Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 mars 2017, 15-27.577, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [S] a été engagé le 28 juin 2010 par la société Syba réseaux (la société) ; qu'il a été en arrêt de travail pour maladie du 20 juin au 15 juillet 2012 puis du 21 juillet au 22 octobre 2012 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 18 décembre 2012 au motif de son absence injustifiée depuis le 24 octobre 2012 ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 4 juin 2013, M. [V] étant désigné en qualité de mandataire-liquidateur ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles R. 4624-22, R. 4624-23 du code du travail, en leur rédaction applicable au litige, et les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du même code ;

Attendu que l'employeur qui n'a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l'issue d'une absence pour maladie égale à la durée visée par l'article R. 4624-22 du code du travail peut seulement dans le cas d'un licenciement disciplinaire reprocher au salarié, dont le contrat de travail demeure suspendu, des manquements à l'obligation de loyauté ;

Attendu que pour dire le licenciement du salarié justifié par une faute grave, l'arrêt retient, d'une part que l'intéressé a repris son travail le 23 octobre 2012 ce qui a interrompu la suspension de son contrat de travail, d'autre part qu'il ne s'est plus présenté à son travail à compter du 24 octobre suivant et n'a donné aucune explication cohérente de son absence à son employeur malgré les relances de ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté le manquement de l'employeur à son obligation d'organiser la visite de reprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement pour faute grave fondé et déboute M. [S] de ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2012, l'arrêt rendu le 9 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [V] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Syba réseaux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-sept.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [I] [S].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé le licenciement de M. [S] justifié par une faute grave et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes y afférentes ;

Aux motifs que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée : "Par lettre du 11 décembre 2012, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, relatif à une éventuelle mesure de licenciement Vous n'avez pas répondu à cette convocation et ne vous êtes pas présenté à l'entretien. Vous ne vous êtes pas présenté à votre travail depuis le 24/10/2012 et nous avons été contraint, les 26/10/12, 12/11/12 et le 20/11/2012 de vous mettre en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de nous fournir un certificat conforme à la réglementation justifiant de votre absence, ou de reprendre le travail. Dans la lettre du 12/11/2012, nous vous prévenions également que, sans nouvelles de votre part ou sans justification de votre absence dans un délai de 48 heures, nous considérerions ladite absence comme injustifiée. Vous n'avez ni fourni de certificat médical justifiant votre absence, ni repris le travail, ni même donné suite à ces lettres. Vous êtes donc en situation d'absence injustifiée depuis le 24/10/2012. Cette situation perturbe le fonctionnement de l'entreprise, désorganise les chantiers et les équipes journalières, Ces agissements sont constitutifs d'une faute grave et rendent impossible votre maintien dans l'entreprise. En conséquence, votre licenciement prend effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Dès réception de cette lettre, vous pourrez vous présenter à nos bureaux pour percevoir votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi " ; que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la réalité et la gravité ; que l'absence injustifiée peut effectivement être constitutive d'une faute grave de par la perturbation du service qu'elle entraîne ; qu'en l'espèce, d'une part le salarié affirme qu'il s'est présenté sur son lieu de travail dès la fin de son arrêt de travail pour maladie, soit le 23 octobre 2012 ; or ce point n'est pas véritablement discuté par l'employeur puisque ce dernier demande à ce qu'il soit constaté que M. [S] a abandonné son poste à compter du 24 octobre 2012 "soit deux jours après avoir repris son poste" mais que le salarié affirme également que le jour de sa reprise, l'employeur ne lui a pas fourni de travail alors qu'il est resté 7 heures sur son lieu de travail à attendre, mais n'apporte aucun élément établissant cette situation ; qu'en revanche, il ne discute pas le fait qu'il ne se soit ensuite plus présenté sur son lieu de travail et même qu'il n'a donné aucune explication, sa seule manifestation étant sa lettre du 19 novembre 2012 dans laquelle il n'expose pas précisément les raisons de son absence ; que d'autre part, M. [S] fait valoir qu'en contravention avec l'article R. 4624-22 du code du travail aucune visite médicale de reprise n'a été organisée auprès de la médecine du travail après son arrêt de travail pour maladie qui a duré plus de plus de 30 jours et que la conséquence en est le maintien de la suspension du contrat de travail ; que néanmoins le salarié qui reprend le travail avant d'avoir fait l'objet d'une visite de reprise est soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur ; que dans ce cas, la suspension du contrat de travail est interrompue. En l'espèce M. [S] s'est présenté sur son lieu de travail (le 23 octobre 2012) et la suspension du contrat de travail s'est donc trouvée interrompue ; qu'il est relevé que cette absence de visite de reprise n'a à aucun moment été reprochée par le salarié à son employeur même lorsqu'il s'est manifesté dans le courrier du 19 novembre 2012 (…) ; que sur le motif du licenciement il est donc bien établi que M. [S], après avoir repris le travail le 23 octobre 2012, ne s'est plus manifesté et n'a donné aucune explication à son employeur malgré les relances de ce dernier, et même lorsque le salarié a écrit à son employeur il n'a donné aucune explication cohérente à son absence ; que dès lors, le jugement entrepris, en ce qu'il a constaté que le licenciement pour faute grave était justifié et débouté M. [S] de toutes ses demandes en lien avec un licenciement abusif, sera confirmé ;

Alors 1°) que lorsqu'au terme de l'arrêt de travail pour maladie, le salarié manifeste la volonté de reprendre le travail, l'employeur qui n'a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l'issue d'une absence égale à la durée visée par l'article R. 4624-21 du code du travail peut seulement, dans le cas d'un licenciement disciplinaire, reprocher au salarié dont le contrat de travail demeure suspendu, des manquements à l'obligation de loyauté ; qu'en jugeant que le licenciement de M. [S] en raison de ses absences injustifiées à compter du 25 octobre 2012 était justifié par une faute grave, après avoir pourtant constaté qu'il s'était auparavant présenté dans l'entreprise le 23 octobre 2012, au terme de son arrêt de travail pour maladie de plus de trente jours et que la société Syba Réseaux n'avait jamais organisé de visite médicale de reprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que l'employeur ne pouvait, au titre du licenciement disciplinaire, reprocher au salarié, dont le contrat de travail était demeuré suspendu, des absences injustifiées, a violé les articles R. 4624-21, R. 4624-22, R. 4624-23 du code du travail ensemble, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Alors 2°) que seule l'organisation, par l'employeur, de la visite médicale de reprise, met un terme à la suspension du contrat de travail du salarié pour maladie ; qu'en jugeant que la suspension du contrat de travail de M. [S] aurait été « interrompue » du seul fait qu'il s'était présenté sur son lieu de travail le 23 octobre 2012, au terme de son arrêt de travail pour maladie et ce, malgré l'absence d'organisation par l'employeur de la visite médicale de reprise, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles R. 4624-21, R. 4624-22, R. 4624-23 du code du travail ensemble, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Alors 3°) et subsidiairement, que pour apprécier le degré de gravité de la faute commise, le juge doit tenir compte, non seulement de la nature du manquement du salarié à ses obligations contractuelles, mais également des circonstances entourant la commission des faits et notamment les manquements de l'employeur à ses propres obligations ; qu'en retenant la faute grave à l'encontre de M. [S] au seul motif qu'il était demeuré, à compter du 25 octobre 2012, en absence injustifiée malgré les mises en demeure de l'employeur de s'en expliquer, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération le propre manquement de l'employeur à son obligation d'organiser la visite médicale de reprise lorsque le salarié avait manifesté, deux jours plus tôt, la volonté claire et non équivoque de reprendre son poste au terme de son arrêt de travail pour maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts du fait de la délivrance, par l'employeur, d'une attestation Assedic comportant des mentions erronées ;

Aux motifs que M. [S] réclame une indemnité pour 61 jours de congés payés non pris ; que le bulletin de salaire de décembre 2012 porte effectivement cette indication mais aucune indemnité ne lui a été versée à ce titre ; qu'il sera fait droit à sa demande ; qu'en revanche, à défaut d'établir un préjudice particulier résultant de l'attestation Assedic non conforme pour ne pas avoir mentionné ce nombre de jours de congés payés, M. [S] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement ;

Alors que le défaut de remise ou la remise tardive au salarié des documents nécessaires à la détermination exacte de ses droits entraîne nécessairement un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond ; qu'en déboutant M. [S] de sa demande au motif qu'il ne démontrait pas le préjudice particulier résultant de la délivrance d'une attestation Pôle Emploi non conforme, quand le caractère erroné des mentions y figurant causait nécessairement un préjudice au salarié qu'elle était tenue de réparer, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2017:SO00513
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