Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juin 2017, 16-18.815, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2016), que la société Stell Holding, dont M. X... est associé majoritaire, a contracté des contrats d'assurance sur la vie par l'intermédiaire d'un courtier d'assurance, qui avait souscrit une garantie financière auprès de la Caisse de garantie des professionnels de l'assurance (la CGPA) ; que M. X... a notamment remis au courtier les 1er août et 24 septembre 1996 deux chèques de respectivement 600 000 francs (91 469,41 euros) et 394 899 francs (60 201,41 euros) tirés sur le compte de la société Stell Holding à l'ordre de la société Eagle star vie, aux droits de laquelle vient la société Generali assurance vie ; qu'à l'occasion du rachat de ces contrats d'assurances, il est apparu que le courtier avait détourné et encaissé ces chèques à son profit sur un compte personnel ; que le 3 mai 2001, M. X... a assigné la CGPA en remboursement des chèques des 1er août et 24 septembre 1996 ; que cette dernière a assigné en intervention forcée la société Eagle star vie tandis que la société Stell Holding est intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que M. X... et la société Stell Holding font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes du premier, alors, selon le moyen, que suivant l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que suivant l'article L. 530-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, tout courtier ou société de courtage d'assurance qui, même à titre occasionnel, se voit confier des fonds en vue d'être versés à des entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ou à des assurés est tenu à tout moment de justifier d'une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux assurés ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. X... a remis au courtier, qui les a détournés, des chèques tirés sur l'entreprise dont il était l'associé majoritaire ; qu'en estimant cependant que M. X..., dont elle retenait pourtant la qualité d'assuré, n'avait pas intérêt à agir contre la caisse de garantie et l'assureur, en restitution des fonds par lui remis et détournés, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, d'abord, que les fonds versés au courtier n'étaient pas des fonds personnels de M. X..., qui avait la qualité d'assuré, mais ceux de la société Stell Holding, qui était le souscripteur du contrat, ensuite, que le bénéficiaire était, en cas de vie à l'issue du contrat, le souscripteur et, en cas de décès de l'assuré, son conjoint, à défaut par parts égales ses enfants nés ou à naître, et à défaut ses héritiers, la cour d'appel en a exactement déduit que, bien qu'étant l'assuré, M. X..., qui n'était ni le souscripteur du contrat ni le bénéficiaire de l'épargne investie, ne justifiait pas d'un intérêt légitime à agir et qu'en conséquence sa demande était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... et la société Stell Holding aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Generali assurances vie la somme globale de 3 000 euros et à la Caisse de garantie des professionnels de l'assurance la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Stell Holding

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré irrecevable les demandes présentées par M. Dominique X...,

AUX MOTIFS PROPRES QU'« au préalable, que bien que demandant à la cour de déclarer l'appel de ses adversaires irrecevables, la CGPA ne développe aucune argumentation sur ce point, le dossier ne révélant aucune fin de non-recevoir présentant un caractère d'ordre public ; que les appelants soutiennent à titre principal, la qualité à agir de M. Dominique X... au motif qu'il a la qualité d'assuré, relevant que l'article L. 530-1 du code des assurances ne subordonne pas l'action au fait que les fonds aient été versés par l'assuré lui-même, "ce qui de surcroît serait contraire à la nature même du contrat d'assurance-vie", la CGPA objectant que la garantie financière a pour objet exclusif le remboursement aux assurés des fonds qu'ils ont personnellement et de manière effective confiés à un courtier, toute restitution à M. Dominique X... de fonds tirés sur le compte de sa société, aboutissant à un enrichissement sans cause, concluant que celui-ci n'a ni qualité ni intérêt à agir ; que l'article 31 du code de procédure civile énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention; que l'article L. 530-1 du code des assurances (dans sa rédaction applicable à la date des versements litigieux) "tout courtier ou société de courtage d'assurance qui, même à titre occasionnel, se voit confier des fonds en vue d'être versés à des entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ou à des assurés est tenu à tout moment de justifier d'une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux assurés" ; qu'en l'espèce, M. Dominique X... a remis à M. Y... des chèques tirés sur l'entreprise dont il était l'associé majoritaire et, dès lors que le texte susmentionné instituant une garantie financière tendant à la sauvegarde des intérêts des clients de l'intermédiaire d'assurance indélicat et non une assurance couvrant sa responsabilité professionnelle, la qualité d'assuré de M. Dominique X... ne suffit pas à lui conférer qualité à agir, celui-ci devant également établir son intérêt légitime au succès de ses prétentions ; que la cour ne peut trouver cet intérêt légitime dans sa volonté, d'obtenir entre ses mains et donc à son profit, la restitution de fonds sociaux ; que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle déclare les demandes de M. Dominique X... irrecevables » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les fins de non-recevoir, en ce qui concerne M. Dominique X..., la Caisse de garantie des professionnels de l'assurance soulève l'irrecevabilité des demandes de M. Dominique X..., tirée de son absence de qualité et d'intérêt ; qu'elle relève en effet qu'il n'a pas versé lui-même les sommes détournées par M. Y... ; qu'elle affirme que sa qualité de bénéficiaire des contrats d'assurance litigieux ne lui permet pas de mettre en oeuvre la garantie financière qu'elle est chargée de couvrir ; qu'elle soutient au surplus que la garantie financière n'est pas due lorsque le courtier a agi en tant qu'intermédiaire de la société d'assurance ; que M. Dominique X... prétend au contraire qu'en tant qu'assuré, il doit bénéficier des dispositions de l'article R. 530-1 alinéa 2 du code des assurances, aucune disposition ne subordonnant la garantie financière au fait que l'assuré a réglé lui-même les primes d'assurances ; qu'il conteste de même que M. Y... avait mandat pour recevoir les primes; que les fonds versés à M. Y... et détourné par lui n'étaient pas des fonds propres de M. Dominique X..., mais des fonds de la société Stell holding, dans la mesure où les primes détournées ont été réglées par des chèques émis pat cette société pour celui de 600 000 francs sur son compte ouvert auprès de l'agence du Crédit mutuel de Cagnes-sur-Mer et pour celui de 394 899 francs sur son compte ouvert auprès de l'agence de Cagnes-sur-Mer de la Société marseillaise de crédit ; que la proposition d'assurance Atout vie II datée du 1er août 1996 et portant le numéro de police 2016214, pour laquelle ces sommes ont été remises en deux temps, précise certes que M. Dominique X... est l'assuré ; que toutefois, le souscripteur est indiqué comme étant la société Stelle, le bénéficiaire étant, en cas de vie à l'issue du contrat, soit huit années, le souscripteur et, en cas de décès de l'assuré, son conjoint, à défaut par parts égales ses enfants nés ou à naître, à défaut ses héritiers ; que, dès lors, M. Dominique X..., bien que désigné en tant qu'assuré dans cette proposition d'assurance, n'a ni qualité ni interêt à agir pour ce contrat, dans la mesure où il n'a pas versé les fonds lors de la souscription et que ces fonds auraient dû revenir, à l'issue du contrat, en 2004, à la société souscriptrice, la condition de vie étant alors remplie ; que, dès lors que la garantie financière imposée aux courtiers par l'article L. 530-1 du code des assurances est "spécialement affectée" au remboursement des fonds versés par les assurés, en vue d'être remis à des entreprises d'assurance, M. Dominique X..., qui n'a pas personnellement déboursé ces fonds, n'a pas qualité à agir à l'encontre de la Caisse de garantie des professionnels de l'assurance » ;

ALORS QUE, suivant l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que suivant l'article L. 530-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, tout courtier ou société de courtage d'assurance qui, même à titre occasionnel, se voit confier des fonds en vue d'être versés à des entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ou à des assurés est tenu à tout moment de justifier d'une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux assurés ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. Dominique X... a remis au courtier, qui les a détournés, des chèques tirés sur l'entreprise dont il était l'associé majoritaire ; qu'en estimant cependant que M. Dominique X..., dont elle retenait pourtant la qualité d'assuré, n'avait pas à intérêt à agir contre la caisse de garantie et l'assureur, en restitution des fonds par lui remis et détournés, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR condamné la Caisse de garantie des professionnels de l'assurance à payer à la société Stell holding la seule somme de 5 015,42 euros,

AUX MOTIFS QUE « au fond, la société Stell holding prétend au bien-fondé de sa réclamation, affirmant que c'est avec la plus mauvaise foi que la CGPA tente de soutenir qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les chèques n'ont pas été détournés, s'appuyant pour ce faire sur les écritures et déclarations de la SA Generali assurance vie ; que la CGPA soutient, s'appuyant sur les décisions rendues dans les différentes instances, que les détournements n'étaient que provisoires et que rien ne permet d'affirmer que les sommes litigieuses n'auraient pas été répercutées à la société Eagle Star vie, évoquant également les remboursements effectués par M. Y... à hauteur de 362 000 francs, qui ont été mis en évidence dans le cadre de l'instruction de la plainte pénale de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel ; que la société Stell holding appuie sa démonstration sur les conclusions de la SA Generali vie, qui selon elle, constituent un aveu judiciaire qu'elle n'a jamais été destinataire des fonds, les polices d'assurance étant de "fausses polices" aveu qui serait opposable à la CGPA, alors qu'il n'engage et n'est opposable qu'à l'assureur qui en est l'auteur ; or, les polices souscrites auprès de Eagle Star vie (soit les polices n° 2016214 et 2014998) ont été rachetées ainsi qu'il ressort du courrier de la société Eagle Star vie du 13 janvier 2000 (sa pièce 29) ;que l'affirmation d'un détournement du chèque de 600 000 francs, sans reversement de la somme détournée à un moment quelconque, ne peut se déduire de la condamnation pénale de M. Y..., qui ne vise pas les contrats souscrits auprès d'Eagle Star vie, l'action pénale ayant [été] mise en mouvement suite à deux plaintes avec constitution de partie civile des sociétés Mutuelle du Mans assurances, Conseil européen de courtage et Union générale interprofessionnelle ; qu'au surplus, le juge pénal, citant l'enquête de police fait état de versements des cotisations d'assurance sur le compte personnel de M. Y... qui, pour de nombreux chèques déposés sur son compte a "répercuté ses sommes à la Mutuelle du Mans assurances, à l'Union générale interprofessionnelle et à Eagle Star ", ajoutant "on observe ainsi un détournement "provisoire" des cotisations qui étaient ensuite reversées sur les comptes des sociétés destinataires" ;que la société Stell holding ne produit pas l'intégralité de l'échange de correspondance, clos par le courrier de l'assureur du 13 janvier 2000 mais uniquement cette lettre et le courrier du 27 septembre 1999 dans lequel, elle relevait, à réception d'un courrier récapitulant "l'ensemble de l'épargne constituée sur les différentes polices", qu'il n'avait pas été tenu compte de deux versements (celui de 394 899 francs du 24 septembre 1996 et celui du 1er août 1996 de 600 000 francs) ; que par un courrier du 13 janvier 2000, l'assureur confirmait qu'il n'avait pas reçu de M. Y... la somme versée le 24 septembre 1996 soit 394 899 euros [lire : francs] et précisait le montant des valeurs de rachat des deux contrats souscrits : 556 822 francs pour le contrat 2006391 et 701 059 francs (dont une plus-value de 101 058 francs) pour le contrat 201624) ; que ce montant est à rapprocher de celui du chèque d'août 1996, la société Stell holding ne démontrant nullement qu'elle aurait, à une date qu'elle ne précise pas, versé une autre prime de 600 000 francs, et qu'en conséquence, la somme portée au contrat 201624 ne serait pas celle réglée au moyen du chèque d'août 1996 et un temps détournée ; qu'enfin, s'agissant du chèque de 394 899 francs, dont le détournement relève de l'évidence au regard du courrier de l'assureur du 13 janvier 2000 et de son remboursement partiel par le courtier, il ressort du réquisitoire définitif du ministère public relatif à la plainte de la Caisse régionale de crédit agricole que M. Y... a remis vingt chèques d'un montant total de 362 000 francs à M. Dominique X... et celui-ci "restait évasif sur les chiffres des montants réellement dus, perçus ou remboursé (et qu') il confirmait cependant avoir été remboursé par Vivant'' ; que l'appelante ne peut donc prétendre à une imputation réduite à 322 000 francs (sans justifier du rejet d'un ou de plusieurs des chèques remis par M. Y...) ni à une affectation de ses fonds au remboursement des "chèques UGIP", dont il n'a nullement été fait état au cours de l'instruction pénale, les investigations menées à cette occasion ayant au surplus, mis en évidence que les détournements au titre des chèques UGIP se limitait à 188 135 francs ; que dès lors, et à l'exception du différentiel entre la somme remboursée par M. Y... et le montant du chèque de septembre 1996, la société Stell holding ne peut pas prétendre à la garantie de la CGPA, la cour devant entrer en voie de condamnation à l'encontre de celle-ci pour la somme de 5 015,42 euros (32 899 francs) » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que la pièce n° 29 produite par la société Stell Holding comprenait deux courriers émanant de la société Eagle Star Vie du 13 janvier 2000 (pièces n° 29-1 et 29-2) ; que, dans le premier courrier (pièce n° 29-1), l'assureur faisait noter que « la valeur de rachat du contrat n° 2016214 ne comprend pas le versement de 394 699 francs » effectué auprès du courtier ; que, dans son second courrier (pièce n° 29-2), l'assureur faisait noter que « la valeur de rachat du contrat n° 2014998 ne comprend pas le versement de 600 000 francs » effectué auprès du courtier ; que, pour estimer que la preuve du détournement de la somme de 600 000 francs n'était pas faite, la cour d'appel a énoncé que par un courrier du 13 janvier 2000, l'assureur confirmait qu'il n'avait pas reçu de M. Y... la somme versée le 24 septembre 1996 soit 394 899 euros [lire : francs] et précisait le montant des valeurs de rachat des deux contrats souscrits : 556 822 francs pour le contrat 2006391 et 701 059 francs (dont une plus-value de 101 058 francs) pour le contrat 201624 ; qu'en statuant ainsi, cependant que la pièce n° 29-2 établissait que la valeur de rachat du contrat n° 2014998 ne comprenait pas le versement de 600 000 francs effectué entre les mains du courtier, la cour d'appel, qui a dénaturé par omission la pièce n° 29, en ne prenant pas en considération le second courrier du 13 janvier 2000 (pièce n° 29-1), a violé l'article 1134 du code civil.

2°/ALORS, d'une part, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que les exposants ont invoqué un aveu judiciaire émanant des conclusions de la société Generali vie ; que, pour refuser de le prendre en compte, la cour d'appel a énoncé que cet aveu n'engage et n'est opposable qu'à l'assureur qui en est l'auteur ; qu'en refusant ainsi d'examiner cet élément de preuve, même s'il ne constituait pas un aveu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C200871
Retourner en haut de la page