Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 octobre 2012, 11-22.836, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-24, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, R. 622-21, alinéa 1er, et R. 622-24, alinéa 1er, du même code, dans leur rédaction issue du décret du 28 décembre 2005 ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que ne peut encourir de forclusion, le créancier titulaire d'une sûreté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, peu important qu'il ait été averti personnellement avant cette publication par le liquidateur d'avoir à déclarer sa créance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en garantie d'un prêt consenti à la société Wi-Ken Fight (la société WKF), la société banque CIC Ouest (la banque) a inscrit un nantissement sur le fonds de commerce ; que, par jugement du 9 juillet 2008, publié au BODACC le 25 juillet 2008, la société WKF a été mise en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que, le 10 juillet 2008, ce dernier a averti la banque, en sa qualité de créancier privilégié inscrit, qu'elle devait déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la réception de cet avertissement ; que la banque a effectué cette déclaration le 22 septembre 2008 ;

Attendu que pour dire la banque forclose, l'arrêt retient que, si pour les créanciers chirographaires ou privilégiés non inscrits, le délai de déclaration de leur créance est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure au BODACC, ce délai court pour les créanciers inscrits à partir de l'avertissement qui leur est personnellement adressé, de sorte que seul cet avertissement fait courir le délai de déclaration de sa créance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré forclose la déclaration de créance effectuée par la Banque CIC OUEST ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 622-24 du Code de commerce dispose : « Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement »; qu'il résulte de ce texte que le CIO, créancier privilégié, devait déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la réception de l'avertissement qui lui a été délivré, le 11 juillet 2008 (Cass. Com. 16.09.2008) ; que le délai de deux mois pour effectuer la déclaration de créance ne commençait pas à courir, seulement à partir de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC, quel que soit le statut du créancier ; que la publication au BODACC a pour but d'informer de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective les créanciers n'ayant pas d'autre possibilité d'en être informés ; que tel n'est pas le cas en l'espèce pour les créanciers inscrits, bénéficiant d'une protection particulière, faisant l'objet d'un formalisme rigoureux (les créanciers inscrits sont avisés dans les quinze jours suivant le jugement d'ouverture de la procédure collective, par lettre recommandée avec avis de réception, d'avoir à déclarer leur créance, selon l'article 96 du décret du 28 décembre 2008) ; que ce formalisme a parfaitement été respecté dans le cas présent ; que l'avis de réception de l'avertissement étant en date du 11 juillet 2008, la déclaration de créance du CIO devait avoir lieu avant le 11 septembre suivant ; que la déclaration intervenue le 22 septembre 2008 se trouve, par conséquent forclose ; que contrairement à ce qu'a admis le premier juge, les créanciers inscrits ne bénéficient pas d'une double protection ni d'un délai de déclaration ne pouvant être inférieur à deux mois à partir de la publication du jugement d' ouverture de la procédure collective au BODACC, laquelle a seulement pour but d'aviser les créanciers ordinaires de l'existence de la procédure collective ; que si les créanciers inscrits disposent d'une information prioritaire, le délai dans lequel ils doivent déclarer leur créance est de deux mois à partir de la date à laquelle ils sont personnellement informés, comme il résulte clairement des dispositions de l'article L. 622-24 du Code de commerce ; que le premier juge a ajouté aux textes, que la réponse du Service de Documentation de la Cour de cassation est antérieure à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 16 septembre 2008 ; que si pour les créanciers chirographaires ou privilégiés non inscrits, le délai de déclaration de leur créance est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure au BODACC, ce qui nécessite de leur part une surveillance importante, ce délai de deux mois court pour les créanciers inscrits à partir de l'avertissement qui leur est personnellement adressé ; que ces derniers bénéficient, par conséquent, d'une protection particulière, leur permettant de ne pas surveiller la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC ; que, dans ces conditions, seul l'avertissement adressé au créancier inscrit fait courir le délai de déclaration de sa créance ; qu'il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance déférée et de déclarer forclose la déclaration de créance du CIO ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE ne peut encourir de forclusion, le créancier privilégié qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC ; qu'en effet, en application des articles L. 622-24, R. 622-21 et R. 622-24 du Code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans les délais fixés par décret en Conseil d'État ; que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement, que le délai de déclaration court à leur égard à compter de la notification de cet avertissement ; que le mandataire judiciaire, dans le délai de 15 jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R. 622-24 du Code commerce, selon lequel le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que ce n'est qu'à partir de la publication du jugement d'ouverture au BODACC que tous les créanciers sont tenus de déclarer leurs créances, qu'ils doivent, en principe, le faire dans les deux mois suivant cette publication et que, par exception, ce délai est prorogé au bénéfice des créanciers titulaires d'une sûreté publiée, à compter de l'avertissement du mandataire judiciaire, de sorte qu'il ne peut courir à leur encontre si la publication du jugement d'ouverture est postérieure à cet avertissement ; qu'en l'espèce, il était constant que Maître X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société WI-KEN FIGHT, avait adressé à la Banque CIC OUEST l'avertissement prévu par les articles susvisés le 11 juillet 2008, soit antérieurement à la publication du jugement d'ouverture au BODACC intervenue le 25 juillet 2008, et que la banque avait déclaré sa créance le 22 septembre 2008, soit dans le délai de deux mois à compter de cette publication ; que dès lors, en retenant à tort, pour déclarer forclose la déclaration de créance de la Banque CIC OUEST, que le délai de deux mois pour effectuer la déclaration de créance ne commençait pas à courir, seulement à partir de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC, quel que soit le statut du créancier, et que seul l'avertissement adressé au créancier inscrit faisait courir ce délai, la Cour d'appel a violé les articles des articles L. 622-24, R. 622-21 et R. 622-24 du Code de commerce ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le délai de l'article R. 622-24 du Code de commerce est un délai préfix qui court à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC ; qu'il en résulte qu'en l'absence de publication du jugement d'ouverture au BODACC, le délai de déclaration de créance ne court pas ; qu'en décidant, au contraire, que le délai pour déclarer leur créance courait à l'encontre des créanciers inscrits avant la publication du jugement d'ouverture au BODACC, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 622-24 du Code de commerce.

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