Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 novembre 2015, 14-16.750, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la SCI HK immobilier (la SCI) que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Véolia eau-Compagnie générale des eaux ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, qui est préalable :

Vu l'article R. 661-6, 1°, du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Véolia eau, devenue la société Véolia eau-Compagnie générale des eaux (la société Véolia), a obtenu en référé, par ordonnance du 12 mai 2011, confirmée par arrêt du 6 novembre 2012, la condamnation de la SCI à lui payer une certaine somme au titre de factures d'eau ; que, sur assignation de la société Véolia, le 26 septembre 2013, la SCI a été mise en liquidation judiciaire, la Selafa Mandataires judiciaires associés étant désignée liquidateur ; que, le 7 octobre 2013, un appel a été formé au nom de la « SCI HK immobilier ès qualités de mandataire liquidateur de la Selafa MJA en la personne de Me X... », la société MJA n'étant pas intimée en qualité de liquidateur, avant que, le 4 novembre suivant, la SCI ne forme un second appel tendant à régulariser le premier ;
Attendu que pour déclarer régulier et recevable l'appel relevé le 7 octobre 2013 par la SCI contre le jugement ouvrant sa liquidation judiciaire, l'arrêt retient que l'erreur dans la détermination de l'appelant dans ce premier acte d'appel n'est pas de nature à compromettre la régularité de son appel, par ailleurs, corrigée dans un second acte du 4 novembre 2013 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le second appel, formé par la SCI afin de régulariser le premier en ce qu'il avait omis d'intimer le liquidateur, l'avait été dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois incident et principal :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Véolia eau-Compagnie générale des eaux et la Selafa Mandataires judiciaires associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI HK immobilier, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la SCI HK immobilier

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'état de cessation des paiements de la SCI HK IMMOBILIER et ouvert, en conséquence, à son encontre une procédure de liquidation judiciaire ;

AUX MOTIFS QUE la créance invoquée par la SCA VEOLIA EAUCGE est certaine, liquide et exigible dès lors qu'une condamnation au paiement de la somme a été prononcée par ordonnance de référé du 12 mai 2011, confirmée par un arrêt du 6 novembre 2012, décision définitive ; que la SCI HK IMMOBILIER dénie l'état de cessation des paiements en alignant en face de ladite créance d'un montant de 13 944, 17 euros, un chèque de banque de 14 000 euros ; qu'elle ne peut donc sérieusement soutenir que la somme n'est pas due ; que la cour observe d'ailleurs que si la SCA VEOLIA EAU-CGE apparaît bien être propriétaire d'un bien immobilier, non seulement celui-ci ne constitue pas un actif disponible mais il a été acquis au terme d'un emprunt toujours en cours d'exécution et qui vient en déduction de sa valeur et en accroissement du passif, la cour, comme le mandataire, ne disposant pas d'éléments certains pour se prononcer sur ce point au regard de l'absence persistante de données fournies par la gérante de l'entreprise, pourtant avertie des conséquences personnelles de son attitude à l'égard des organes de la procédure ; qu'elle note enfin qu'il n'a pas été sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement attaqué ;

1°/ ALORS QUE seul le créancier titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible est recevable et fondé à solliciter à l'encontre de son débiteur l'ouverture d'une procédure collective en redressement ou en liquidation judiciaire, pour cause de cessation de paiement ; que pour déclarer la SCA VEOLIA EAU-CGE titulaire d'une créance de cette nature sur la SCI HK IMMOBILIER, la cour d'appel s'est fondée sur la condamnation provisionnelle prononcée à son profit par une simple ordonnance de référé confirmée en appel et devenue définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations tirées de ce que cette condamnation seulement provisionnelle conférait un caractère litigieux et non certain à la créance invoquée par la SCA VEOLIA EAU-CGE à l'encontre de la SCI HK IMMOBILIER, ne pouvant être prise en compte dans le passif exigible, au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;

2°/ ALORS QUE la cessation des paiements est distincte du refus délibéré opposé par le débiteur de désintéresser le créancier et caractérisé par l'engagement d'une action en justice en contestation de la validité et le bienfondé de la créance, conférant à celle-ci un caractère litigieux de nature à mettre obstacle à toute demande d'ouverture d'une procédure collective de liquidation judiciaire ; que, dans ses conclusions d'appel, la SCI HK IMMOBILIER avait fait valoir que la créance alléguée par la SCA VEOLIA EAU-CGE n'était pas due, contestant ainsi le non-paiement de factures d'eau impayées ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'existence et la portée juridique de ce refus, la cour d'appel a privé de base légale sa décision de déclarer certaine la créance de la SCA VEOLIA EAU-CGE et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire pour cause de cessation des paiements, au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;

3°/ ALORS QUE la cessation des paiements caractérisée par un actif disponible inférieur au passif exigible doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'en affirmant que la SCI HK IMMOBILIER, par la production de son chèque de banque de 14 000 euros, d'un montant légèrement supérieur au montant de la créance invoquée par la SCA VEOLIA EAU-CGE, ne pouvait sérieusement contester cette créance, la cour d'appel qui a ainsi mis à la charge de la SCI HK IMMOBILIER la preuve de ce qu'elle disposait d'un actif disponible supérieur au passif exigible a renversé le fardeau de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 640-1 du code de commerce ;

4°/ ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, la SCI HK IMMOBILIER avait fait valoir que la SCA VEOLIA EAU-CGE avait défailli dans l'administration de la preuve qui lui incombait de son absence d'actif disponible supérieur au passif exigible, par la production d'un chèque de banque d'un montant excédant légèrement le montant de la créance litigieuse de celle-ci ; qu'en affirmant que du fait de cette production, la SCI HK IMMOBILIER ne pouvait donc sérieusement contester son obligation au paiement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, faute de reconnaissance expressément formulée par la SCI HK IMMOBILIER du bienfondé de la créance de la SCA VEOLIA EAU-CGE, au contraire, clairement contesté, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QUE la demande d'arrêt de l'exécution provisoire d'une décision de condamnation constitue une faculté et non une obligation ; qu'en opposant à la SCI HK IMMOBILIER son défaut de demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard de l'article L. 640-1 du code de commerce ;

6°/ ALORS QUE l'état de cessation des paiements requis pour l'ouverture d'une procédure collective doit être caractérisé par le constat d'un actif disponible inférieur au passif exigible ; qu'en se bornant à faire état du montant de la créance de la SCA VEOLIA EAU-CGE, tout en constatant de surcroît la production par la SCI HK IMMOBILIER d'un chèque de banque d'un montant supérieur, la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la SCI HK IMMOBILIER, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce.

Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Véolia eau-Compagnie générale des eaux

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré régulier et recevable l'appel interjeté le 7 octobre 2013 au nom de la « SCI HK IMMOBILIER ès qualité de " mandataire liquidateur " de la SELAFA MJA, en la personne de Maître Denis X... » à l'encontre du jugement du 26 septembre 2013 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la SCI HK IMMOBILIER.

AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de l'appel. La Cour considère que " l'erreur dans la détermination de l'appelant " n'est pas de nature à compromettre la régularité de l'appel, par ailleurs corrigée dans un second acte » (arrêt attaqué, p. 7, § 7).

1. ALORS QU'en cas d'appel formé contre un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire, les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés à peine d'irrecevabilité ; qu'en l'espèce, il est acquis que, sur l'appel interjeté le 7 octobre 2013, au nom de la « SCI HK IMMOBILIER ès qualité de " mandataire liquidateur " de la SELAFA MJA, en la personne de Maître Denis X... » et à l'encontre du jugement du 26 septembre 2013 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la SCI HK IMMOBILIER, seule la société VEOLIA EAU-CGE a été intimée, et non la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société débitrice ; qu'en retenant néanmoins que l'appel du 7 octobre 2013 était recevable aux motifs que « " l'erreur dans la détermination de l'appelant " n'est pas de nature à compromettre la régularité de l'appel », la Cour d'appel a violé l'article R. 661-6 du Code de commerce.

2. ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la SCA VÉOLIA EAU-CGE soutenait que l'appel interjeté le 7 octobre 2013, au nom de la « SCI HK IMMOBILIER ès qualité de " mandataire liquidateur " de la SELAFA MJA, en la personne de Maître Denis X... » et à l'encontre du jugement du 26 septembre 2013 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de la SCI HK IMMOBILIER, devait être déclaré irrecevable car formé sans avoir intimé le liquidateur ; qu'en retenant néanmoins que cet appel était recevable aux motifs que « " l'erreur dans la détermination de l'appelant " n'est pas de nature à compromettre la régularité de l'appel », sans répondre au moyen déterminant pris de la circonstance que la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI HK IMMOBILIER, n'avait pas été intimée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

3. ALORS QU'en cas d'appel formé contre un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire, les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés à peine d'irrecevabilité ; que l'irrégularité susceptible d'entraîner l'irrecevabilité de l'appel ne peut être régularisée valablement que si cette régularisation intervient dans le délai d'appel ; qu'en retenant néanmoins que l'appel formé par la SCI HK IMMOBILIER était recevable aux motifs que « " l'erreur dans la détermination de l'appelant " n'est pas de nature à compromettre la régularité de l'appel, par ailleurs corrigée dans un second acte » sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le deuxième appel aux fins de réparer les irrégularités du premier l'avait été dans le délai de régularisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 661-6 du Code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00936
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