Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 juin 2017, 16-19.640, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1792 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 avril 2016), que M. Y... a confié la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air-eau à la société Inno 59, assurée auprès de la société AXA ; que cette installation a été financée par un prêt consenti par la société Domofinance ; qu'invoquant des dysfonctionnements, M. Y... a assigné le liquidateur judiciaire de la société Inno 59, la société AXA et la société Domofinance ;

Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que les éléments d'équipement bénéficiant de la garantie décennale sont ceux qui ont été installés au moment de la réalisation de l'ouvrage, ce qui n'est pas le cas de la pompe à chaleur considérée par rapport à l'ouvrage constitué par la construction de la maison de M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société AXA France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société AXA France IARD et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes ;

AU MOTIF QUE l'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit (et ce pendant dix ans précise l'article 17924-1), envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'aux termes de l'article 1792-2, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; que les éléments d'équipement bénéficiant de la garantie décennale en vertu de l'article 1792-2 sont ceux qui ont été installés au moment de la réalisation de l'ouvrage, ce qui n'est pas le cas de la pompe à chaleur considérée par rapport à l'ouvrage constitué par la construction de la maison de M. Y... ; qu'il est toutefois constant que l'adjonction d'un élément d'équipement à un ouvrage existant peut être considérée comme un ouvrage en soi et bénéficier de la garantie décennale prévue par l'article 1792 si elle a nécessité d'importants travaux d'adaptation à l'ouvrage, faisant appel à des techniques de constructions et non de pose ; qu'en l'espèce, M. E..., expert judiciaire désigné dans un premier temps pour rechercher les causes des dysfonctionnements de l'appareil, expose, à la faveur d'une mission complémentaire que lui a confiée le tribunal, que l'installation litigieuse comporte une unité intérieure et une unité extérieure et précise ceci : "L'unité extérieure est posée à trente centimètres de la clôture dans le jardin. La longueur entre récupérateur et machine est de plus de vingt mètres dont une partie passe en cave puis en buanderie. L'ouvrage n'est pas intégré au bâtiment. Des percements ont été effectués pour laisser passer les canalisations entre unité extérieure et unité intérieure (cloison entre couloir et cave, mur entre cave et buanderie et mur extérieur de la buanderie vers le jardin). Ces percements sont limités en nombre et en dimensions au strict nécessaire. Ces murs et cloisons ne présentent pas de dégradations consécutives à ces percements. Le gros-oeuvre n'a pas été altéré par ces percements." ; que l'on ne saurait considérer que l'installation de cette machine a nécessité d'importants travaux d'adaptation à l'immeuble faisant appel à des techniques de construction, permettant de la considérer comme un ouvrage en soi ; que cette appréciation est d'ailleurs confirmée par le fait que M. Y... lui-même ne demande que la somme, relativement modeste, de 693 euros "au titre du démontage de la chaudière et de la pompe à chaleur et de la remise en état des tuyauteries et des trous de passage" ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de débouter M. Y... de ses demandes ;

1) ALORS QUE les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, relèvent de la responsabilité décennale, chaque fois qu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait qu'il avait dû quitter son logement rendu inhabitable (concl. p, 3 § 4) et produisait à ce titre un rapport d'expertise précisant que « les lieux n'étaient plus habitables sans chauffage ni eau chaude, de surcroît avec des enfants » (rapport p. 15, § 6) ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter M. Y... de ses demandes, que les éléments d'équipement bénéficiant de la garantie décennale sont ceux qui ont été installés au moment de la réalisation de l'ouvrage, sans rechercher si les désordres affectant le chauffage installé par la société INNO 59 ne rendaient pas l'ouvrage en son ensemble impropre à sa destination, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil ;

2) ALORS QUE les éléments d'équipement installés sur un ouvrage existant bénéficient de la garantie décennale lorsqu'ils sont assimilables à un ouvrage ; que tel est le cas de l'élément d'équipement qui a nécessité d'important travaux d'adaptation à l'ouvrage ; qu'en affirmant, pour débouter M. Y... de ses demandes, que la pompe à chaleur installée par la société INNO 59 ne constituait pas en soi un ouvrage bénéficiant de la garantie décennale, quand il ressortait de ses propres constatations que l'installation de cette pompe à chaleur avait nécessité le percement de trois murs dont celui extérieur de l'habitation, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil ;

3) ALORS QUE les éléments d'équipement installés sur un ouvrage existant bénéficient de la garantie décennale lorsqu'ils sont assimilables à un ouvrage ; que le critère de l'amplitude des travaux permettant de caractériser l'ouvrage doit être mesurée au plan technique et non au plan financier en terme de coût des travaux ; qu'en se fondant, pour affirmer que la pompe à chaleur installée par la société INNO 59 ne constituait pas en soi un ouvrage bénéficiant de la garantie décennale, sur la circonstance en réalité inopérante que la somme demandée par M. Y... au titre du démontage de la chaudière et de la pompe à chaleur et de la remise en état des tuyauteries et des trous de passage est relativement modeste, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2017:C300695
Retourner en haut de la page