Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 11-15.651, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er avril 1994 par la société Le Marronnier en qualité de directeur administratif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en janvier 2009 d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail ; que les parties ont conclu le 27 avril 2009 une rupture conventionnelle du contrat de travail prévoyant le paiement d'une indemnité spécifique de rupture ; que la convention de rupture a été homologuée par l'autorité administrative le 29 mai 2009 ; que le salarié ayant maintenu sa demande en résiliation judiciaire, le conseil de prud'hommes l'en a débouté par jugement du 19 mai 2010 ; que par des conclusions du 28 décembre 2010, M. X... a demandé l'annulation de la convention de rupture et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses indemnités au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger irrecevable sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses indemnités, alors, selon le moyen, qu'en l'état d'un litige existant, le salarié ne peut renoncer pour l'avenir aux règles légales protectrices régissant la rupture du contrat de travail, et en particulier la résiliation judiciaire qui a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle est imputable à l'employeur, en acceptant une rupture amiable ou une rupture conventionnelle ; qu'en conséquence, si un salarié accepte une rupture conventionnelle bien qu'il a déjà déposé une demande de résiliation judiciaire, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, c'est-à-dire si les inexécutions alléguées constituent une faute justifiant la résiliation du contrat de travail, avant de faire application de la rupture conventionnelle ; que le conseil de prud'hommes avait statué sur cette demande dans sa décision du 19 mai 2010, rendue selon les constatations mêmes de l'arrêt dans le délai de l'article L. 1237-14 du code du travail ; qu'ainsi la cour d'appel qui l'a déclaré irrecevable à demander qu'il soit statué sur sa demande de résiliation judiciaire préalablement à toute application de la rupture conventionnelle, en prétendue conséquence de l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la rupture conventionnelle, sans rechercher si celle-ci ne pouvait valoir renonciation du salarié à se prévaloir des règles légales le protégeant en cas de rupture, et en particulier au bénéfice de sa demande préalable en résiliation judiciaire, avec effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1231-4 et L. 1231-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'annulation de la rupture conventionnelle n'avait pas été demandée dans le délai prévu par l'article L. 1237-14 du code du travail, la cour d'appel n'avait plus à statuer sur une demande, fût-elle antérieure à cette rupture, en résiliation judiciaire du contrat de travail devenue sans objet ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en régularisation des cotisations de "retraite sur-complémentaire", l'arrêt retient que la mise en place par décision unilatérale de l'employeur de cet avantage s'analyse en une gratification puisque le salarié en est le seul bénéficiaire de sorte que la société était fondée à l'interrompre sans avoir à respecter de procédure particulière ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la qualité de seul bénéficiaire, alors que le salarié invoquait dans ses conclusions le bénéfice d'un engagement unilatéral irrégulièrement dénoncé, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prise en charge des cotisations à un contrat de "retraite sur-complémentaire" contracté auprès de la société Axa assurances, l'arrêt rendu le 16 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Le Marronnier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Marronnier à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé irrecevable la demande de Monsieur X... en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de la SARL LE MARRONNIER et en paiement de diverses indemnités ;

AUX MOTIFS QU' il n'est pas discuté que la convention de «rupture conventionnelle de contrat de travail » signée entre les parties le 27 avril 2009, dont la prise d'effet a été fixée le 9 juin 2009, a été homologuée à défaut de rétractation le 29 mai 2009 ; que l'examen des conclusions prises au nom de Monsieur Marc X... devant le Conseil de prud'hommes de Carcassonne et développées à l'audience comme en attestent les décisions prises, démontre que non seulement l'intéressé n'a jamais contesté devant les premiers juges la validité de la convention ou les conditions de son homologation, mais qu'au contraire il s'en est prévalu tant devant la formation des référés que devant le bureau de jugement statuant au fond ; que la première contestation de cette convention est formalisée dans les conclusions écrites déposées au greffe de la Cour le 30 décembre 2010, développées ultérieurement à l'audience ; qu'il s'ensuit que l'appelant est irrecevable à invoquer la nullité de la « rupture conventionnelle » comme à solliciter la résolution judiciaire du contrat de travail et le paiement d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts en lien avec la rupture du contrat de travail ;

ALORS QU'en l'état d'un litige existant, le salarié ne peut renoncer pour l'avenir aux règles légales protectrices régissant la rupture du contrat de travail, et en particulier la résiliation judiciaire qui a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle est imputable à l'employeur, en acceptant une rupture amiable ou une rupture conventionnelle ; qu'en conséquence, si un salarié accepte une rupture conventionnelle bien qu'il a déjà déposé une demande de résiliation judiciaire, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, c'est-à-dire si les inexécutions alléguées constituent une faute justifiant la résiliation du contrat de travail, avant de faire application de la rupture conventionnelle ; que le Conseil de prud'hommes avait statué sur cette demande dans sa décision du 19 mai 2010, rendue selon les constatations mêmes de l'arrêt dans le délai de l'article L. 1237-14 du Code du travail ; qu'ainsi la Cour d'appel qui a déclaré irrecevable Monsieur Marc X... à demander qu'il soit statué sur sa demande de résiliation judiciaire préalablement à toute application de la rupture conventionnelle, en prétendue conséquence de l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la rupture conventionnelle, sans rechercher si celle-ci ne pouvait valoir renonciation du salarié à se prévaloir des règles légales le protégeant en cas de rupture, et en particulier au bénéfice de sa demande préalable en résiliation judiciaire, avec effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 1231-4 et L. 1231-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Marc X... de sa demande de régularisation des cotisations de «retraite sur-complémentaire» ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Marc X... reconnaît lui-même que « ce contrat de retraite sur-complémentaire avait été mis en place par décision unilatérale de la SARL LE MARRONNIER », et que cette prise en charge ne résulte en conséquence d'aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ; que de même, l'appelant ne justifie pas qu'il s'agit d'un avantage bénéficiant à l'ensemble des cadres de l'entreprise et présentant les caractères de constance, de généralité et de fixité d'un usage engageant l'employeur en l'absence de dénonciation régulière ; que le seul document qu'il verse aux débats, savoir l'appel de cotisations du 15 septembre 2005, démontre au contraire qu'il était le seul bénéficiaire de cette décision de l'entreprise qui s'analyse en conséquence en une gratification que la société était fondée à interrompre sans avoir à respecter de procédure particulière ;

ALORS QU'en ne recherchant pas, en réfutation des conclusions de Monsieur Marc X..., si l'engagement unilatéral pris par la SARL LE MARRONNIER à l'égard du salarié de paiement de cotisations de retraite « sur-complémentaire » avait fait l'objet d'une dénonciation régulière, qui seule pouvait justifier le non-respect par l'employeur de l'engagement pris, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00702
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