Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 septembre 2010, 09-68.724, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société F2 eaux concept du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, le syndicat des copropriétaires du 2 place Jean Zay à Levallois-Perret, M. X..., Mme Y..., les époux Z..., la société Architecture développement, la société A..., Thierry, Sénéchal, Gorrias, ès qualités, la société MJA, ès qualités, la société L'Auxiliaire, ès qualités, la société Bureau Veritas, Mme A..., de la SCP A..., Thierry, Sénéchal, Gorrias, ès qualités, M. B..., ès qualités, les époux C... et les époux D... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 mai 2009), qu'agissant en qualité de maître d'ouvrage, la société en nom collectif (SNC) Levallois Jean Zay, aux droits de laquelle se trouve la société Perspectives, a fait réaliser un immeuble à Levallois-Perret dont les travaux ont été confiés à la société Fanton, depuis lors en liquidation judiciaire, celle-ci ayant sous-traité divers travaux, notamment ceux concernant le lot " plomberie, sanitaire, VMC " à la société F2 eaux concept ; qu'à la suite de l'apparition de désordres, diverses procédures ont été engagées contre les intervenants à cette opération de construction, dont la société F2 eaux concept qui a formé une demande reconventionnelle en paiement du solde de ses travaux ;


Sur le moyen unique :

Vu l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Attendu que pour limiter à la somme de 3 625, 53 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Levallois Jean Zay, devenue la société Perspective, au profit de la société F2 eaux concept, l'arrêt retient que s'il n'est plus contesté que le maître de l'ouvrage a mis en demeure l'entrepreneur principal de fournir une caution à son sous-traitant garantissant le paiement des sommes dues au titre du marché sous-traité, il apparaît que le maître de l'ouvrage a suffisamment veillé à ce que le cautionnement soit fourni, que l'absence de résultat de ses démarches ne peut lui être reproché et qu'il n'est pas démontré qu'il ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage a l'obligation d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution, et que cette obligation inclut la vérification de l'obtention par l'entrepreneur de cette caution ainsi que la communication au sous-traitant de l'identité de l'organisme de caution et des termes de cet engagement, la cour d'appel, qui n'a pas relevé les moyens mis en oeuvre par le maître de l'ouvrage pour contraindre l'entrepreneur principal à respecter ses obligations en matière de sous-traitance, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à la somme de 3 625, 53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2002 la condamnation prononcée à l'encontre de la société Levallois Jean Zay, l'arrêt rendu le 4 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne, ensemble, la société Perspectives et la société F2 eaux concept aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société F2 eaux concept ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société F2 eaux concept

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY (devenue société PERSPECTIVES) à payer à la société F2EAUX CONCEPT seulement la somme de 3. 625, 53 €, avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2002 ;

AUX MOTIFS QU'« il est justifié que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY a veillé à ce que la société FANTON satisfasse à son obligation de fournir un cautionnement et que si le tribunal lui a reproché de s'être contentée de demander à cette entreprise qu'elle en fournisse un et de s'être abstenue de la mettre en demeure de respecter cette obligation, il n'est plus contesté aujourd'hui qu'une telle mise en demeure a bien été adressée ; que la société F2EAUX CONCEPT tient cette démarche pour insuffisante et indique que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY aurait dû « réagir et utiliser toutes les mesures coercitives à sa disposition » ; qu'elle s'abstient cependant de préciser les moyens auxquels il aurait fallu recourir et qu'en tout état de cause, il apparaît que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY a suffisamment veillé à ce que le cautionnement soit fourni ; que l'absence de résultat à la suite de ses démarches ne peut lui être reproché et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle » (arrêt p. 36) ;

ALORS QUE l'obligation pesant, aux termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, sur le maître de l'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution inclut la vérification non seulement de l'obtention par cet entrepreneur d'une caution bancaire, mais encore de la communication par lui au sous-traitant de l'identité de l'organisme de caution et des termes de cet engagement ; qu'en se bornant à relever que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY justifiait avoir adressé à l'entreprise générale une mise en demeure de respecter son obligation de fournir un cautionnement, pour en déduire qu'elle avait suffisamment veillé à ce que cette garantie soit fournie et que sa responsabilité n'était pas engagée à l'égard du sous-traitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14. 1 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble l'article 1382 du code civil

ALORS QUE la société F2EAUX CONCEPT faisait valoir, dans ses conclusions (p. 13), que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY avait certes mis la société FANTON en demeure, le ler décembre 1998, de justifier qu'un cautionnement avait été établi et transmis au sous-traitant, mais qu'elle n'avait pas jugé nécessaire de s'assurer que ces formalités avaient effectivement été effectuées, malgré un courrier postérieur, daté du 4 mai 1999, par lequel le sous-traitant l'informait qu'il ne bénéficiait toujours d'aucune caution bancaire et lui demandait d'intervenir en ce sens ; qu'en se bornant à affirmer que la SNC LEVALLOIS JEAN ZAY avait adressé une mise en demeure à l'entrepreneur général et qu'elle avait ainsi suffisamment veillé à ce que le cautionnement soit fourni, sans rechercher si, en s'abstenant de vérifier que la garantie avait effectivement été obtenue et transmise au sous-traitant après que celui-ci l'ait informé que sa mise en demeure adressée à l'entrepreneur était restée infructueuse, le maître de l'ouvrage n'avait pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du sous-traitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS QUE l'obligation pesant, aux termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, sur le maître de l'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution inclut la vérification de l'obtention effective par cet entrepreneur d'une caution bancaire ; qu'en affirmant que le maître de l'ouvrage avait satisfait à son obligation à cet égard en mettant l'entrepreneur général en demeure de fournir un cautionnement, et qu'il appartenait au sous-traitant de préciser les moyens de coercition que le maître de l'ouvrage aurait dû mettre en oeuvre pour s'assurer que la garantie de paiement était effectivement fournie, à défaut de quoi sa responsabilité ne pouvait être engagée à l'égard du sous-traitant, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.

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