perçus par M. X... de toutes les sociétés du groupe pendant l'indivision postcommunautaire étaient des fruits accroissant à l'indivision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la cinquième branche du moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné une expertise pour déterminer la valeur des parts sociales détenues par monsieur X... au sein du groupe GVA au jour des opérations d'expertise, désigné l'expert et arrêté sa mission, sursis à statuer sur l'évaluation des parts sociales détenues au sein du groupe GVA jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, fixé le montant des bénéfices et dividendes des sociétés du groupe GVA à intégrer à la masse à partager à 481 783 €, à parfaire jusqu'au partage, et dit que monsieur X... devra justifier des bénéfices et dividendes qu'il a perçus des sociétés du groupe GVA depuis 2013 par la production, sous astreinte, des procès-verbaux d'assemblée générale d'approbation des comptes et de distribution des bénéfices et dividendes des sociétés du groupe GVA depuis 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'expertise aux fins d'évaluation des parts sociales détenues par M. X... au sein du groupe GVA, Considérant que le tribunal a dit que la valeur des parts sociales détenues par M. X... au sein du groupe GVA retenue sera la valeur fixée dans le rapport du sapiteur A..., avec application d'une décote d'illiquidité des titres de 10 °A, et actualisation au jour le plus proche du partage par le sapiteur ; Considérant que l'expert conclut dans son rapport déposé le 31 janvier 2007 que " la valorisation des participations détenues au 31 décembre 2004 par M X... est évaluée à une valeur comprise entre 331 KF et 372 KF. Cette fourchette est obtenue après application d'une décote d'illiquidité des titres détenus allant de 10 % à 20 %"; Que dans sa lettre du 19 juin 2007, après dépôt de son rapport, il indique au notaire que "1 'actualisation pourrait être réalisée sur la base d'un taux d'intérêt sans risque. Le taux de rendement des obligations assimilables au Trésor indexées sur l'inflation (OATi) paraît pouvoir être retenu"; Que force est de constater que la disposition du jugement précité ne permet pas de déterminer la valeur finalement retenue par le tribunal, ni les modalités d'actualisation; Considérant que Mme Y... qui conteste les conclusions du rapport du sapiteur sollicite une nouvelle expertise ou demande, subsidiairement, de fixer la valeur des participations détenues par M. X..., dépendant de la communauté et à intégrer à la masse à partager à la somme de 2 030 250 €, valorisation retenue lors du traité d'apport du 21 novembre 2014; Considérant que M. X... réplique que la consistance des parts du GROUPE GVA à partager doit s'apprécier à la date des effets du divorce, c'est à dire, au 22 juillet 2004 et leur valeur, au jour le plus proche possible du partage dans leur consistance au 22 juillet "2014" (en réalité 2004), que les valeurs retenues dans le traité d'apport ne sont pas des valeurs de « marché » mais des valeurs liées à cette opération de restructuration juridique interne, que l'évaluation faite par M. A... en son temps est l'évaluation à retenir dans la mesure où toute évolution postérieure ne serait que le fruit de son travail, augmentation pour laquelle il aurait droit à une récompense du montant de l'augmentation, qu'il entend observer que l'appelante ne peut légitiment prétendre que sa quote part des titres du groupe GVA est supérieure à 1.000.000 € car si cette hypothèse était réelle, elle devrait inclure cette valeur dans sa déclaration de patrimoine ; Considérant qu'il n'est pas contesté que les parts sociales détenues par M. X... au sein du groupe GVA, ont été acquises au cours du mariage ; Considérant que ces parts communes sont devenues indivises à compter du 22 juillet 2004, étant précisé, comme l'ont dit les premiers juges que seul M. X... a la qualité d'associé attachée à ces parts sociales ; Considérant que la valeur des biens compris dans la masse partageable doit être fixée au jour le plus proche du partage compte tenu -des modifications- apportées à l'état de ces biens au cours de l'indivision postcommunautaire, ce principe ne pouvant être écarté au motif que l'augmentation de valeur serait dûe à l'activité d'un indivisaire laquelle peut être prise en compte, mais ne peut donner lieu à "récompense" dès lors que la communauté est dissoute ; Considérant que l'incidence fiscale d'une augmentation de la valeur des parts sociales faisant partie de l'indivision n'est pas du ressort de la présente juridiction et est dépourvue de portée en ce qui concerne le présent litige ; Considérant que Mme Y..., au soutien de sa demande de nouvelle expertise, argue des dissimulations commises par M. X... et son groupe, de l'obsolescence du rapport de M. A... et de l'importante évolution du groupe GVA depuis 2004, de la différence non négligeable entre les conclusions du sapiteur et celles de Messieurs B... et C... - France Expertises ainsi qu'avec les valeurs retenues pour les transactions récentes, du refus incompréhensible et injustifié du sapiteur de tenir compte du protocole « D... », de ses erreurs indéniables, de l'absence de dépôt des comptes annuels des sociétés du groupe depuis 2009 et de l'augmentation non prise en compte de la participation de M. X... dans le groupe GVA ; Considérant qu'elle expose qu' en l'absence d'expertise judiciaire, la valeur des participations de M. X... pourra être fixée en prenant pour base la valeur des parts telle qu'elle ressort du contrat d'apport du 21 novembre 2014 aux termes duquel il est précisé que la valeur de la société UHY GVA est celle qui a été retenue lors de l'augmentation du capital en numéraire décidée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 26 avril 2013 dans la mesure où l'activité et les résultats n'ont pas varié de façon significative depuis cette date, soit une valeur de l'action UHY GVA de 270,70€, de sorte que la communauté détenant 7 494 actions de la société GVA Holding devenue SA UHY GVA et après apport de ses parts de la SAS GVA AUDIT ex SCP GVA (dépendant également de la communauté), M. X... ayant acquis 6 nouvelles actions de la SA UHY GVA, la participation de la communauté dans la SA UHY GVA peut donc être évaluée à 7 500 actions x 270,70 € = 2 030 250 € ; Considérant que le protocole D... du 10 décembre 2003 du nom de l'un des fondateurs du groupe GVA (Z... D... et associés) avait pour finalité d'organiser les conditions du retrait de M. D... qui souhaitait prendre sa retraite, une cession d'une partie de ses titres étant prévue pour janvier 2004 et le solde à la fin de l'année 2008, le prix de cession des titres étant défini pour la cession de 2004 en annexe C, et pour la cession de 2008, en annexe G ; Considérant que la décision de M. A... de ne pas prendre en compte ce protocole n' est pas justifiée dès lors qu'il représentait une transaction significative, les associés ayant déterminé de manière précise les méthodes de valorisation des titres en cas de cession, pas plus que celle, formulée dans sa note complémentaire du 19 juin 2007, de ne pas tenir compte d'une éventuelle plus-value provenant des efforts de développement de clientèle résultant du travail des actionnaires, la valeur des biens compris dans la masse partageable devant être fixée au jour le plus proche du partage, de sorte que les conclusions de son rapport qui date de 2007 sur des données comptables de 2002 et 2003 ne peuvent être retenues, l'actualisation prévue par le tribunal dont les termes ne sont pas précisés, n'étant pas de nature au surplus à permettre une évaluation au jour le plus proche du partage ; Considérant que Mme Y... produit des évaluations effectuées par M. B..., M, C... (France-Expertises) en valeur 2006 et 2009 qui vont de 1 492 000 € à 1 600 000 €, l'évaluation en valeur 2009 suivant le procès-verbal d'assemblée générale de la SA GVA Holding (2 557 027 €) ainsi qu'une évaluation (valeur 2014) suivant le contrat d'apport des actions de la SAS GVA AUDIT à la SA UHY GVA du 21 novembre 2014 à hauteur de 2 030 250 €; Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la valeur retenue par le tribunal ne peut être admise au regard des dispositions de l'article 829 du code civil, de sorte que la cour n'est pas suffisamment informée et que la demande d'expertise formée par l'appelante doit être accueillie (
) ; sur les dividendes à intégrer dans la masse active à partager, Considérant que le tribunal a fait droit à la demande de Mme Y... au titre des dividendes versés par la SCP GVA à M. X... à concurrence de 30 007 € pour l'exercice clos le 31 décembre 2003, et à celle de 21 648,67 pour l'exercice clos le 31 décembre 2004 ; Considérant que l'appelante demande à la cour de fixer le montant des bénéfices et dividendes à intégrer à la masse à partager à la somme de 481 783 € arrêtée à fin 2012 et à parfaire, et d'enjoindre à M. X... de justifier, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la décision à intervenir, des bénéfices et dividendes qu'il a perçus de toutes les sociétés du groupe GVA pour les années postérieures tandis que M. X... demande l'infirmation du jugement, en soutenant que les dividendes sont des revenus du travail ; Qu'il indique que son travail au titre de son activité de commissaire aux comptes n'est pas rémunéré dans la SA GVA HOLDING comme le prouve son bulletin de salaire sur lequel il apparaît qu'il est rémunéré en qualité de directeur général adjoint mais par les sommes versées par la SCP GVA, que ce sont des BNC (bénéfices non commerciaux), que la demande de l'appelante est effectuée de mauvaise foi car elle est contraire à sa position pendant toute la procédure de divorce, aux termes de laquelle elle soutenait que les revenus des BNC, au même titre que les salaires, faisaient partie et pour leur totalité des revenus de son époux ; Considérant que les dividendes distribuables après décision de l'assemblée générale de la société et rémunérant des parts sociales indivises sont des fruits qui accroissent à l'indivision et sur lesquels les indivisaires ont des droits à proportion de leur part dans l'indivision, en l'espèce, de moitié, s'agissant d'une indivision postcommunautaire peu important qu'à compter de l' assemblée générale de 2005 les associes aient précisé- que les bénéfices annuels correspondent à la rémunération du travail, cette observation étant sans portée quant à la nature des sommes distribuées, à savoir des dividendes ; Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement qui a limité à 51 655 € le montant des bénéfices à intégrer à la masse à partager et de fixer le montant des bénéfices et dividendes à intégrer à la masse à partager à 4X1 783 €, à parfaire jusqu'au partage, et de dire que M. X... devra justifier des bénéfices et dividendes qu'il a perçus de toutes les sociétés du groupe GVA depuis 2013 par la production des procès-verbaux d'assemblée générale d'approbation des comptes et de distribution des bénéfices et dividendes des sociétés du groupe GVA depuis cette date, et ce sous astreinte dont les modalités seront précisées au dispositif de la décision » ;

ALORS 1°) QUE pour ordonner une expertise afin d'estimer la valeur les parts sociales détenues par monsieur X... au sein du groupe GVA, l'arrêt attaqué a énoncé que le dispositif du jugement du 1er juin 2015 ne permettait pas de déterminer la valeur des parts finalement retenue par le tribunal ni les modalités d'actualisation ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 144 et 146 du code de procédure civile ;

ALORS 2°) QUE pour prescrire une expertise afin de déterminer la valeur des parts sociales détenues par monsieur X... au sein du groupe GVA, les juges du second degré ont reproché au sapiteur A... de n'avoir pas pris en compte dans son rapport un « protocole D... » du 10 décembre 2003 organisant le retrait de monsieur D... du groupe GVA 8, bien que ce protocole eut représenté une opération significative et que les associés y avaient précisément déterminé les méthodes de valorisation des titres en cas de cession ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 144 et 146 du code de procédure civile ;

ALORS 3°) QUE lorsqu'un des époux mariés sous le régime de la communauté légale a seul la qualité d'associé, les parts sociales acquises durant le mariage, à la différence de leur contrevaleur, ne font partie ni de la communauté ni, après dissolution de celle-ci, de l'indivision entre ex époux ; que pour ordonner une expertise à l'effet d'évaluer les parts sociales détenues par monsieur X... au sein du groupe GVA, l'arrêt attaqué, après avoir retenu que ces parts étaient comprises dans l'indivision post-communautaire tandis que seul monsieur X... avait la qualité d'associé, et après avoir rappelé les règles d'évaluation des biens indivis, a reproché au sapiteur A... de n'avoir pas tenu compte d'une éventuelle plus-value provenant des efforts de développement de la clientèle par les associés pour se fonder sur des données comptables de 2002 et 2003, et a reproché à l'actualisation retenue par le tribunal d'être non précisée dans ses termes et au surplus inapte à permettre une évaluation au jour du partage ; qu'en statuant ainsi, quand les parts sociales n'étaient pas un bien indivis, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 829 du code civil ;

ALORS 4°) QUE lorsqu'un des époux mariés sous le régime de la communauté légale a seul la qualité d'associé, les parts sociales acquises durant le mariage, à la différence de leur contrevaleur, ne font partie ni de la communauté ni, après dissolution de celle-ci, de l'indivision entre ex époux ; qu'ainsi les dividendes versés au titulaire de ces parts ne sont pas des fruits de biens indivis accroissant à l'indivision ; qu'en retenant le contraire, pour juger que les bénéfices et dividendes versés par la SCP GVA à monsieur X... devaient être intégrés dans la masse indivise à partager à concurrence de 481 783 € à parfaire, et pour ordonner à l'exposant de justifier des bénéfices et dividendes perçus depuis 2013 de toutes les sociétés du groupe GVA, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 815-10 du code civil ;

ALORS 5°) QUE monsieur X... soulignait que les « dividendes » versés constituaient en réalité une rémunération du travail parce ce qu'ils donnaient lieu à cotisations sociales et parce que leur montant n'était pas proportionné à la répartition du capital mais au travail fourni par les associés (conclusions, p. 31 in fine, et p. 32 in limine) ; qu'en jugeant être en présence de dividendes sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2018:C100342
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