Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 octobre 2015, 14-20.416, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2014), que la société Idées du monde, qui exploite un domaine où elle propose des séjours, a confié à la société Smart & Co une mission de recherche de clients par contrat du 10 décembre 2008 ; que, le 26 novembre 2009, la société Smart & Co a résilié ce contrat en faisant état de plaintes de clients et a confirmé cette résiliation le 28 décembre 2009 ; que la société Idées du monde l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Idées du monde fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Smart & Co alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 9 du contrat de partenariat stipulait qu'en cas de non-respect par l'une des parties de ses obligations au titre du contrat-cadre et/ou des conditions particulières, dans les 15 jours ouvrés suivant l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, restée sans effet, l'autre partie pourrait résilier de plein droit les conditions particulières ; qu'en jugeant que des manquements graves et réitérés de la société Idées du monde de nature à porter atteinte à l'image de la société Smart & Co justifiaient la résiliation du contrat sans préavis, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

2°/ qu'à supposer les manquements allégués avérés, en s'abstenant de rechercher si la société Idées du monde aurait pu y remédier dans les quinze jours d'une mise en demeure, évitant ainsi la résiliation du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;

Mais attendu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle ; que l'arrêt constate que l'article 3.6 du contrat stipule que la qualité est un élément déterminant de l'engagement des parties et que la lettre de résiliation du 26 novembre 2009 vise notamment le manque d'accueil, les lacunes affectant les sanitaires, la saleté et le manque de coopération pour l'amélioration des prestations ; qu'il relève que, préalablement à cette résiliation, la société Smart & Co avait reçu des plaintes de clients mécontents pour des motifs récurrents de réservation non prise en compte, de personnel désagréable, de chambres et sanitaires non chauffés et sales, certains clients mentionnant en outre des câbles et fils électriques traînant sans protection ou l'absence d'eau chaude; que l'arrêt retient que ces éléments démontrent que la société Idées du monde a gravement manqué à la qualité élémentaire de ses prestations et que ces manquements graves et réitérés justifient la résiliation du contrat sans préavis ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Idées du monde aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Smart & Co ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Idées du monde

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la résiliation du contrat de partenariat était fondée, d'avoir condamné la société Idées du monde à payer à la société Smart&co la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir débouté la société Idées du monde de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la société Idées du monde, qui exploite le « Nomade-Lodge », un domaine situé en Seine-et-Marne, à l'orée de la forêt, autour d'une ferme rénovée, propose des séjours pittoresques sous des yourtes traditionnelles, dans des chambres d'hôtes et dans un gîte ; que la société Smart&co fait partie du groupe Smartbox qui développe depuis 2003 des coffrets cadeaux donnant à leurs bénéficiaires l'accès à une sélection de prestation de services ; qu'elle a mis sur le marché un coffret « séjour pittoresque » proposant une nuit avec petit-déjeuner pour 2 personnes dans un établissement authentique ou insolite parmi 582 destinations au choix ;
que par contrat-cadre de partenariat signé le 10 décembre 2008, faisant suite à un premier contrat du 20 juin 2008, la société Idées du monde a confié à la société Smart&co une mission de recherche de clients, son activité d'apporteur d'affaires reposant sur l'émission de chèques cadeaux ; qu'en vertu des conditions particulières signées le même jour et valables jusqu'au 31 mars 2011, la société Idées du monde fournissait deux offres dans la catégorie séjours pittoresques : une nuit sous la yourte pour 2 personnes avec petit déjeuner et une nuit en chambre d'hôtes pour 2 personnes avec petit déjeuner ; que cette offre était vendue au prix public de 69,90 euros TTC sur lequel la société Smart&co prélevait un montant de 20,97euros TTC, la société Idées du monde percevant 48,93 TTC sur chaque coffret ; que par lettre recommandée du 26 novembre 2009 avec avis de réception, la société Smart&co, faisant état de 17 plaintes de clients reçues par ses services depuis juin 2008 et reprochant à la société Idées du monde des manquements à ses obligations contractuelles ainsi que son refus de coopérer en vue d'une amélioration de ses prestations a notifié à cette société la résiliation du contrat, prenant effet 15 jours après la réception de la lettre ; que dans sa réponse du 7 novembre 2009, la société Idées du monde a contesté la résiliation du contrat en objectant qu'aucune mise en demeure préalable d'avoir à respecter ses obligations ne lui avait été adressée et en déniant tous les manquements contractuels qui lui étaient imputés ; que le 28 décembre 2009, la société Smart&co a confirmé la résiliation du contrat à la date du 22 décembre 2009 eu égard à la réception d'une nouvelle plainte d'un client mécontent le 7 décembre 2009 et au fait que la société Idées du monde n'avait jamais envisagé d'améliorer la qualité de ses prestations ; que c'est à la suite de ces circonstances que la société Idées du monde a saisi le tribunal de commerce de Paris pour voir constater le caractère abusif de la résiliation du contrat et obtenir réparation du préjudice en résultant ; que par le jugement déféré, la société Smart&co a été condamnée à lui payer la somme de 24.000 euros, à titre de dommages-intérêts, et celle de 6.899,13 euros pour les séjours postérieurs à la résiliation ; qu'il convient de relever qu'à l'article 3.6 du contrat de partenariat, il est précisé que la qualité est un élément déterminant de l'engagement des parties, la société Smart&co étant autorisée à tester gratuitement une fois par an les prestations et des tests téléphoniques pouvant être réalisés pour juger de la qualité de l'accueil et des disponibilités ; qu'il est prévu à l'article 10 que le partenaire s'engage, pendant toute la durée de sa relation contractuelle avec la société Smart&co, à s'abstenir de toute relation commerciale avec les sociétés développant des produits similaires aux Smartbox, notamment avec Wonderbox ; que l'article 9 du contrat de partenariat stipule en cas de non-respect par une des parties de leurs obligations au titre du contrat-cadre et/ou des conditions particulières, dans les 15 jours suivant ouvrés suivant l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, restée sans effet, l'autre partie pourra résilier de plein droit les conditions particulières ; que dans sa lettre du 26 novembre 2009, la société Smartbox a résilié le contrat en visant les manquements reprochés à la société Idées du monde, notamment le manque d'accueil, des lacunes au niveau des sanitaires, la saleté constatée et le manque de coopération pour l'amélioration des prestations, sans mettre en demeure préalablement sa cocontractante d'y remédier ; que la qualité des prestations était un élément déterminant pour les parties ; qu'avant de résilier le contrat, la société Smartbox avait reçu 18 plaintes de clients mécontents pour des motifs récurrents : réservation non prise en compte, personnel froid voire désagréable, chambres non chauffées, chambres et sanitaires sales ; qu'ainsi l'une des clientes, Mme X... a indiqué dans sa plainte du 27 avril 2009 : « accueil inexistant, petit déjeuner au son de la perceuse, travaux dans la salle à manger, le propriétaire dit clairement que la Smartbox n'est pas rentable pour lui » ; qu'un autre client, M. Y..., a précisé dans sa plainte du 28 avril 2009 : « accueil très sec, pas de bonjour, pas de présentation, aucune convivialité¿ le propriétaire du lieu occupe le canapé devant la télé dans le salon réservé aux clients, les yourtes demandent plusieurs définitions au niveau électricité, les câbles des fils qui traînent sans aucune protection¿ » ; que M. Z... dans sa plainte du 11 mai 2009, a dénoncé la froideur de l'accueil, la saleté des chambres et sanitaires et le partenaire, très désagréable avec les clients, qui se plaint des commissions pratiquées ; que M. A..., dans sa plainte du 7 octobre 2009 a dénoncé « un accueil très froid, une salle de bains sale et l'absence d'eau chaude » ; que par e-mail du 8 octobre 2009, Mme B... a fait part à la société Smartbox de son vif mécontentement relatif à son séjour du 3 au 4 octobre 2009, en soulignant l'absence d'accueil, le fait que la chambre, dépourvue de clé, n'était pas chauffée, et la saleté de la salle de bains ; que ces éléments suffisent à démontrer qu'en 2009, la société Idées du monde a gravement manqué à la qualité élémentaire de ses prestations, sans pouvoir utilement invoquer la simplicité inhérente à « l'art de vivre des populations mongoles » ; que les mauvaises conditions d'accueil du client et la saleté des lieux d'hébergement constituent des manquements graves et réitérés, de nature à porter atteinte à l'image de la Smartbox, qui ont justifié la résiliation du contrat sans préavis le 26 novembre 2009 ; que la rubrique du guide Le Petit Futé sur Internet est suivie d'avis défavorables d'internautes ; que les appréciations élogieuses émises postérieurement par des internautes en 2011 sont sans incidence sur le litige ; que de surcroît, la société Idées du monde n'a pas respecté la clause d'exclusivité ; qu'elle déclare elle-même que sa relation d'affaires avec Wonderbox était antérieure à la signature du contrat avec la société Smart&co ; que c'est en vain qu'elle allègue que la présence de Wonderbox dans la liste des concurrents énumérés dans ce contrat résulterait d'une erreur de plume, laquelle n'est aucunement démontrée, et qu'elle n'aurait pas été mise en demeure de ce chef, un tel acte nécessitant la connaissance préalable de la violation par la société Smart&co, ce qui n'était pas le cas ; qu'en conséquence la société Idées du monde doit être déboutée de ses demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts pour résiliation fautive du contrat ; sur la demande en paiement des nuitées postérieures à la résiliation du contrat, que la société Smart&co ne conteste pas devoir la somme de 6.899,13 euros réclamée, correspondant à des séjours consécutifs à la vente de 141 coffrets cadeaux ;

1° ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 9 du contrat de partenariat stipulait qu'en cas de non-respect par l'une des parties de ses obligations au titre du contrat-cadre et/ou des conditions particulières, dans les 15 jours ouvrés suivant l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, restée sans effet, l'autre partie pourrait résilier de plein droit les conditions particulières ; qu'en jugeant que des manquements graves et réitérés de la société Idées du monde de nature à porter atteinte à l'image de la Smartbox justifiaient la résiliation du contrat sans préavis, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

2°) ALORS QU' à supposer les manquements allégués avérés, en s'abstenant de rechercher si la société Idées du monde aurait pu y remédier dans les 15 jours d'une mise en demeure, évitant ainsi la résiliation du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00899
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