Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 mai 2017, 15-23.541, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir obtenu le 15 novembre 2012 un crédit-relais de la Caisse de crédit mutuel de Bressuire (la banque) et consenti à cette dernière un ordre irrévocable de paiement sur le prix de vente de leur résidence principale, M. et Mme X... ont signé une promesse de vente sur l'immeuble, qui devait être réitérée par acte authentique le 26 février 2014 ; que M. X... a été mis en redressement judiciaire par un jugement du 29 janvier 2014, auquel la banque a formé tierce opposition le 20 février suivant ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 19 mars 2014 ;

Attendu que pour rejeter le recours de la banque, l'arrêt, après avoir retenu que, par l'effet dévolutif de l'appel, comme de la tierce opposition, la cour d'appel devait procéder à un réexamen complet de l'affaire et devait apprécier l'état de cessation des paiements au jour où elle statuait, en considération du passif exigible à cette date, relève que le passif définitif échu a été admis par ordonnance du 2 juillet 2014 à la somme de 264 658 euros et que l'actif disponible se limite au prix de vente de la maison pour un montant de 214 543, 10 euros, caractérisant ainsi l'état de cessation des paiements de M. X... ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que, saisis d'une tierce opposition au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, les juges ne peuvent, lorsque cette procédure a été avant qu'ils se prononcent convertie en liquidation judiciaire, prendre en compte, pour apprécier l'état de cessation des paiements, le passif qui n'a été rendu exigible, par application de l'article L. 643-1 du code de commerce que par l'effet de la conversion, la cour d'appel, qui n'a pas distingué entre le passif échu à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et celui rendu exigible par le prononcé de la liquidation judiciaire, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen ni sur le premier moyen auquel la Caisse de crédit mutuel de Bressuire a déclaré renoncer :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la société Frédéric Blanc, en qualité de liquidateur de M. X..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel de Bressuire

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. Charly X... était en état de cessation des paiements, dit que son passif provenait essentiellement de son activité professionnelle, jugé que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son profit était justifiée et débouté la caisse de Crédit Mutuel de Bressuire de sa tierce opposition ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE de par l'effet dévolutif de l'appel comme de la tierce opposition, la cour doit procéder à un réexamen complet de l'affaire et doit apprécier l'état de cessation des paiements au jour où elle statue, et apprécier le passif exigible en prenant en compte toutes les dettes exigibles à cette date ; que le passif définitif échu a été admis par ordonnance du 2 juillet 2014 à la somme de 264. 658 euros, que l'actif disponible se limite au prix de vente de la maison d'un montant de 214. 543, 10 euros, que l'état de cessation des paiements de M. X... est caractérisé ; qu'en conséquence, la caisse de Crédit Mutuel de Bressuire doit être déboutée de sa tierce opposition (arrêt attaqué p. 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. Charly X... a cessé son activité professionnelle ; que l'état des créances régulièrement établi par l'administrateur judiciaire fait ressortir un passif échu et admis à ce jour de 264. 658 euros ; que ce passif est supérieur au produit de la vente dont le montant est actuellement placé sous séquestre pour 214. 543, 10 euros ; que les créances ont majoritairement un caractère professionnel dont celle du CGO qui a assigné en redressement judiciaire ; qu'à la date de l'assignation et à celle de la tierce opposition, le produit de la vente du bien privé n'était pas un actif disponible ; qu'en tout état de cause, la vente de la maison aurait rendu exigibles les créances représentatives des prêts ayant servi à la financer et figurant dans le passif à échoir tant que l'acte de vente n'avait pas été régularisé ; que le jugement de redressement a été converti en liquidation judiciaire le 19 mars 2014, le tribunal constate que M. Charly X... était en état de cessation des paiements à la date d'ouverture du redressement judiciaire et l'est a fortiori de façon encore moins discutable à ce jour (jugement pp. 5-6) ;

ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 7 avril 2015, p. 16 al. 7), la caisse de Crédit Mutuel de Bressuire faisait valoir que les juges devaient rechercher l'existence d'un état de cessation des paiements de M. X... en se plaçant à la date du jugement d'ouverture du 29 janvier 2014, dans la mesure où, " sans jugement de redressement

judiciaire valable, il ne peut y avoir de conversion du redressement litigieux, non fondé légalement, en liquidation judiciaire " ; que si, pour apprécier l'état de cessation des paiements ayant donné lieu à l'ouverture, de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel doit en principe se placer au jour où elle statue et non à la date à laquelle les premiers juges ont décidé cette ouverture il en va autrement lorsque, dans l'intervalle, le débiteur n'est pas redevenu in bonis et que la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE pour apprécier l'état de cessation des paiements ayant donné lieu à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel doit en principe se placer au jour où elle statue et non à la date à laquelle les premiers juges ont décidé cette ouverture ; qu'il en va autrement lorsque, dans l'intervalle, le débiteur n'est pas redevenu in bonis et que la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire ; qu'en se plaçant à la date à laquelle elle statuait pour apprécier l'existence de la cessation des paiements de M. X..., quand la validité du jugement ayant converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire dépendait de la validité du jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;

ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 7 avril 2015, p. 17 al. 4 à 8 et p. 18 al. 1 et 2), la caisse de Crédit Mutuel de Bressuire faisait valoir que, dans l'analyse du passif de M. X..., la cour d'appel devait distinguer entre le passif antérieur au jugement convertissant la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et le passif postérieur à ce jugement ; que pour apprécier l'état de cessation des paiements, le passif exigible est le passif échu mais ne comprend pas celui qui n'est rendu exigible que par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, jugement qui a entraîné la déchéance du terme des créances nées avant lui ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00812
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