Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-20.176 16-20.178, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois M 16-20. 176 et P 16-20. 178 ;

Attendu selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 11 février et 16 juin 2016), qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte, le 26 avril 2013, à l'égard de la société Yacht Club International Marina Baie des Anges (la SYCIM) ; que par une lettre du 19 juin 2013, Jean X..., sous-amodiataire de places de port dont il avait confié la gestion à la débitrice, a déclaré une créance correspondant aux loyers perçus par cette dernière depuis 2005 ; que cette créance a été contestée au motif que, la déclaration n'étant pas signée, il était impossible de vérifier l'identité du déclarant et que la créance était prescrite pour les loyers perçus antérieurement au 18 juin 2008 ; que Jean X...est décédé le 29 octobre 2013, en laissant pour lui succéder Mmes Sylvie et Manuelle X..., qui ont repris l'instance ; que M. Abardia Y..., administrateur judiciaire de la société de droit espagnol Puerto Roda de Bara, créancière de Jean X..., qui avait fait pratiquer des saisies conservatoires des créances de loyers de ce dernier entre les mains de la SYCIM, est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° M 16-20. 176 :

Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt du 11 février 2016 de rejeter sa contestation portant sur la régularité de la déclaration de créance alors, selon le moyen :

1°/ que devant exprimer sans équivoque la volonté du créancier, la déclaration de créance doit être signée du créancier ou de son mandataire dûment habilité ; qu'à défaut de signature, le mandataire judiciaire et le juge-commissaire doivent être en mesure d'identifier l'auteur de la déclaration et, pour une société créancière, le représentant légal de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que la déclaration de créance du 19 juin 2013 n'était pas signée ; que ce courrier dactylographié ne permettait donc pas de s'assurer qu'il avait été établi et envoyé par M. X..., représentant légal de la société JPMS ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « son auteur est parfaitement identifié » sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour identifier M. X...en qualité d'auteur de la déclaration litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce ;

2°/ qu'au surplus, la circonstance selon laquelle Jean X...aurait par la suite envoyé au mandataire judiciaire, le 26 juillet 2013, une déclaration de créance signée était impropre à établir qu'il était bien l'auteur de la déclaration non signée du 19 juin précédent ; qu'en conséquence, en énonçant que la déclaration non signée était « corroborée par celle envoyée au mandataire judiciaire par lettre RAR du 26 juillet 2013 signée de Jean X...», la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce ;

Mais attendu que la preuve de l'identité de l'auteur de la déclaration peut être faite par le créancier, même en l'absence de signature de la déclaration, par tous moyens, jusqu'au jour où le juge statue ; que l'arrêt relève que si la déclaration de créance faite par lettre du 19 juin 2013 n'était pas signée de Jean X..., son nom apparaissait au bas de cette lettre de sorte que son auteur était parfaitement identifié, et que cette déclaration a été corroborée par celle envoyée par lettre du 26 juillet 2013 signée de Jean X...; que par ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui pouvait se fonder sur un élément de preuve adressé après l'expiration du délai de déclaration de créance pour apprécier l'identité de son auteur, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° P 16-20. 178 :

Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt du 16 juin 2016 d'écarter le moyen tiré de la prescription alors, selon le moyen :

1°/ que la contestation relative à la prescription des créances déclarées ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances ; qu'en décidant le contraire pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, au lieu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, comme elle y était invitée par la société SYCIM, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du mars 2014, ensemble les articles 122 et 125 du code de procédure civile ;

2°/ que la cour d'appel, qui a retenu, dans un premier temps, que le délai de prescription était de cinq ans, ne pouvait dès lors faire remonter la créance de loyers plus de cinq ans avant la déclaration de créance du 19 juin 2013 ; qu'en statuant pourtant de la sorte, après avoir retenu que les saisies pratiquées entre les mains de la SYCIM les 26 juillet 2005 et 17 novembre 2006 avaient interrompu la prescription, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucune contestation sérieuse sur ce point, avait le pouvoir de déterminer si, à la date de la déclaration de créance, le droit d'action de Jean X..., en ce qu'il portait sur les loyers dus antérieurement au 18 juin 2008, était prescrit ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Puerto Roda de Bara, créancière de Jean X..., avait fait pratiquer les 26 juillet 2005, 17 novembre 2006, 29 décembre 2008, 26 décembre 2013 des saisies conservatoires entre les mains de la SYCIM des loyers encaissés et détenus par celle-ci pour le compte de Jean X..., la cour d'appel en a exactement déduit que ces saisies avaient emporté interruption de la prescription des loyers dus antérieurement au 18 juin 2008 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Yacht club international Marina Baie des Anges aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Yacht club international Baie des Anges (demanderesse au pourvoi n° M 16-20. 176).

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société SYCIM de sa demande tendant à voir dire nul et de nul effet le courrier du 19 juin 2013 par lequel monsieur X...a déclaré sa créance et d'AVOIR dit que monsieur X...est l'auteur de cette déclaration de créance ;

AUX MOTIFS QU'en vertu des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, la preuve de l'identité du déclarant peut être faite, même en l'absence de signature de la déclaration de créance, par tous moyens, jusqu'au jour où le juge statue ; que par courrier RAR du 19 juin 2013 à en-tête de « Port & Services JMPS » ainsi libellé « Je soussigné Jean Roger X...né le 23 juin 1922 à Sainte Feyre Creuse, de nationalité française demeurant ...déclare par la présente ma créance.... constituée du montant des revenus locatifs détenus par cette société (Yacht Club International Marina Baie des Anges) en vertu d'un mandat de gestion des places de port m'appartenant les sommes ayant fait l'objet de saisies conservatoires successives entre les mains de la SA Yacht Club International Marina Baie des Anges » Jean X...a déclaré au total une créance de 5924. 910, 67 euros ; que si ce courrier n'était pas signé de Jean X..., dont le nom apparaissait au bas des pages du courrier, il n'en demeure pas moins que son auteur est parfaitement identifié, et que cette déclaration a été au demeurant corroborée par celle envoyée au mandataire judiciaire par lettre RAR du 26 juillet 2013 signée de Monsieur Jean X...; que contrairement à ce que soutient l'appelante la comparaison entre les signatures apposées sur les différents contrats d'amodiation et celle de la déclaration de créance permet d'attribuer celle de la déclaration de créance à Monsieur Jean X...; que sa contestation n'étant pas sérieuse, elle a été déboutée à bon droit de sa demande d'expertise graphologique ; qu'enfin, ces déclarations de créances ont été envoyées au mandataire judiciaire avant le décès de Monsieur Jean X...survenu le 29 octobre 2013 ; que la déclaration de créance dont l'auteur est parfaitement identifié est régulière ; qu'il est donné acte à l'appelante de ce qu'elle ne conteste pas que la réponse aux contestations élevées par le mandataire judiciaire est intervenue dans le délai de trente jours ;

1°) ALORS QUE devant exprimer sans équivoque la volonté du créancier, la déclaration de créance doit être signée du créancier ou de son mandataire dument habilité ; qu'à défaut de signature, le mandataire judiciaire et le juge-commissaire doivent être en mesure d'identifier l'auteur de la déclaration et, pour une société créancière, le représentant légal de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que la déclaration de créance du 19 juin 2013 n'était pas signée ; que ce courrier dactylographié ne permettait donc pas de s'assurer qu'il avait été établi et envoyé par monsieur X..., représentant légal de la société JPMS ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « son auteur est parfaitement identifié » sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour identifier monsieur X...en qualité d'auteur de la déclaration litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'au surplus, la circonstance selon laquelle monsieur X...aurait par la suite envoyé au mandataire judiciaire, le 26 juillet 2013, une déclaration de créance signée était impropre à établir qu'il était bien l'auteur de la déclaration non singée du 19 juin précédent ; qu'en conséquence, en énonçant que la déclaration non signée était « corroborée par celle envoyée au mandataire judiciaire par lettre RAR du 26 juillet 2013 signée de Monsieur Jean X...», la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Yacht club international Baie des Anges (demanderesse au pourvoi n° P 16-20. 178).

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par voie de confirmation, ordonné l'admission de la créance inscrite sur la liste des créances pour un montant de 594. 910, 67 euros à titre définitif chirographaire et d'AVOIR, en conséquence, dit qu'il sera fait mention sur l'état des créances de la procédure collective de la SYCIM de l'admission au passif de cette procédure à titre chirographaire de la créance de monsieur X...à hauteur de la somme de 594. 910, 67 euros ;

AUX MOTIFS D'UNE PART QU'en vertu de l'article L 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 seule applicable en l'espèce eu égard à la date d'ouverture de la procédure collective de la Sycim, « au vu des propositions du mandataire judiciaire le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate, soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence » ; que la société Sycim soutient l'absence de pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire à statuer sur le moyen tiré de la prescription des créances correspondant aux loyers antérieurs au 18 juin 2008, ce que conteste les autres parties ; que la procédure de vérification des créances n'a pour objet que de déterminer l'existence, le montant et la nature de la créance déclarée ; que le juge-commissaire est compétent pour statuer sur l'admission ou le rejet de la créance lorsque la question relève de la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure collective ; que la prescription d'une partie des créances déclarées a une incidence sur le montant de la créance dont l'admission est sollicitée ; qu'il entre dans les pouvoirs de la cour, statuant en tant que juge-commissaire, de statuer sur ce moyen pour déterminer le montant de la créance à admettre ;

1°) ALORS QUE la contestation relative à la prescription des créances déclarées ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances ; qu'en décidant le contraire pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, au lieu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, comme elle y était invitée par la société SYCIM, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du mars 2014, ensemble les articles 122 et 125 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE les créances déclarées correspondent aux loyers perçus et détenus depuis 2005 par la Sycim en vertu d'un mandat de gestion conclu avec M. X..., sous amodiataire de places de port dans le port privé de Marina Baie des Anges ; que la Sycim fait valoir justement que le délai de prescription est de 5 ans depuis la loi du 17 juin 2008 et que ce nouveau délai court à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi ; qu'elle en déduit que la déclaration de créances intervenue le 19 juin 2013 ayant interrompu le délai de prescription les créances antérieures au 18 juin 2008 sont prescrites ; que les hoirs X..., Me Z..., ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la Sycim, et la SA Puerto Roda de Bara, partie intervenant volontairement en qualité de créancier de Monsieur X..., font valoir que les sommes détenues par la Sycim pour le compte de Monsieur X...depuis 2005 ayant fait l'objet de saisies et la Sycim ayant par ailleurs reconnu la créance pour le montant déclaré, la prescription a été interrompue et n'est pas acquise ; qu'il résulte en effet des courriers de M. X...de déclaration de créance et des pièces versées aux débats que, suite aux décisions du tribunal de commerce de Tarragone des 15 octobre 2004 et 11 avril 2005, ayant constaté la cessation des paiements de la SA Puerto Roda de Bara dont Monsieur X...était le directeur unique, condamné ce dernier au paiement de la somme de 400. 000 euros, montant estimé du passif, et prononcé la saisie de ses biens, des saisies conservatoires ont été pratiquées par la SA Puerto Roda de Bara entre les mains de la Sycim les 26 juillet 2005, 17 novembre 2006, 29 décembre 2008, 26 décembre 2013 sur les loyers encaissés et détenus par celle-ci pour le compte de M. X...; que ces saisies, en vertu de l'article L 531-1 du CPCE, ont frappé d'indisponibilité la créance de loyers de Monsieur X...détenue par la Sycim et ont produit les effets d'une consignation emportant affectation spéciale des sommes saisies ; que portant sur la créance de Monsieur X..., elles en ont à chaque fois interrompu la prescription, en application de l'article L. 141-2 du CPCE, étant au demeurant relevé que X...du fait des saisies pratiquées était dans l'impossibilité de réclamer à la Sycim le paiement des loyers détenus par cette dernière pour son compte, séquestrés entre ses mains en sa qualité de tiers saisi et indisponibles ; que la Sycim a en outre reconnu de manière non équivoque détenir pour le compte de M. X...depuis 2005, au 13 janvier 2009 : 166. 986 €, au 5 janvier 2010 : 260. 883 €, au 31 décembre 2010 : 434. 756 €, au 31 décembre 2011 : 530. 533 €, au 31 décembre 2012 : 631. 592 €, au 2 juillet 2013 : 646. 059 €, et ce après déduction de ses frais et commissions de gestion ; qu'en conséquence la Sycim, n'est pas fondée à soutenir que la créance des loyers antérieurs au 18 juin 2008 était prescrite au 19 juin 2013 ; que la seconde déclaration effectuée par M. X...le 26 juillet 2013 étant intervenue plus de deux mois après la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure, c'est à bon droit que la créance de M. X...a été admise au passif de la procédure de sauvegarde de la Sycim à titre chirographaire à hauteur de la somme de 594. 910, 67 €, déclarée le 19 juin 2013 ; qu'il convient d'ordonner l'inscription de cette créance à l'état des créances ;

2°) ALORS QUE (Subsidiaire) la cour d'appel, qui a retenu, dans un premier temps, que le délai de prescription était de cinq ans, ne pouvait dès lors faire remonter la créance de loyers plus de cinq ans avant la déclaration de créance du 19 juin 2013 ; qu'en statuant pourtant de la sorte, après avoir retenu que les saisies pratiquées entre les mains de la SYCIM les 26 juillet 2005 et 17 novembre 2006 avaient interrompu la prescription, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 2224 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:CO01189
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