Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 mars 2017, 16-13.337, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL [F] (l'EURL), assurée auprès de la société Swisslife assurances de biens (l'assureur), a déposé plainte pour le vol de l'un de ses véhicules ; que l'assureur ayant refusé sa garantie après avoir fait procéder par un expert mandaté par lui, la société Auto expertises des volcans, à un examen technique de ce véhicule, retrouvé incendié, l'EURL a fait diligenter par un autre expert, le Cabinet [L] [T], une expertise amiable contradictoire, puis, l'assureur ayant réitéré son refus de garantie, l'a assigné afin d'obtenir sa condamnation à prendre en charge le sinistre ;

Attendu que pour débouter l'EURL de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que les conditions d'exclusion de la garantie sont démontrées dès lors que l'expert mandaté par l'assureur a constaté, lors de son examen du véhicule, la présence d'une clé dans l'antivol qu'il a immédiatement prélevée et dont l'examen par la cour d'appel a permis à celle-ci de constater qu'elle « pouvait s'enficher dans le barillet du neiman..., ainsi que les photographies versées aux débats le corroborent », que « s'il est possible de s'étonner de ce prélèvement réalisé hors la présence de l'EURL mais...avec prise de photographies datées dans la masse et portant le jour de l'examen..., il n'en demeure pas moins un élément essentiel qui n'a pas été pris en compte dans le second examen technique réalisé par M. [T] », lequel « n'a visiblement pas examiné cette clé alors qu'il en connaissait l'existence et devait en comprendre l'importance », et que, « même si l'avis technique de M. [T] est plus complet..., il n'en demeure pas moins que la question de la présence de la clé dans le véhicule lors de l'éventuel vol n'a pas été sérieusement analysée » par lui ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties et qui n'est corroborée par aucun autre élément de preuve, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Swisslife assurances de biens aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société [F].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'Eurl [F] de l'ensemble de ses demandes,

AUX MOTIFS QU'« il résulte du contrat d'assurance en son article 6 que la garantie de l'assureur n'est pas acquise à l'assuré dès lors que les clés sont sur ou dans le véhicule au moment du vol ; qu'en l'espèce, l'Eurl [F] a déclaré le vol de son véhicule auprès de la gendarmerie de [Localité 2] (63) en fixant la date de l'infraction, entre le 15 et le 17 décembre 2012 à 5 heures, au numéro [Adresse 2], sur la commune des [Localité 1] ; que la gendarmerie a établi, le 17 décembre 2012, à 8 heures 55 minutes, un procès-verbal de constatation succinct qui émet l'hypothèse d'une entrée des voleurs par le portail d'entrée qui a été démonté, enfin, l'absence de débris de verre dans la cour est relevé ; que le 20 décembre 2012, à 14 heures 15, les gendarmes découvrent le véhicule complètement calciné dans un chemin ; que la seule mention portée au procèsverbal est que l'on a retrouvé la plaque d'immatriculation et que le véhicule est dépourvu de ces 4 pneus, aucune autre constatation concernant la camionnette n'étant relatée ; que l'assurance va faire intervenir la Sarl Auto Expertises des Volcans, dont le dirigeant est visiblement M. [Y], qui conclura notamment à l'effraction du barillet de la porte latérale droite et à la présence de la clé dans l'antivol du véhicule lors de l'examen technique réalisé le 27 décembre 2012, en présence du garagiste, M. [G], chez qui la camionnette avait été évacuée par les gendarmes ; que cette clé a été immédiatement prélevée et déposée au greffe de la cour d'appel à la disposition des parties ; qu'à cet égard, il convient d'indiquer que la cour a examiné cette clé qui correspond à une clé pouvant s'enficher dans le barillet du neiman de la camionnette objet du litige, ainsi que les photographies versées aux débats le corroborent ; que le fait que l'examen ait pu être réalisé par un tiers ne permet pas de disqualifier cet avis ; que s'il est possible de s'étonner de ce prélèvement réalisé hors de la présence de l'Eurl [F], mais en présence de M. [G] et avec prise de photographies datées dans la masse et portant le jour de l'examen, à savoir le 27 décembre 2012, il n'en demeure pas moins un élément essentiel qui n'a pas été pris en compte dans le second examen technique réalisé par M. [T] ; qu'en effet, ce dernier n'a visiblement pas examiné cette clé alors qu'il en connaissait l'existence et devait en comprendre l'importance ; qu'il s'est contenté de constater qu'il n'y avait pas de clé ou de débris de clé dans le neiman qui est très fortement endommagé ; que même si l'avis technique de M. [T] est plus complet, s'il a cherché à établir le contradictoire des parties en expédiant une lettre recommandée à l'assureur le 28 février 2013, il demeure que la question de la présence de la clé dans le véhicule lors de l'éventuel vol n'a pas été sérieusement analysée ; qu'il aurait été extrêmement simple pour l'Eurl [F] d'établir qu'elle n'avait pas fait une fausse déclaration en fournissant les ou la clé à l'assureur et, à tout le moins, au premier juge voire à la cour ; que l'Eurl [F] ne produit pas cet élément pourtant primordial, pas plus qu'elle ne s'explique réellement à ce sujet » ;

ALORS, d'une part, QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur le rapport établi à la suite d'une expertise réalisée de manière non contradictoire à la demande d de l'assureur ; qu'en se fondant exclusivement sur le rapport établi par la Sarl Auto Expertises des Volcans, après avoir pourtant constaté que les opérations avaient été menées hors la présence de l'Eurl [F], la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble celle de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, d'autre part, QU'il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que les conditions d'exclusion de la garantie sont réunies ; qu'en reprochant à l'Eurl [F] de ne pas avoir produit la ou les clés de la camionnette afin d'établir qu'il n'avait pas fait une fausse déclaration à l'assureur, quand il incombait à la société Swisslife de rapporter la preuve que la clé se trouvait effectivement dans le véhicule au moment du vol, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;ECLI:FR:CCASS:2017:C200246
Retourner en haut de la page