Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-18.526, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la société Energy Therm du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Jmgim, Thorgal et Gan assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mars 2016) et les productions, que se plaignant de dysfonctionnements affectant une installation de chauffage réalisée par la société Energy Therm, assurée auprès de la société Allianz IARD, les sociétés Jmgim et Thorgal, maîtres de l'ouvrage, ont, le 13 février 2009, assigné en référé cet entrepreneur et la société Ac design création, maître d'oeuvre, assurée auprès de la société Gan assurances, afin d'obtenir la désignation d'un expert ; qu'à leur demande, les opérations d'expertise, ordonnées le 11 mars 2009, ont, par ordonnances de référé des 12 mai 2010 et 21 juin 2010, été déclarées communes à la société Gan assurances puis à la société Allianz IARD ; que l'expert a déposé son rapport le 9 septembre 2010 ; que le 21 septembre 2012, les sociétés Jmgim et Thorgal ont assigné la société Energy Therm et M. X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ac design création, en indemnisation de leurs préjudices ; que, le 29 novembre 2012, la société Energy Therm a assigné en intervention forcée les sociétés Allianz IARD et Gan assurances ; que son assureur lui a opposé la prescription de son action en garantie par application de l'article L. 114-1 du code des assurances ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Energy Therm fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en garantie à l'encontre de la société Allianz IARD, alors, selon le moyen, que les polices d'assurance doivent rappeler les règles applicables à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurances ; qu'en relevant que la clause rapportant la prétendue transmission à l'assuré des conditions générales qui mentionnaient la prescription suffisait à rapporter la preuve de ce que l'assuré avait correctement été informé, quand un tel renvoi ne suffisait pas à établir la bonne information de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Energy Therm avait, en signant le contrat d'assurance, reconnu avoir eu communication des conditions générales de la police et relevé, par un motif non critiqué, que celles-ci comportent un paragraphe informant de façon précise et complète l'assuré sur le délai de prescription et ses causes d'interruption, la cour d'appel a exactement décidé que la société Allianz IARD avait rempli son obligation d'information prévue à l'article R. 112-1 du code des assurances ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société Energy Therm fait à l'arrêt le même grief, alors, selon le moyen :

1°/ que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance et quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ; qu'en relevant que l'action en garantie de la société Energy Therm, assuré, à l'encontre de la société Allianz IARD, assureur, était prescrite aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé depuis le dépôt du rapport d'expertise établi à la demande de la victime, à la suite d'une procédure de référé à laquelle l'assureur avait été appelé, bien qu'à la suite du dépôt de ce rapport, l'action de la victime avait épuisé son objet de sorte que l'assuré n'était plus confronté à une quelconque demande de la victime et que la prescription de l'action contre son assureur ne pouvait courir, un quelconque appel en garantie n'ayant plus d'objet, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

2°/ que la prescription d'une action ne saurait courir tant que cette action ne peut pas être exercée ; qu'en retenant qu'était prescrite l'action en garantie exercée par la société Energy Therm à l'encontre de la société Allianz IARD, son assureur, aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé depuis le dépôt du rapport d'expertise quand l'assureur avait été appelé à la procédure de référé avant l'expiration du délai de prescription courant à compter de la demande d'expertise, formée par la victime, qui avait ainsi épuisé son objet lors du dépôt du rapport, de sorte que l'assuré ne faisait l'objet d'aucune réclamation et qu'il lui était dès lors impossible d'agir à l'encontre de son assureur tant qu'il n'avait pas été assigné au fond par le tiers victime, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le point de départ de la prescription biennale était l'assignation en référé en vue de la désignation d'un expert, que la prescription, qui avait été interrompue par l'ordonnance de référé du 21 juin 2010 rendant communes à la société Allianz IARD les opérations d'expertise judiciaire, avait recommencé à courir à compter du 9 septembre 2010, date à laquelle l'expert avait déposé son rapport, et que la société Energy Therm n'avait assigné celle-ci en intervention que le 29 novembre 2012, sans avoir accompli d'actes interruptifs, a décidé à bon droit que son action en garantie était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa dernière branche :

Attendu que la société Energy Therm fait à l'arrêt le même grief, alors, selon le moyen, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère proportionné des conséquences de l'application d'une règle instituant prescription ; qu'en jugeant prescrite l'action en garantie exercée par la société Energy Therm à l'encontre de la société Allianz IARD, son assureur, aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé entre le dépôt du rapport d'expertise et l'assignation en garantie délivrée par l'assuré à l'assureur sans rechercher si, compte-tenu de ce que le tiers victime avait lui-même attendu plus de deux ans après le rapport d'expertise pour assigner en responsabilité l'assuré, l'application de la prescription biennale à l'encontre de l'assuré, qui n'avait pas les moyens d'agir dans le délai de prescription ayant couru à compter du dépôt du rapport d'expertise, faute de toute demande formée à son encontre, n'était pas disproportionnée eu égard aux conséquences et droits en présence, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

Mais attendu que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Energy Therm aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Energy Therm.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action en garantie exercée par la société Energy Therm à l'encontre de la société Allianz, son assureur ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Allianz Iard est l'assureur en responsabilité décennale de la société Energy Therm et sa garantie est à ce titre mobilisable ; qu'elle oppose à bon droit à la demande de condamnation formée à son encontre par les deux sociétés appelantes l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause appel, aucune demande n'ayant été formée contre elle en première instance ; qu'elle oppose à son assurée la prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurances ; que c'est vainement que la société Energy Therm invoque l'inopposabilité de la prescription biennale faute pour l'assureur de l'en avoir informée conformément aux dispositions de l'article R. 112-1 du Code des assurances, alors qu'en signant son contrat elle a reconnu avoir eu communication des conditions générales de la police, lesquelles comportent (en pages 42 et 43), un paragraphe 19. 2, précis et complet, qui satisfait à l'obligation d'information de l'assureur sur le délai de prescription et ses causes d'interruption ; que, selon l'article L. 114-1 du Code des assurances, lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ; qu'en l'espèce la société Energy Therm a été assignée en référé expertise par les sociétés JMGIM le 13 février 2009, date qui a fait courir le délai de prescription biennale de son action en garantie contre l'assureur ; que l'article L. 114-2 du même Code précise que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'expert à la suite d'un sinistre ; qu'il en résulte que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise, ordonnée par une précédente décision, a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; que l'ordonnance de référé ayant rendu communes à la société Allianz lard les opérations d'expertise précédemment ordonnées a été prononcée le 21 juin 2010, de sorte que la prescription biennale de l'action de son assurée qui était déjà partie aux opérations d'expertise s'est trouvée interrompue à cette date, par application de ce dernier texte ; que, cependant le rapport de l'expert a été déposé le 9 septembre 2010, date à laquelle le délai de prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurance a recommencé à courir, de sorte qu'il se trouvait expiré, faute d'autres actes interruptif de prescription, à la date à laquelle la société Energy Therm a appelé son assureur dans la cause, soit le 29 novembre 2012 ; que c'est vainement que l'assurée invoque une suspension de la prescription de la date du dépôt du rapport (9 septembre 2010) jusqu'à la date à laquelle elle a été assignée au fond par les maîtres de l'ouvrage (le 21 septembre 2012), dès lors que c'est l'assignation en référé délivrée par le tiers victime qui avait commencé à faire courir le délai de prescription biennale de son action en garantie contre son assureur, lequel délai ne s'est trouvé suspendu, par application de l'article 2239 du Code civil, que jusqu'au jour où la mesure d'instruction a été exécutée ; qu'il sera fait droit dès lors à la fin de non-recevoir que la société Allianz Iard oppose à son assurée ;

1°) ALORS QUE les polices d'assurance doivent rappeler les règles applicables à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurances ; qu'en relevant que la clause rapportant la prétendue transmission à l'assuré des conditions générales qui mentionnaient la prescription suffisait à rapporter la preuve de ce que l'assuré avait correctement été informé, quand un tel renvoi ne suffisait pas à établir la bonne information de l'assuré, la Cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du Code des assurances ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance et quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ; qu'en relevant que l'action en garantie de la société Energy Therm, assuré, à l'encontre de la société Allianz, assureur, était prescrite aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé depuis le dépôt du rapport d'expertise établi à la demande de la victime, à la suite d'une procédure de référé à laquelle l'assureur avait été appelé, bien qu'à la suite du dépôt de ce rapport, l'action de la victime avait épuisé son objet de sorte que l'assuré n'était plus confronté à une quelconque demande de la victime et que la prescription de l'action contre son assureur ne pouvait courir, un quelconque appel en garantie n'ayant plus d'objet, la Cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la prescription d'une action ne saurait courir tant que cette action ne peut pas être exercée ; qu'en retenant qu'était prescrite l'action en garantie exercée par la société Energy Therm à l'encontre de la société Allianz, son assureur, aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé depuis le dépôt du rapport d'expertise quand l'assureur avait été appelé à la procédure de référé avant l'expiration du délai de prescription courant à compter de la demande d'expertise, formée par la victime, qui avait ainsi épuisé son objet lors du dépôt du rapport, de sorte que l'assuré ne faisait l'objet d'aucune réclamation et qu'il lui était dès lors impossible d'agir à l'encontre de son assureur tant qu'il n'avait pas été assigné au fond par le tiers victime, la Cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, il appartient au juge d'apprécier le caractère proportionné des conséquences de l'application d'une règle instituant prescription ; qu'en jugeant prescrite l'action en garantie exercée par la société Energy Therm à l'encontre de la société Allianz, son assureur, aux motifs qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé entre le dépôt du rapport d'expertise et l'assignation en garantie délivrée par l'assuré à l'assureur sans rechercher si, compte-tenu de ce que le tiers victime avait lui-même attendu plus de deux ans après le rapport d'expertise pour assigner en responsabilité l'assuré, l'application de la prescription biennale à l'encontre de l'assuré, qui n'avait pas les moyens d'agir dans le délai de prescription ayant couru à compter du dépôt du rapport d'expertise, faute de toute demande formée à son encontre, n'était pas disproportionnée eu égard aux conséquences et droits en présence, la Cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2017:C200685
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