Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 21 novembre 2013, 12-28.168, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme X... et contre Mme Stéphanie Y..., agissant en son nom personnel ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que le préjudice spécifique d'accompagnement de fin de vie a pour objet d'indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d'existence d'un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par arrêt du 2 octobre 2009 une cour d'assises a déclaré M. Z... coupable de violences volontaires en réunion sur la personne de Thierry X..., ayant entraîné la mort de la victime, sans intention de la donner ; que par requête du 24 octobre 2009, M. et Mme X..., parents du défunt d'une part, Mme Stéphanie Y..., soeur de la victime, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses trois enfants mineurs Mathilde, Constance et Astrid d'autre part, ainsi que M. Thierry Y..., époux de cette dernière, ont saisi une commission d'indemnisation de victimes d'infractions d'une demande tendant à l'allocation de diverses sommes au titre de leurs préjudices moral et d'accompagnement ;

Attendu que pour allouer à Mme Y..., en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures Mathilde, Constance et Astrid, pour chacune d'elles la somme de 4 000 euros, et à M. Y... la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice d'accompagnement, en plus des sommes qui leur étaient allouées au titre de leur préjudice moral, l'arrêt énonce, par motifs propres, que les pièces produites aux débats démontrent que, durant la période d'hospitalisation subie par Thierry X... entre la date de l'agression et la date de son décès, cette victime a été assistée, non seulement par ses parents et sa soeur, mais également par son beau-frère et ses nièces, et que tous ont subi pendant cette période un bouleversement très important dans leurs conditions d'existence, étant notamment démontré que les trois fillettes ont été tenues au courant journellement de l'état de leur oncle et que le décès de celui-ci, à la suite d'une agression particulièrement violente dont elles ont été avisées a eu des répercussions sur leur mode de vie, spécialement en ce qui concerne l'aînée, Constance, dont l'état a nécessité un suivi psychothérapique durant plusieurs années ; que par motifs réputés adoptés, qu'il ressort notamment des nombreuses photographies commentées, produites aux débats, que le défunt avait des rapports particulièrement étroits avec son beau-frère et ses neveux et nièces, avec lesquels il partageait régulièrement des sorties et des moments de convivialité et que tous les membres de la famille, pendant huit mois, ont visité et soutenu avec détermination leur proche dans le coma, assistant à la détérioration inexorable de son état de santé, puis à son décès ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'une communauté de vie effective entre la victime, d'une part, son beau-frère et ses nièces, d'autre part, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des texte et principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et Mme X..., épouse Y..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Mme Y..., en sa qualité de représentante légale de ses filles Mathilde, Constance et Astrid, pour chacune d'elles la somme de 4 000 euros et à M. Y... la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice d'accompagnement, en plus des sommes qui leur étaient allouées par ailleurs au titre de leur préjudice moral ;

Aux motifs propres que « les pièces produites aux débats apportent la démonstration de ce que durant la période d'hospitalisation subie par Thierry X... entre la date de l'agression et la date de son décès cette victime a été assistée, non seulement par ses parents et sa soeur, mais également par son beau-frère et ses nièces et que tous ont subi pendant cette période un bouleversement très important dans leurs conditions d'existence, étant notamment démontré que les 3 fillettes ont été tenues au courant journellement de l'état de leur oncle et que le décès de celui-ci, à la suite d'une agression particulièrement violente dont elles ont été avisées a eu des répercussions sur leur mode de vie, spécialement en ce qui concerne l'aînée Constance, dont l'état a nécessité un suivi psychothérapique durant plusieurs années ; qu'ainsi le principe du droit à indemnisation de Thierry Y... et de ses enfants au titre de ce préjudice d'accompagnement doit être consacré ; que par ailleurs les indemnités allouées de ce chef par la CIVi ne présentent aucun caractère excessif, la décision critiquée devant être également confirmée sur ce chef du litige » ;

Et aux motifs réputés adoptés que « le Fonds de Garantie des Victimes d'Infractions conteste le principe du droit à indemnisation des nièces et du beau-frère de Monsieur X... au motif que ceux-ci ne justifient pas avoir entretenu des liens d'affection particuliers avec celui-ci ; qu'il ressort cependant des pièces versées aux débats et notamment des nombreuses photographies commentées produites par les requérants, que Monsieur Thierry X... avait des rapports particulièrement étroits avec son beau-frère et ses neveux et nièces et avec qui il partageait régulièrement des sorties et des moments de convivialité (anniversaire de Monsieur Y... en février 2002, sortie au salon de l'agriculture en février 2002, anniversaire en mai 2004, parrainage et communion de Mathilde Y... le 20 mai 2004, séjour à Fayence durant l'été 2004, sortie chez une amie de la famille en été 2004, fête foraine en été 2004, visite à l'hôpital Marie-Lannelongue en février 2005, anniversaire en mai 2005, lecture d'une histoire à Astrid Y... en février 2006, visite à la famille Y... en juin 2006, rencontre avec son beau-frère en juin 2006, communion de Constance en juin 2006, vacances à Fayence durant l'été 2006, croisière en pédalo en juillet 2006....) ; qu'il ne peut donc être soutenu que les requérants ne justifient pas de l'existence de rapports suffisants avec Thierry X... alors que les pièces produites démontrent au contraire des liens de très grande proximité et de joyeuse complicité entre Monsieur Thierry X... son beau-frère et ses neveux et nièces ; que tous entretenaient des rapports d'affection particulièrement chaleureux dans le cadre d'une famille unie, soudée dans les épreuves et respectueuse de la maladie mentale de la victime ; qu'il y a donc lieu de considérer que les requérants justifient d'un préjudice personnel direct et certain, condition suffisante pour qu'il soit fait droit à leur demande d'indemnisation ; que compte tenu de ces considérations, du soutien moral constamment et régulièrement apporté par Monsieur et Madame X... à leur fils unique, de la proximité de Madame Stéphanie X... Y... avec son frère avec lequel elle a partagé le même appartement à ... pendant ses années d'étude, de l'attachement réciproque entre Monsieur Thierry X..., le mari et les enfants de sa soeur, de l'accompagnement réalisé par tous les membres de la famille qui, pendant 8 mois, ont visité et soutenu avec détermination leur proche dans le coma, assistant à la détérioration inexorable de son état de santé puis à son décès, il convient d'allouer aux requérants les sommes suivantes » ;

Alors, d'une part, que le préjudice d'accompagnement répare les troubles dans les conditions d'existence d'un proche de la victime décédée, pendant la maladie traumatique de celle-ci et jusqu'à son décès, qui partageait habituellement une communauté de vie effective avec elle à la suite du dommage ; qu'en allouant au beau-frère et aux jeunes nièces de la victime diverses sommes au titre de leur préjudice d'accompagnement sans caractériser de communauté de vie effective avec la victime qui était hospitalisée pendant la durée de la maladie traumatique, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale ;

Alors, d'autre part, que le préjudice d'accompagnement répare les troubles dans les conditions d'existence d'un proche de la victime décédée, pendant la maladie traumatique de celle-ci et jusqu'à son décès, qui partageait habituellement une communauté de vie effective avec elle à la suite du dommage ; qu'en allouant diverses sommes au beau-frère et aux jeunes nièces de la victime au titre de leur préjudice d'accompagnement sans caractériser la nature des troubles subis par ceux-ci dans leurs conditions d'existence, pendant la maladie traumatique de la victime qui avait été hospitalisée sur l'ensemble de cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale.

ECLI:FR:CCASS:2013:C201772
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