Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 juin 2017, 16-17.567, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, victime d'un accident de trajet, le 5 septembre 2009, M. X... a perçu de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher (la caisse) des indemnités journalières à compter du 6 septembre 2009 ; que contestant l'absence de versement des indemnités journalières pendant certaines périodes ainsi que la date de consolidation retenue par le médecin-conseil, M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; qu'à titre reconventionnel, la caisse lui a réclamé la restitution des indemnités journalières versées du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 26 avril 2012, au motif qu'il avait exercé une activité non autorisée pendant ces périodes, en poursuivant son activité de conseiller municipal et en participant à plusieurs activités en milieu associatif ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et cinquième branches, du pourvoi incident qui est préalable et sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et cinquième branches du moyen unique du pourvoi incident et sur le premier moyen du pourvoi principal, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la caisse la somme de 2 500 euros à titre de restitution des indemnités journalières versées pendant la période du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012, alors, selon le moyen, qu'en retenant que M. X... se serait rendu coupable d'activité non autorisée en participant à des réunions du conseil municipal de Blois, de la commission Tourisme loisirs valorisation de la Loire et sports de la communauté d'agglomération et à une réunion de la commission consultative des usagers pour la signalisation routière, la cour d'appel a violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale que le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour l'assuré de s'abstenir de toute activité non expressément et préalablement autorisée ;

Et attendu qu'ayant relevé que M. X... avait, pendant la période de perception des indemnités journalières, participé à des activités sans prouver que celles-ci avaient été autorisées par son médecin traitant, la cour d'appel en a exactement déduit que l'assuré avait manqué à son obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 332-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ;

Attendu que pour fixer la créance de restitution de la caisse au titre des indemnités journalières versées à M. X... du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la caisse a servi des indemnités journalières du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 pour un montant de 15 230,85 euros, et du 19 novembre 2011 au 26 avril 2012 pour un montant de 4 274,52 euros ; qu'il est constant que la prescription court à compter du paiement des prestations, de sorte que la caisse est en mesure de poursuivre, à compter de leur versement et dans la limite du délai de prescription de l'action en répétition, soit au cas présent, dans la limite de deux années, le remboursement des sommes indûment payées antérieurement à la date du 26 avril 2012 à hauteur de la somme de 4 274,52 euros au titre de l'indemnisation des arrêts de travail ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des productions que la caisse avait adressé à M. X..., le 20 mars 2014, une notification de payer un indu d'indemnités journalières et sans s'expliquer sur la date à laquelle la caisse avait procédé, pour les périodes en cause, au versement des indemnités journalières, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher


PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné Monsieur X... à payer la Caisse la somme de 2.500 euros à titre de restitution des indemnités journalières versées pendant la période du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012, puis condamné, après compensation, la Caisse à payer 1.434,65 euros à Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE « l'interdiction de se livrer à une activité s'entend de toute activité même domestique, sportive ou ludique, et ce même pendant les heures de sortie autorisées ; Or attendu qu'il est démontré par les productions (pièces n° 15, 16 et 17 de l'appelante), et admis par l'intéressé, que M. X... a, pendant la période de perception d'indemnités journalières –seule à considérer- participé à au moins huit réunions du conseil municipal de Blois, à une formation à l'usage de la bicyclette, à deux réunions de la commission Tourisme Loisirs Valorisation de la Loire et Sports de la communauté d'agglomération et à une réunion de la commission consultative des usagers pour la signalisation routière ; Qu'il ne prouve ni ne prétend que ces activités auraient été autorisées par son médecin traitant ; Qu'elles caractérisent, de sa part, l'exercice d'une activité non autorisée au sens de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ce qui implique la restitution des indemnités journalières correspondantes par leur bénéficiaire ; Que cette restitution n'est pas limitée à la date où l'exercice d'une activité a été constaté, et la CPAM est en droit de la solliciter pour toute la période de l'arrêt de travail ; Attendu, toutefois, que l'appelant est fondé à faire valoir qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale fondant l'action de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher, les juridictions du contentieux de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières, l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ; Et attendu qu'à cet égard, l'infraction de M. X... apparaît bénigne au vu des circonstances de sa commission, puisqu'elle s'est limitée à une participation à quelques réunions relevant d'un mandat d'élu local et de la vie associative ; Attendu, dans ces conditions, que c'est une restitution de 2.500 euros qui satisfera à l'exigence légale d'adéquation » ;

ALORS QU' aux termes de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, en cas d'exercice, par l'assuré, d'une activité non autorisée, ce dernier est tenu de restituer à la Caisse les indemnités journalières versées correspondantes ; qu'en outre, si l'activité exercée a donné lieu à rémunération, la Caisse peut prononcer, à l'encontre de l'assuré, une sanction financière, laquelle est susceptible d'être réduite par les juges ; qu'en réduisant le montant de la restitution due à la Caisse, quand seule la sanction financière que la Caisse peut prononcer est susceptible de réduction judiciaire, les juges du fond ont violé le texte susvisé.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné Monsieur X... à payer la Caisse la somme de 2.500 euros à titre de restitution des indemnités journalières versées pendant la période du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012, puis condamné, après compensation, la Caisse à payer 1.434,65 euros à Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE « l'interdiction de se livrer à une activité s'entend de toute activité même domestique, sportive ou ludique, et ce même pendant les heures de sortie autorisées ; Or attendu qu'il est démontré par les productions (pièces n° 15, 16 et 17 de l'appelante), et admis par l'intéressé, que M. X... a, pendant la période de perception d'indemnités journalières –seule à considérer- participé à au moins huit réunions du conseil municipal de Blois, à une formation à l'usage de la bicyclette, à deux réunions de la commission Tourisme Loisirs Valorisation de la Loire et Sports de la communauté d'agglomération et à une réunion de la commission consultative des usagers pour la signalisation routière ; Qu'il ne prouve ni ne prétend que ces activités auraient été autorisées par son médecin traitant ; Qu'elles caractérisent, de sa part, l'exercice d'une activité non autorisée au sens de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ce qui implique la restitution des indemnités journalières correspondantes par leur bénéficiaire ; Que cette restitution n'est pas limitée à la date où l'exercice d'une activité a été constaté, et la CPAM est en droit de la solliciter pour toute la période de l'arrêt de travail ; Attendu, toutefois, que l'appelant est fondé à faire valoir qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale fondant l'action de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher, les juridictions du contentieux de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières, l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ; Et attendu qu'à cet égard, l'infraction de M. X... apparaît bénigne au vu des circonstances de sa commission, puisqu'elle s'est limitée à une participation à quelques réunions relevant d'un mandat d'élu local et de la vie associative ; Attendu, dans ces conditions, que c'est une restitution de 2.500 euros qui satisfera à l'exigence légale d'adéquation » ;

ALORS QUE, premièrement, le juge contrôle l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la Caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ; qu'après avoir qualifié de bénigne l'infraction commise par l'assuré, l'arrêt se borne à énoncer qu'une restitution de 2.500 euros satisfera à l'exigence légale d'adéquation ; qu'en statuant de la sorte, sans se prononcer sur le montant total des indemnités susceptibles d'être restituées et sans mettre en rapport ce montant avec la gravité de l'infraction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, deuxièmement, en qualifiant, pour réduire le montant de la restitution due à la Caisse, la faute commise par l'assuré de bénigne, après avoir pourtant relevé qu'il avait, de façon répété, participé à des réunions témoignant de ce qu'ils avaient mené diverses activités non autorisées relevant notamment d'un mandat d'élu local et de la vie associative, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. X...


M. X... fait grief à l'arrêt attaqué

DE L'AVOIR condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher la somme de 2 500 € à titre de restitution des indemnités journalières versées pendant la période du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012 ;

AUX MOTIFS QUE « c'est à bon droit que les premiers juges ont dit qu'en l'absence de fraude, c'est la prescription biennale qui s'appliquait ; que, sur le fond, l'interdiction de se livrer à une activité s'entend de toute activité même domestique, sportive ou ludique et ce même pendant les heures de sorties autorisées ; qu'il est démontré, et admis par l'intéressé, que M. X... a, pendant la période de perception d'indemnités journalières, participé à au moins huit réunions du conseil municipal de Blois, à une formation à l'usage de la bicyclette, à deux réunions de la commission Tourisme Loisirs Valorisation de la Loire et Sports de la communauté d'agglomération et à une réunion de la commission consultative des usagers pour la signalisation routière ; qu'il ne prouve, ni ne prétend que ces activités auraient été autorisées par son médecin traitant ; qu'elles caractérisent, de sa part, l'exercice d'une activité non autorisée au sens de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ce qui implique la restitution des indemnités journalières correspondantes par leur bénéficiaire » ;

1°) ALORS QU'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que l'inconstitutionnalité de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, qui ne manquera pas d'être prononcée à la suite de la QPC présentée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2°) ALORS QU'en retenant que M. X... se serait rendue coupable d'activité non autorisée en participant à des réunions du conseil municipal de Blois, de la commission Tourisme Loisirs Valorisation de la Loire et Sports de la communauté d'agglomération et à une réunion de la commission consultative des usagers pour la signalisation routière, la cour d'appel a violé l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS QUE l'action d'un organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées est de deux ans à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou fausse déclaration ; qu'après avoir écarté toute fraude commise par M. X..., l'arrêt condamne ce dernier à restituer à la caisse primaire d'assurance maladie les indemnités journalières versées pendant la période du 3 décembre 2010 au 23 septembre 2011 et du 19 novembre 2011 au 25 avril 2012 ; qu'en statuant ainsi, quand la caisse n'avait formulé, pour la première fois, ses demandes qu'à l'audience du 8 avril 2014, de sorte qu'une partie de ses prétentions étaient prescrites, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, elle a violé l'article L. 332-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS, subsidiairement, QU'en ne s'expliquant pas sur la date à laquelle la caisse a procédé, pour les périodes considérées, au versement de l'indemnité journalière entre les mains de M. X..., constatation nécessaire à l'appréciation de l'écoulement du délai de prescription dont le versement constitue le point de départ, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 332-1 du code de la sécurité sociale ;

5°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en retenant que M. X... a admis avoir participé à une formation à l'usage de la bicyclette, quand ce dernier contestait, au contraire, que la caisse ait rapporté la preuve de cette participation (conclusions, p. 13, dernier §), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C200930
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