Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juin 2017, 15-20.550 15-24.827, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° 15-20.550 et 15-24.827 ;

Donne acte à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Océan indien et Pacifique du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Réunion assurances et la RAM ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 19 mars 2008, sur la commune du Port à La Réunion, M. Y..., conducteur d'un cyclomoteur, a été blessé dans un accident de la circulation dans lequel était impliqué un car de voyageurs appartenant à la Société d'économie mixte de transports de l'Ouest (la société Semto), assurée auprès de la société Mutuelle des transports assurances (la société MTA) ; que M. Y..., qui avait souscrit auprès de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Océan indien et Pacifique (la société Groupama) un contrat d'assurance automobile, comportant notamment une garantie des dommages corporels subis par le conducteur, a perçu de son assureur, à la suite de l'accident, diverses prestations d'un montant total de 55 126,52 euros ; que M. Y... a assigné la société Semto et la société Réunion assurances, courtier, en indemnisation de ses préjudices, en présence de son organisme de sécurité sociale, la RAM ; que la société MTA, assureur de la société Semto, est intervenue volontairement à l'instance ainsi que l'épouse de la victime, Mme Y..., qui a sollicité la réparation de son préjudice par ricochet ;

Sur le moyen unique identique des pourvois principal et provoqué n° 15-20.550, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Semto et la société MTA font grief à l'arrêt de juger que M. Y... a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice et de lui allouer diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties ; que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur celles énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, les sociétés Semto et MTA demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions du 10 mars 2014, que soit constatée la caducité de l'appel de M. Y... en raison de la tardiveté de ses conclusions ; qu'en affirmant néanmoins que les conclusions des sociétés Semto et MTA tendant à voir déclarer caduc l'appel de M. Y... n'étaient plus soutenues devant elle, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige, violant les articles 4, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ qu'en appel, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, qui, jusqu'à son dessaisissement, est seul compétent pour déclarer des conclusions irrecevables ; que son dessaisissement résulte de l'ouverture des débats ; que lorsque l'irrecevabilité de conclusions a été valablement soulevée dans des écritures au fond signifiées avant l'ordonnance de clôture, le magistrat de la mise en état, non dessaisi, est valablement saisi de l'incident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dernières conclusions des sociétés Semto et MTA avaient été régulièrement notifiées et déposées au greffe le 10 mars 2014, antérieurement à l'ordonnance de clôture du 30 juillet 2014 et au dessaisissement du conseiller de la mise en état ; que la cour d'appel aurait dû révoquer l'ordonnance de clôture pour que le conseiller de la mise en état statue sur la caducité de l'appel de M. Y... ; qu'en s'abstenant de le faire, aux motifs inopérants que la demande tendant à voir déclarer l'appel caduc n'avait pas donné lieu à saisine du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 784, 907, 908 et 914 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le conseiller de la mise en état n'est saisi des demandes relevant de sa compétence que par des conclusions qui lui sont spécialement adressées ; que la cour d'appel a relevé que les écritures des sociétés Semto, Réunion assurances et MTA tendant à voir déclarer caduc l'appel de M. Y... n'avaient pas donné lieu à saisine du conseiller de la mise en état ; qu'il en résulte que la demande de caducité de l'appel formulée dans des conclusions au fond était irrecevable ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les quatre dernières branches du moyen unique identique des pourvois principal et provoqué n° 15-20.550 annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 15-24.827 :

Vu l'article 1249 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 121-12, L. 211-25 et L. 131-2 du code des assurances ;

Attendu que par l'effet de la subrogation l'assureur du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation dont il a été victime est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées à son assuré du fait de l'accident, investi de l'ensemble des droits et actions dont celui-ci disposait à l'encontre de la personne tenue à réparation ou son assureur ;

Attendu que pour limiter à la somme 27 563,26 euros le montant de la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Semto et de la société MTA au bénéfice de la société Groupama, après avoir retenu que M. Y... avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice fixé à 357 091 euros, l'arrêt énonce que si la société Groupama se trouve subrogée dans les droits de son assuré pour un montant total de 55 126,52 euros, elle n'a pas la qualité de victime au sens des dispositions de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, de sorte que son recours subrogatoire contre le propriétaire et l'assureur de l'autocar impliqué ne peut se concevoir que suivant le droit commun, c'est-à-dire à charge pour la société Groupama de rapporter la preuve d'une faute du chauffeur de l'autocar à l'origine de l'accident, conformément aux dispositions de l'article 1382 du code civil, ce que la société Groupama ne propose pas de faire ; que l'arrêt retient aussi que lorsqu'aucune faute n'est établie contre les conducteurs de véhicules terrestres à moteur impliqués dans un accident de la circulation, leur contribution à l'indemnisation des victimes se répartit entre eux par parts viriles et, qu'ayant indemnisé la victime et les causes exactes de l'accident demeurant indéterminées, le recours de cet assureur est limité à l'implication du véhicule de son assuré dans l'accident, si bien que son action à l'encontre de la société Semto et de son assureur la société MTA prospérera pour la moitié de l'indemnité versée, soit 27 563,26 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait jugé que M. Y... avait droit à l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice et retenu que son assureur était subrogé dans ses droits pour le montant des sommes qu'il lui avait versé en exécution de son contrat, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la créance de la société Groupama entraîne par voie de conséquence l'annulation des chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause, sur sa demande, Mme Y... ;

Dit n'y avoir lieu de mettre M. Y... hors de cause ;

Rejette les pourvois principal et provoqué n° 15-20.550 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a liquidé le préjudice de M. Y... à la somme de 357 091 euros, condamné la société d'économie mixte de transports de l'Ouest et la société Mutuelle des transports assurances à payer cette somme à M. Y... en réparation de ses préjudices et limité à la somme de 27 563,26 euros le montant de la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société d'économie mixte de transports de l'Ouest et de la société Mutuelle des transports assurances au bénéfice de la société Groupama, l'arrêt rendu le 3 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;

Condamne la Société d'économie mixte de transports de l'Ouest et la société Mutuelle des transports assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Océan indien et Pacifique la somme globale de 3 000 euros et à M. et Mme Y... la somme globale de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen identique produit aux pourvois principal et provoqué n° 15-20.550 par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des transports assurances et la société d'économie mixte de transports de l'Ouest.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que M. Y... avait droit à l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice et de lui avoir alloué diverses sommes ;

AUX PREMIERS MOTIFS QUE les écritures de la société SEMTO, de la compagnie Réunion Assurances et de la Mutuelle des transports assurances tendant à voir déclarer caduc l'appel d'Hugues Y..., qui n'ont pas donné lieu à saisine du conseiller de la mise en état, ne sont plus soutenues devant la cour ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties ; que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur celles énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, les sociétés SEMTO et MTA demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions du 10 mars 2014, que soit constatée la caducité de l'appel de M. Y... en raison de la tardiveté de ses conclusions (concl. p. 5 et 8) ; qu'en affirmant néanmoins que les conclusions des sociétés SEMTO et MTA tendant à voir déclarer caduc l'appel de M. Y... n'étaient plus soutenues devant elle (arrêt, p. 8), la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige, violant les articles 4, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU' en appel, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, qui, jusqu'à son dessaisissement, est seul compétent pour déclarer des conclusions irrecevables ; que son dessaisissement résulte de l'ouverture des débats ; que lorsque l'irrecevabilité de conclusions a été valablement soulevée dans des écritures au fond signifiées avant l'ordonnance de clôture, le magistrat de la mise en état, non dessaisi, est valablement saisi de l'incident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dernières conclusions des sociétés SEMTO et MTA avaient été régulièrement notifiées et déposées au greffe le 10 mars 2014 (arrêt, p. 6 § 5), antérieurement à l'ordonnance de clôture du 30 juillet 2014 (arrêt, p. 8 § 2) et au dessaisissement du conseiller de la mise en état ; que la cour d'appel aurait dû révoquer l'ordonnance de clôture pour que le conseiller de la mise en état statue sur la caducité de l'appel de M. Y... ; qu'en s'abstenant de le faire, aux motifs inopérants que la demande tendant à voir déclarer l'appel caduc n'avait pas donné lieu à saisine du conseiller de la mise en état (arrêt, p. 8 § 5), la cour d'appel a violé les articles 784, 907, 908 et 914 du code de procédure civile ;

ET AUX AUTRES MOTIFS QUE, sur le droit à indemnisation d'Hugues Y..., l'article 4 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dispose que « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis » ; que le caractère indéterminé des circonstances de l'accident doit nécessairement profiter à la victime ; que l'article R. 414-6 du code de la route prévoit que « les dépassements s'effectuent à gauche (mais que) tout conducteur doit dépasser par la droite (
) un véhicule dont le conducteur a signalé qu'il se disposait à changer de direction vers la gauche » ; que si le dépassement intempestif d'une file d'automobiles par une motocyclette est susceptible d'être considéré comme une faute entraînant une réduction du droit à indemnisation de la victime, ce droit ne saurait être réduit et encore moins exclu lorsque les circonstances exactes de l'accident demeurent indéterminées ; qu'a contrario, lorsque la faute du conducteur victime est retenue, il convient de considérer uniquement dans quelle mesure elle serait susceptible d'entraîner la limitation, voire l'exclusion de son droit à indemnisation ; que le principe étant l'indemnisation et l'exclusion étant l'exception, il appartient à l'assureur du véhicule impliqué qui invoque la faute du conducteur victime de la caractériser et de l'établir ; qu'en l'espèce et tout d'abord, c'est à tort que, pour exclure tout droit à indemnisation, le premier juge a considéré que la faute d'Hugues Y... était à l'origine exclusive de l'accident alors qu'il n'avait pas à effectuer une telle recherche ; que le jugement encourt infirmation de ce seul chef ; qu'ensuite, Hugues Y... a exposé aux services de police qu'il s'est retrouvé derrière le bus dans la rue       [...], que le bus s'est déporté            légèrement vers la droite de la chaussée et qu'il a cru qu'il allait marquer un arrêt pour déposer les voyageurs ; que c'est la raison pour laquelle, poursuit-il, il aurait entrepris le dépassement de l'autocar par la gauche à une vitesse de 30 km/h et qu'ayant constaté qu'un véhicule circulait normalement en sens inverse par rapport à son sens de circulation, il ne se serait pas inquiété et aurait été surpris par le virage du bus sur sa gauche ; que s'il indique dans sa déposition ne pas avoir vu le clignotant gauche de l'autocar, il soutient maintenant de façon plus affirmative que le chauffeur du bus ne l'aurait pas actionné et aurait viré à gauche de manière inattendue ; que le conducteur du bus indique dans sa déposition que c'est au moment où il a commencé à effectuer sa manoeuvre qu'il a entendu un choc ; que par ailleurs, il ressort du témoignage du conducteur venant en sens inverse, M. C..., que, parvenu à l'intersection formée par les rues [...] et [...], et alors qu'il devait tourner

à droite, celui-ci a vu arriver en sens inverse de sa circulation le car qui avait déjà actionné son clignotant pour tourner à gauche dans la rue [...] ; que pour faciliter la manoeuvre de l'autobus, le témoin indique s'être arrêté au niveau de l'intersection, l'autocar ayant commencé à virer sur la gauche ; qu'enfin, il précise avoir vu au même moment une motocyclette dépasser par la gauche le bus ; que ces dépositions ne caractérisent pas une faute de la part d'Hugues Y... car elles ne permettent pas de déterminer avec certitude dans quel ordre chacun des conducteurs a initié sa propre manoeuvre ; qu'au contraire, tout milite pour une forme de simultanéité de ces manoeuvres, l'accident s'étant déroulé en une fraction de seconde à la lecture des témoignages ; que si l'on y ajoute le caractère approximatif du croquis établi par les services de police, la cour considère que les circonstances exactes de l'accident restent à tout le moins indéterminées ; que cette situation doit donc profiter à Hugues Y... ; que statuant à nouveau, la cour dira qu'Hugues Y... a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice ;

1°) ALORS QUE la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ; que si les dépassements s'effectuent normalement à gauche, ils doivent s'effectuer par la droite lorsqu'il s'agit de dépasser un véhicule dont le conducteur a signalé qu'il se disposait à changer de direction vers la gauche ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... avait entrepris de dépasser un autobus avec sa motocyclette et avait reconnu lors de sa déposition ne pas se souvenir d'avoir vu le clignotant gauche de l'autocar en action (arrêt, p. 9 § 6) ; que la cour d'appel a encore constaté que M. C..., qui circulait en sens inverse, avait affirmé avoir vu arriver le car qui avait déjà actionné son clignotant pour tourner à gauche (arrêt, p. 9 § 8) ; qu'il ressortait de ces constatations que le chauffeur du bus ayant actionné son clignotant pour tourner à gauche avant d'effectuer sa manoeuvre, M. Y... aurait dû dépasser l'autobus par la droite mais qu'en s'abstenant de le faire, il avait commis une faute ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article R. 414-6 du code de la route ;

2°) ALORS QU' en s'abstenant de prendre en compte le « procès-verbal de transport des constatations et des mesures prises » établi sur les lieux par la police, suivant lequel un dépassement par la gauche entrepris par M. Y... était à l'origine de l'accident, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

3°) ALORS QU' ayant constaté que le motocycliste doublait par la gauche l'autocar qui lui-même tournait à gauche, la cour d'appel aurait dû en déduire que le premier avait commis une faute ; qu'en affirmant le contraire, aux motifs inopérants qu'il ressortait des dépositions des parties une forme de « simultanéité des manoeuvres, l'accident s'étant déroulé en une fraction de seconde » (arrêt, p. 10 § 1), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

4°) ALORS QUE les juges ne peuvent se fonder sur un document non contradictoirement versé aux débats ; qu'en l'espèce, en se fondant sur un « croquis établi par les services de police » (arrêt, p. 10 § 1), dont il ne ressort ni des conclusions ni des bordereaux de production qu'il ait été contradictoirement versé aux débats, pour affirmer que les circonstances exactes de l'accident restaient indéterminées et ainsi exclure l'existence d'une faute du motocycliste, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article 16 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi n° W 15-24.827 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Océan indien et Pacifique.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum la SA SEMTO et la Mutuelles des Transports Assurances à payer à M. Hughes Y... la somme de 357 091 € en réparation de ses préjudices et d'avoir limité à la somme de 27 563,26 € le montant de la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la SA SEMTO et de la Mutuelles des Transports Assurances au bénéfice de la société Groupama Océan Indien au titre de son action récursoire,

AUX MOTIFS, d'une part, QUE l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose que « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis » ; que le caractère indéterminé des circonstances de l'accident doit donc nécessairement profiter à la victime ; que l'article R.414-6 du code de la route prévoit que « les dépassements s'effectuent à gauche (mais que) tout conducteur doit dépasser par la droite (...) un véhicule dont le conducteur a signalé qu'il se disposait à changer de direction vers la gauche » ; que si le dépassement intempestif d'une file d'automobiles par une motocyclette est susceptible d'être considéré comme une faute entraînant une réduction du droit à indemnisation de la victime, ce droit ne saurait être réduit et encore moins exclu lorsque les circonstances exactes de l'accident demeurent indéterminées ; qu'a contrario, lorsque la faute du conducteur victime est retenu, il convient de considérer uniquement dans quelle mesure elle serait susceptible d'entraîner la limitation, voire l'exclusion de son droit à indemnisation ; que le principe étant l'indemnisation et l'exclusion étant l'exception, il appartient à l'assureur du véhicule impliqué qui invoque la faute du conducteur victime de la caractériser et de l'établir ; qu'en l'espèce, et tout d'abord, c'est à tort que, pour exclure tout droit à indemnisation, le premier juge a considéré que la faute d'Hugues Y... était à l'origine exclusive de l'accident, alors qu'il n'avait pas à effectuer une telle recherche ; que le jugement encourt infirmation de ce seul chef ; qu'ensuite, Hugues Y... a exposé aux services de police qu'il s'est retrouvé derrière le bus dans la   rue               [...], que le bus s'est déporté légèrement ver la droit de la chaussée et qu'il a cru qu'il allait marquer un arrêt pour déposer les voyageurs ; que c'est la raison pour laquelle, poursuit-il, il aurait entrepris le dépassement de l'autocar par la gauche à une vitesse de 30 km/h et qu'ayant constaté qu'un véhicule circulait normalement en sens inverse par rapport à son sens de circulation, il ne se serait pas inquiété et aurait été surpris par le virage du bus sur sa gauche ; que s'il indique dans sa déposition ne pas avoir vu le clignotant gauche de l'autocar, il soutient maintenant de façon plus affirmative que le chauffeur du bus ne l'aurait pas actionné et aurait viré à gauche de manière inattendue ; que le conducteur du bus indique dans sa déposition que c'est au moment où il a commencé à effectuer sa manoeuvre qu'il a entendu un choc ; que, par ailleurs, il ressort du témoignage du conducteur venant en sens inverse, M. C..., que, parvenu à l'intersection formée par les rues [...] et [...], et alors qu'il devait tourner à        droite, celui-ci a vu arriver en sens inverse de sa circulation le car qui avait déjà actionné son clignotant pour tourner à gauche dans la rue [...] ; que pour faciliter la manoeuvre de l'autobus, le témoin indique s'être arrêté au niveau de l'intersection, l'autocar ayant commencé à virer sur la gauche ; qu'enfin, il précise avoir vu au même moment une motocyclette dépasser par la gauche du bus ; que ces dépositions ne caractérisent pas une faute de la part d'Hugues Y... car elles ne permettent pas de déterminer avec certitude dans quel ordre chacun des conducteurs a initié sa propre manoeuvre ; qu'au contraire, tout milite pour une forme de simultanéité de ces manoeuvres, l'accident s'étant déroulé en une fraction de seconde à la lecture des témoignages ; que si l'on y ajoute le caractère approximatif du croquis établi par les services de police, la cour considère que les circonstances exactes de l'accident restent à tout le moins indéterminées ; que cette situation doit donc profiter à Hugues Y... ; que, à nouveau, la cour dire qu'Hugues Y... a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice ;

ET AUX MOTIFS, d'autre part, QUE Groupama Océan Indien a réglé à Hughes Y... la somme de 52 103 € au titre de la garantie plafonnée « accident corporel du conducteur » souscrite par la victime ; qu'elle a également indemnisé Hughes Y... au titre des dommages subis par le véhicule (2 842,23 €) et de ses frais de remorquage, (181,29 €), ainsi qu'elle en justifie ; que si Groupama se trouve subrogée dans les droits de son assuré pour un montant total de 55 126,52 €, elle n'a pas la qualité de victime au sens des dispositions de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; que son recours subrogatoire contre le propriétaire et l'assureur de l'autocar impliqué ne peut donc se concevoir que suivant le droit commun, c'est-à-dire à charge pour Groupama Océan Indien de rapporter la preuve d'une faute du chauffeur de l'autocar à l'origine de l'accident, conformément aux dispositions de l'article 1382 du code civil ; que force est de constater que Groupama ne propose pas de faire une telle démonstration ; que lorsqu'aucune faute n'est établie contre les conducteurs de véhicules terrestres à moteur impliqués dans un accident de circulation, leur contribution à l'indemnisation des victimes se répartit entre eux par parts viriles ; qu'en l'espèce, l'accident du 19 mars 2008 est à l'origine du déclenchement de la garantie contractuelle due à Hughes Y... par Groupama Océan Indien ; qu'ayant indemnisé la victime et les causes exactes de l'accident demeurant indéterminées, le recours de cet assureur est limité à l'implication du véhicule de son assuré dans l'accident, si bien que son action à l'encontre de la SA SEMTO et de son assureur la Mutuelle des Transports Assurance prospérera pour la moitié de l'indemnité versée, soit 27 563, 26 € ;

ALORS QUE la subrogation emporte transfert au profit du subrogataire du droit dont disposait le subrogeant à l'encontre d'un tiers ; que l'assureur subrogé dans les droits de son assuré pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat dispose, à l'encontre du tiers responsable et à hauteur du montant des sommes versées à son assuré, du droit dont disposait ce dernier à l'encontre de ce tiers responsable ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Semto et son assureur étaient tenus d'indemniser intégralement les préjudices subis par M. Y..., qu'elle a évalués à un montant global de 357 091 € et au paiement duquel elle les a condamnés et, d'autre part, que la société Groupama se trouvait subrogée dans les droits de son assuré pour un montant total de 55 126,52 € ; qu'en énonçant cependant, pour limiter à la somme de 27 563,26 € le montant de la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la SA SEMTO et de la Mutuelles des Transports Assurances au bénéfice de l'assureur, que ce dernier n'a pas la qualité de victime au sens des dispositions de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 et que « son recours subrogatoire contre le propriétaire et l'assureur du car ne peut donc se concevoir que suivant le droit commun , c'est-à-dire à charge pour Groupama Océan Indien de rapporter la preuve d'une faute du chauffeur de l'autocar à l'origine de l'accident conformément aux dispositions de l'article 1382 du code civil », ce qu'il ne propose pas, la cour d'appel a méconnu les effets de la subrogation, en violation de l'article 1249 du code civil, ensemble les articles L 121-12 et L 131-2 du code des assurances. ECLI:FR:CCASS:2017:C200864
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