Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 novembre 2012, 10-26.198 10-26.755, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n°s G 10-26.198 et P 10-26.755 ;

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi n° G 10-26.198 en ce qu'il est dirigé contre Mme Y..., M. Georges Z..., la société Axa France IARD, M. Y..., M. Serge Z..., M. A..., ès qualités, M. Pascal Z..., la SMABTP, M. B..., la société Pimouguet Leuret, ès qualités ;


Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 septembre 2010), que les consorts Z... ont confié à M. X..., architecte assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF), les travaux de démolition d'un immeuble ; qu'au cours de ces travaux réalisés par la société TP2B, le mur pignon de l'immeuble voisin s'est partiellement effondré endommageant le fonds de commerce pris en location gérance par Mme B... ainsi que l'appartement occupé par son mari ; que, selon l'expert désigné en référé, l'élément déclencheur de l'effondrement du 13 mai 2003 était une insuffisante reprise par la société TP2B du parement de ce mur endommagé en avril 2003 par un coup de pelle d'un engin mécanique utilisé pour déblayer les gravats ; que la liquidation judiciaire de Mme B... a été prononcée, M. A... étant désigné en qualité de mandataire-liquidateur ; que M. A... a assigné en indemnisation les consorts Z... et leur assureur, la société Axa France IARD ; que la société Axa a assigné en garantie M. C..., en sa qualité de liquidateur de la société TP2B ainsi que son assureur la SMABTP ; que M. X... et son assureur la MAF ont aussi été assignés en responsabilité et indemnisation ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° P 10-26.755 des consorts Z..., pris en sa première branche :

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes à l'encontre de la SMABTP, assureur de la société TP2B, et de mettre hors de cause cet assureur alors, selon le moyen, que le juge ne peut se déterminer au seul vu d'un rapport d'expertise établi non contradictoirement ; que les juges du fond sont tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre de l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise établi de manière non contradictoire, à la demande du juge pénal, dans le cadre de l'instruction ouverte sur la plainte avec constitution civile déposée par la SMABTP contre la société TP2B et M. X..., dans laquelle les consorts Z... n'étaient pas en cause, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'expertise ordonnée dans une autre instance peut être prise en considération dès lors qu'elle a été régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties ;

Et attendu que c'est sans méconnaître le principe de l'égalité des armes, ni violer les articles 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 du code de procédure civile, que l'arrêt a exactement décidé que l'expertise ordonnée à la demande du juge pénal pouvait être prise en considération et, appréciant souverainement la valeur et la portée de cet élément de preuve versé aux débats, a retenu que l'attestation d'assurance produite était un faux, le contrat d'assurance liant la société TP2B à la SMABTP ayant été résiliée pour non-paiement des primes le 31 décembre 2002 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° G10-26.198 de M. X..., pris en ses deux premières branches, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause son assureur la MAF ;

Mais attendu que selon l'article L. 113-17 du code des assurances l'assureur n'est censé avoir renoncé à se prévaloir des exceptions qu'il pouvait invoquer qu'à la double condition qu'il ait dirigé le procès fait à son assuré en connaissance de ces exceptions et qu'il n'ait émis aucune réserve ;

Et attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de violation des articles 1134 du code civil et L. 113-17 du code des assurances, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui, sans dénaturer la lettre du 25 juillet 2005, a pu en déduire que l'assureur n'avait pas renoncé aux réserves expresses qu'il avait émises ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen pris en sa seconde branche et le second moyen du pourvoi des consorts Z... ainsi que la troisième branche du moyen unique du pourvoi de M. X... ne sont pas de nature à permettre leur admission ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° G 10-26.198 par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR mis hors de cause la société Mutuelle des Architectes de France (MAF), assureur de Monsieur X...
AUX MOTIFS QU'il résultait des pièces produites aux débats que Monsieur X... devait, au fur et à mesure informer son assureur des contrats qu'il souscrivait, la compagnie calculant les primes au regard de ces différentes déclarations ; que pour le dossier litigieux, Monsieur X... avait seulement déclaré qu'il avait pour mission d'obtenir les permis de démolir, puis de reconstruire ; que par contre, il avait omis ensuite de signaler que sa mission était étendue à la surveillance des travaux de démolition, surveillance qui aurait entraîné la perception d'une prime supérieure ; que si la compagnie avait pris la direction du procès, en mandatant son avocat auprès de Monsieur X..., elle l'avait fait sous la réserve que la responsabilité retenue de ce dernier soit conforme aux déclarations qu'il lui avait faites (courriers de la MAF à Monsieur X... des 23 juin 2004, 25 juillet 2005, 5 août 2004 et 16 décembre 2006) ; que la responsabilité de Monsieur X... était retenue pour des faits excédant la déclaration faite ; que la MAF devait être mise hors de cause (arrêt attaqué, page 9) ;

1)ALORS QUE la lettre du 25 juillet 2005, adressée par l'assureur à Monsieur X... au moment où il a été assigné devant le Tribunal de grande instance, énonce exactement : « Une assignation au fond vous ayant été délivrée, nous demandons à notre avocat postulant, dont références en marge, de se constituer dans votre intérêt. Il importe que vous lui adressiez d'urgence votre état civil. Notre avocat plaidant, la SCP Latournerie, continuera d'assureur votre défense. Nous ne manquerons pas de vous tenir informé du jugement qui sera rendu » ; que cette lettre ne contient aucune réserve ou condition ; qu'il en résulte très clairement, et sans aucune ambiguïté, que l'assureur, au moment de la mise en cause de son assuré devant le premier juge, a pris la direction du procès ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé la lettre du 25 juillet 2005 et violé l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS QUE l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait alors connaissance ; que la MAF a effectivement fait défendre Monsieur X... par le propre avocat de la compagnie, devant les premiers juges ; qu'en mettant cet assureur hors de cause, la Cour d'appel a violé l'article L 113-17 du code des assurances ;

3) ALORS QUE, à tout le moins, il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L 113-9 du code des assurances, rappelées dans l'article 5-222 du contrat liant la MAF à Monsieur X..., que la non déclaration d'une activité susceptible d'entraîner la responsabilité de l'assuré a pour sanction, non point l'absence de garantie, mais une réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance ; que la Cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article L 113-19 du code des assurances.
Moyens produits au pourvoi n° P 10-26.755 par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour les consorts Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Z... de leurs demandes à l'encontre de la SMABTP, assureur de la Société TP2B, et d'avoir mis hors de cause ladite compagnie d'assurance ;

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne la SMABTP, assureur de la SARL TP2B, il faut constater que l'attestation d'assurance obtenue par Monsieur X... d'un de ses confrères est un faux ainsi que cela résulte d'une expertise ordonnée par le juge d'instruction chargée d'instruire la procédure initiée par l'assureur. L'expert a constaté en effet qu'après la résiliation du contrat le 31 décembre 2002, le système informatique de l'assureur ne révèle pas l'édition de la moindre attestation comme celle qui est produite, que l'édition d'une telle attestation est impossible après la résiliation du contrat, que la date portée sur cette attestation indique qu'elle a été éditée un dimanche ce qui est impossible et il a conclu que cette attestation n'avait pas été élaborée sur le système informatique de la SMABTP mais qu'elle avait été établie à partir d'une véritable attestation sur un autre système. Le rapport de cet expert qui est intervenu dans le cadre d'une procédure pénale été communiqué aux autres parties qui ont pu le discuter. Il s'agit dans le présent dossier d'un élément de preuve, comme un autre. Or si les consorts Z... en contestent la portée, ils ne produisent aucun document ou aucune pièce permettant de mettre en doute ces constatations. Il convient en conséquence de retenir que l'attestation d'assurance produite est un faux, le contrat d'assurance liant la SARL TP2B à la SMABTP ayant été résilié pour non paiement des primes le 31 décembre 2002. En conséquence il convient de mettre hors de cause la SMABTP ;

1) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer au seul vu d'un rapport d'expertise établi non contradictoirement ; que les juges du fond sont tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre de l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise établi de manière non contradictoire, à la demande du juge pénal, dans le cadre de l'instruction ouverte sur la plainte avec constitution civile déposée par la SMAPTB contre la Société TP2B et Monsieur X..., dans laquelle les consorts Z... n'étaient pas en cause, la Cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du Code de procédure civile ;

2) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE l'attestation d'assurance constitue une présomption de garantie et qu'il incombe à l'assureur de détruire cette présomption ; qu'en l'espèce, comme le soutenaient les consorts Z... dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 58, § 5 et s.), en l'absence de condamnation pénale définitive prononcée du chef d'usage de faux, l'attestation d'assurance arguée de faux par la SMABTP constituait une présomption de garantie opposable à l'assureur ; que dès lors, en affirmant qu'en ce qui concernait la SMABTP, assureur de la Société TP2B, l'attestation d'assurance produite par Monsieur X... était un faux ainsi que cela résultait d'une expertise ordonnée par le juge d'instruction chargé d'instruire la procédure initiée par l'assureur, bien qu'il n'existât à cet égard aucun jugement définitif constatant l'existence d'un faux pour l'usage duquel un prévenu aurait été condamné par la juridiction répressive, la Cour d'appel a violé l'article L. 112-3 du Code des assurances, ensemble l'article 1315 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur X... et la Société TP2B devront relever indemne Monsieur Serge Z... et Monsieur Paul Z... des condamnations prononcées à leur encontre, sans prononcer à leur encontre la condamnation in solidum demandée par les consorts Z... ;

AUX MOTIFS QUE les consorts Z... sont propriétaires de l'immeuble dont ils ont confié la démolition à la S.A.R.L. TP2B. Pendant cette démolition cet immeuble est resté sous leur garde. Ils sont donc responsables du dommage subi par les tiers du fait de cet effondrement mais par contre selon le rapport d'expertise, il apparaît que la S.A.R.L. TP2B a réalisé la démolition sans prendre la moindre précaution et en endommageant gravement le mur mitoyen sans prendre la mesure des conséquences de ce dommage et en effectuant une réparation de fortune qui n'a pas tenu. De ce fait la S.A.R.L. TP2B devra relever indemne les consorts Z... de toutes les sommes mises à leur charge. (…). En ce qui concerne Monsieur X..., si celui-ci n'a eu qu'une mission tendant à l'obtention des différents permis, il faut relever qu'il a dépassé ce cadre limité. En effet est produite aux débats la situation n° 2 établie par la S.A.R.L. TP2B concernant les travaux de démolition. Or ce document qui a été transmis au consorts Z... porte la signature et le timbre humide de Monsieur X... sous la mention : «vérifié le 2 juin 2003 » donc plus de 15 jours après l'effondrement. Ce document établit que Monsieur X... a non seulement exécuté les travaux qui étaient prévus à son contrat mais puisqu'il a signé ce document, qu'il s'est - en sa qualité d'architecte - rendu sur les lieux et a surveillé l'exécution des travaux, omettant de constater que ceux-ci étaient réalisées en dehors de tout respect des règles de l'art et que le dommage qui avait été causé à l'ouvrage avait été repris de façon « rapide ». De ce fait sa responsabilité doit être retenue et il doit relever indemne les consorts Z... de toutes les sommes mises à leur charge ;

ALORS QUE chacun des coresponsables d'un même dommage est tenu le réparer en totalité et il appartient aux juges du fond de prononcer leur condamnation in solidum ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la Société TP2B, entreprise chargée des travaux de démolition, et Monsieur X..., architecte ayant contrôlé l'exécution de ces travaux, étaient coresponsables du dommage causé par l'effondrement du mur et d'une partie de l'immeuble du ... ; que dès lors, en ne prononçant pas, comme le demandaient pourtant les consorts Z... dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 70, al. 1), leur condamnation in solidum à les relever et garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

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