Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 février 2014, 12-26.208, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 mai 2012), que, le 26 juin 2007, la société civile immobilière Les Hauts de la voie verte (la SCI) a donné à bail à la société Karugel un local commercial étant stipulé que les installations faites par le preneur resteraient à la fin du bail la propriété du bailleur sans indemnité de sa part ; que la société Distrigel ayant été mise en redressement judiciaire le 6 octobre 2009, la procédure a été étendue à la société Karugel le 12 janvier suivant ; que, le 2 mars 2010, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que, dans l'intervalle, le 14 décembre 2009, la société Forclim, créancière de la société Karugel, avait obtenu du juge de l'exécution une ordonnance faisant injonction à celle-ci d'avoir à lui délivrer certaines installations réalisées par elle dans les lieux loués ; que, par ordonnance du 30 avril 2010, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques « des objets mobiliers matériels, véhicules, stocks et tous autres biens éventuels appartenant à la société Distrigel/Karugel » et désigné M. Y... commissaire-priseur (le commissaire-priseur) ; qu'en mai 2010, la SCI a fait assigner le liquidateur, les sociétés Karugel et Forclim et le commissaire-priseur devant le juge de l'exécution aux fins de voir cantonner cette vente aux biens figurant dans la liste dressée par le commissaire-priseur le 5 mai 2010 ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; que la vente aux enchères forcée des biens d'un débiteur constitue une mesure d'exécution forcée ; qu'en retenant néanmoins, pour dire irrecevable la demande de cantonnement de la vente aux enchères forcée ordonnée par le juge-commissaire, que ladite vente ne constituait pas la mise en oeuvre d'une voie d'exécution mais une opération de liquidation judiciaire ne relevant pas de la compétence du juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions déterminantes par lesquelles la SCI, laquelle faisait valoir que le juge de l'exécution ne pouvait décliner sa compétence par la seule considération qu'était en cause une ordonnance rendue par le juge-commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Karugel dès lors que le litige porté devant le juge de l'exécution était sans rapport avec la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit, d'abord, que la vente aux enchères publiques ordonnée par le juge-commissaire ne constitue pas une mesure d'exécution forcée dont les contestations relèvent de la compétence du juge de l'exécution, mais une opération de liquidation des biens du débiteur, prise en application de l'article L. 642-19 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, ensuite, que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire prises en application de ce texte, devaient être formées conformément à l'article R. 642-37-3 du même code, la cour d'appel, répondant nécessairement aux conclusions prétendument délaissées, a retenu qu'un tel recours n'avait pas été exercé contre l'ordonnance litigieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Les Hauts de la voie verte aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Les Hauts de la voie verte

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré société Les Hauts de la Voie Verte irrecevable en toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour approuve que le premier juge a dit qu'il n'était pas compétent pour statuer sur l'opposition à saisie-appréhension des biens du débiteur (locataire) par le bailleur ; qu'en effet, ainsi que l'a jugé le premier juge, il résulte de l'article 152 du décret du 31 juillet 1992 que toutes les demandes relatives à la restitution du bien relèvent de la compétence exclusive du juge du fond qui peut être saisi par le créancier, le débiteur, voire un tiers ; qu'aucun recours n'est prévu devant le juge de l'exécution à l'encontre d'une ordonnance de saisie-appréhension, étant rappelé que l'opposition du débiteur n'entraîne pas la saisine du juge de l'exécution, mais impose au créancier de saisir le juge du fond, par application de l'article 152 du décret du 31 juillet 1992 ; qu'à cet égard l'article 151 du décret nº 92-755 du 31 juillet 1992, s'il impose que l'opposition soit faite devant le juge de l'exécution auteur de l'injonction, ne à signifie pas pour autant que ce soit le juge de l'exécution qui est compétent pour connaître de l'opposition ; qu'en effet, l'opposition ne saisit en réalité aucune juridiction, elle a seulement pour effet de bloquer le processus de saisie-appréhension qui venait d'être amorcé par l'obtention d'un titre susceptible de devenir exécutoire ; qu'en application de l'article 152, c'est la juridiction du fond compétente pour statuer sur la restitution du bien qui doit être saisie ; que Karugel ayant fait l'objet, par un jugement en date du 12 janvier 2010, d'une procédure en redressement judiciaire, Forclim a saisi les organes de la procédure de sa demande en revendication ; que c'est encore à bon droit que le premier juge a dit qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la demande par le bailleur de cantonnement de la vente aux enchères ordonnée par le liquidateur du débiteur (locataire) ; qu'en effet, ainsi que l'a jugé le premier juge, le juge de l'exécution n'est compétent que pour connaître des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ; qu'or la vente aux enchères ordonnée par le juge commissaire ne constitue pas la mise en oeuvre d'une voie d'exécution, mais une opération de liquidation de la société Karugel prise en application de l'article L. 642-19 du code de commerce ; qu'or, le recours contre les ordonnances du juge commissaire prises en application de l'article L. 642-9 doit être formé devant la cour d'appel, conformément à l'article R. 642-237 du code de commerce ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la SCI s'étant abstenue de tout recours des ordonnances du juge commissaire et notamment celle décidant la vente aux enchères ; que le jugement sera donc pleinement confirmé (arrêt, p. 6, §§ 9 à 14, p. 7, § 1) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SCI Les Hauts de la Voie Verte demande une modification de l'ordonnance de saisie-appréhension du 14 décembre 2009, rendue par le juge de l'exécution à la requête de la société Forclim, au préjudice de la société Karugel ; qu'il résulte de l'article 152 du décret du 31 juillet 1992 que toutes les demandes relatives à la restitution du bien relèvent de la compétence exclusive du juge du fond qui peut être saisi par le créancier, le débiteur, voire un tiers ; qu'aucun recours n'est prévu devant le juge de l'exécution à l'encontre d'une ordonnance de saisie-appréhension, étant rappelé que l'opposition du débiteur n'entraîne pas la saisine du juge de l'exécution, mais impose au créancier de saisir le juge du fond, par application de l'article 152 susvisé ; qu'en l'espèce, la saisine par de la SCI Les Hauts de la Voie verte, tiers à l'ordonnance aux fins de saisie-appréhension, s'analyse non pas en une exception d'incompétence mais en une fin de non-recevoir ; que bien que la société Forclim indique expressément dans ses conclusions qu'une ordonnance aux fins de saisie-revendication a été rendue le 8 janvier 2010 et verse cette ordonnance aux débats, il convient de constater que la SCI Les Hauts de la Voie Verte n'indique à aucun moment dans son assignation ou dans ses dernières écritures, contester cette saisie revendication ; que s'agissant enfin des demandes relatives à la vente aux enchères et à l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 30 avril 2010, elles ne relèvent en aucun cas de la compétence du juge de l'exécution ; qu'en effet le juge de l'exécution n'est compétent en vertu de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire que pour connaître des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ; qu'or, la vente aux enchères décidée par le juge-commissaire ne constitue pas la mise en oeuvre d'une voie d'exécution définie par la loi du 9 juillet 1991, mais une opération de liquidation judiciaire de la société Karugel prise en application de l'article L. 642-19 du code de commerce ; que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-19 doit être formé devant la cour d'appel conformément à l'article R. 642-37-3 du code de commerce ; qu'au regard de ces éléments, la SCI Les Hauts de la Voie verte sera déclarée irrecevable en toutes ses demandes (jugement, p.3, §§ 3 et 6 à 12 et p. 4, §§ 1 à 3) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; que la vente aux enchères forcée des biens d'un débiteur constitue une mesure d'exécution forcée ; qu'en retenant néanmoins, pour dire irrecevable la demande de cantonnement de la vente aux enchères forcée ordonnée par le juge-commissaire, que ladite vente ne constituait pas la mise en oeuvre d'une voie d'exécution mais une opération de liquidation judiciaire ne relevant pas de la compétence du juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions déterminantes par lesquelles la société Les Hauts de la Voie Verte, laquelle faisait valoir que le juge de l'exécution ne pouvait décliner sa compétence par la seule considération qu'était en cause une ordonnance rendue par le juge-commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Karugel dès lors que le litige porté devant le juge de l'exécution était sans rapport avec la procédure collective(conclusions, p. 8, §§ 2 à 8), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00190
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