Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 décembre 2008, 07-43.285 07-43.286 07-43.287 07-43.288 07-43.289 07-43.290 07-43.291 07-43.292 07-43.293 07-43.294 07-43.295 07-43.296 07-43.297, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 07-43.285 à H 07-43.297 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Confection 2001, employant moins de cinquante salariés, a été placée le 23 janvier 2004 en liquidation judiciaire ; que le 3 février 2004, le liquidateur judiciaire a licencié tout le personnel de l'entreprise, pour motif économique ; que le 25 mai 2004, la cour d'appel a annulé le jugement de liquidation judiciaire et ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie le 22 juillet 2004 en liquidation judiciaire ; que, soutenant notamment que leurs licenciements étaient ainsi devenus sans cause réelle et sérieuse et que la procédure de licenciement était irrégulière, les salariés licenciés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes indemnitaires ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du liquidateur judiciaire :

Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief aux arrêts d'avoir reconnu les salariés créanciers d'une indemnité au titre d'une irrégularité affectant la procédure consultative sur le projet de licenciement alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 321-9 du code du travail « En cas de redressement ou de liquidation judiciaires, l'administrateur ou, à défaut, l'employeur ou le liquidateur, suivant les cas, qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 321-3 et aux articles L. 321-4, L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, L. 422-1, cinquième et sixième alinéas, et L. 432-1, deuxième alinéa » ; que cette consultation doit donc avoir lieu antérieurement aux licenciements, mais sans qu'une condition de délai ne soit fixée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que Mme X..., seule déléguée du personnel depuis le 6 mars 2002, et désignée représentante des créanciers après l'ouverture de la procédure collective, a exprimé son avis sur les licenciements lors d'une réunion du 2 février 2004, soit avant que les licenciements ne soient prononcés, postérieurement, par lettre datée du 3 février 2004 ; qu'en affirmant néanmoins que cela ne pouvait valoir information et consultation des délégués du personnel au prétexte de la concomitance entre les licenciements et la réunion, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article précité ;

2°/ qu''en se contentant d'affirmer péremptoirement que le fait que l'unique déléguée du personnel ait exprimé son avis au cours d'une réunion qui s'est tenue à une date antérieure à celle portée sur les lettres de licenciement ne valait pas information et consultation des délégués du personnel, telles que prévues par les dispositions légales, sans dire en quoi ces dernières auraient été méconnues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-9 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que l'organisation d'une réunion d'information sur le projet de licenciement la veille du jour de la notification des licenciements, n'avait pas mis la déléguée du personnel en mesure de faire valoir utilement ses observations ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal des salariés, qui est recevable :

Vu les articles L. 622-5 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, et L. 321-1, alinéa 1, devenu l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu que, pour débouter les salariés de leur demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire et que, si le jugement rendu le 23 janvier 2004 par le tribunal de commerce a été annulé, la lettre de licenciement répondait cependant à l'obligation légale de motivation puisqu'elle faisait état non seulement de ce jugement, alors exécutoire, mais également de la fermeture de l'entreprise entraînant une cessation totale d'activité qui impliquait nécessairement la suppression de tous les postes et le congédiement de l'ensemble du personnel ;

Attendu cependant que l'annulation du jugement de liquidation judiciaire de l'employeur prive de fondement et d'effet les licenciements pour motif économique prononcés en vertu de cette décision par le liquidateur judiciaire, qui sont ainsi dépourvus de cause réelle et sérieuse ; qu'il n'en va autrement que lorsque la cour d'appel annulant ce jugement ouvre par la même décision une liquidation judiciaire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le jugement de liquidation judiciaire, auquel faisait référence la lettre de licenciement, avait été annulé en appel, sans que l'arrêt d'annulation ouvre une procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi des salariés :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont débouté les salariés de leur demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts rendus le 16 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° U 07-43.285 à H 07-43.297 par la SCP Parmentier et Didier, avocat aux Conseils pour Mme Z... et autres (demandeurs au pourvoi principal).

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR refusé de fixer la créance des salariés au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Confection 2001, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE par courriers en date du 3 février 2004 Maître Y... a procédé au licenciement des autres salariés de la société Confection 2001, en indiquant : « Je fais suite à notre entretien préalable du 2 février 2004 et vous rappelle mon intervention en qualité de liquidateur de la société Confection 2001 dont le siège social est à Nauroy 02420 - rue Karl Marx avec établissement secondaire : ZA de la Fosselle - 02880 Bucy Le Long, décision prononcée en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 23 janvier 2004. Corrélativement, et selon ce même jugement, je suis au regret, au moyen de la présente lettre recommandée avec accusé de réception, de vous notifier votre licenciement pour motif économique, lequel sera effectif au 8 février 2004. En effet, la fermeture de l'entreprise a emporté cessation totale de toute activité et congédiement de l'ensemble du personnel. II s'agit là d'une décision judiciaire. A ce sujet, j'attire tout particulièrement votre attention sur le fait que la présente mesure de licenciement vous est notifiée à titre conservatoire et pour préserver vos droits, eu égard à la procédure d'appel du jugement de liquidation judiciaire qui semble avoir été régularisée à ce jour. Je vous confirme en effet que pour le cas où la juridiction du second degré viendrait à remettre en cause la décision rendue par le tribunal de commerce de Saint-Quentin, la présente mesure de licenciement serait nulle et non avenue. Les services de la direction départementale du travail et de l'emploi ont été informés de cette procédure et ce, en application de l'article L 321-8 du code du travail. A ce sujet, je vous rappelle que vous disposez d'un délai de huit jours à compter de la réception de la présente lettre de licenciement pour déposer votre dossier d'acceptation du PARE anticipé à I'ASSEDIC dont vous dépendez, afin que soit ainsi examinée votre situation personnelle au regard de l'accès aux prestations du plan d'aide au retour à l'emploi » ; (…) ; que le licenciement produit effet à la date de sa notification ; qu'il importe dès lors peu que le mandataire liquidateur ait indiqué qu'il était prononcé à titre conservatoire ; que le grief fait au mandataire liquidateur d'avoir indiqué que le licenciement avait un caractère conservatoire est d'autant plus inopérant qu'en vertu des dispositions de l'article 155 du décret du 27 décembre 1985 le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire et qu'en vertu de l'article L 143-11-1 du code du travail, l'assurance garantie par I'AGS ne couvre que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, ce qui contraint le liquidateur, sous peine d'engager sa responsabilité, à prononcer rapidement le licenciement ; que si le jugement rendu le 23 janvier 2004 par le tribunal de commerce de Saint-Quentin, prononçant la liquidation judiciaire de la société, a été annulé par la cour d'appel le 25 mai 2004, la lettre de licenciement adressée à la salariée répond cependant à l'obligation légale de motivation édictée par l'article L. 122-14-2 du code du travail puisqu'elle fait état non seulement du jugement du 23 janvier 2004, alors exécutoire, mais également à la fois de la fermeture de l'entreprise entraînant cessation totale d'activité impliquant nécessairement la suppression de tous les postes et du congédiement de l'ensemble du personnel, éléments constitutifs du motif économique du licenciement ;

1) ALORS QUE l'annulation d'un jugement en appel entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui en est la suite ou l'application ; que la nullité en appel (CA Amiens 25 mai 2004) du jugement du 23 janvier 2004 prononçant la liquidation judiciaire a rétroactivement privé de cause les licenciements économiques notifiés par le liquidateur le 3 février 2004 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail et L. 622-5 du code de commerce, ensemble les articles 1350 du code civil et 542 et 561 du nouveau code de procédure civile ;

2) ALORS QU‘avant la mise en redressement ou la liquidation judiciaire, l'employeur a seul autorité pour prononcer le licenciement ; qu'en retenant que les licenciements étaient réguliers, quand elle constatait qu'ils avaient été notifiés par le liquidateur avant l'ouverture du redressement judiciaire et le prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 621-37 et L. 622-5 du code de commerce et les articles L. 122-14-4, L. 321-1 et L. 321-9 du code du travail ;

3) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du débat et s'impose à l'employeur ou au mandataire liquidateur ; que les lettres de licenciement prévoyaient que « pour le cas où la juridiction du second degré viendrait à remettre en cause la décision rendue par le tribunal de commerce de Saint-Quentin, la présente mesure de licenciement serait nulle et non avenue» (p. 1 § 5) ; qu'en décidant que, nonobstant l'accomplissement de cette condition résolutoire, les licenciements présentaient une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L.122-14-4 et L.321-1 du code du travail, ensemble, l'article 1183 du code civil ;

4) ALORS QUE la lettre de licenciement pour motif économique émanant du liquidateur judiciaire doit viser le jugement de liquidation en application duquel il est procédé au licenciement ; que les lettres de licenciement sont dès lors dépourvues de motivation en ce qu'elles visent le jugement du tribunal de commerce du 23 janvier 2004, et non l'arrêt de la cour d'appel du 27 juillet 2004 par lequel la liquidation judiciaire de l'entreprise a été définitivement prononcée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du code du travail ;

5) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le licenciement pour motif économique doit être consécutif à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, ou s'avérer indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; qu'en retenant que les lettres de licenciements étaient suffisamment motivées en ce qu'elles faisaient mention « de la fermeture de l'entreprise entraînant cessation totale d'activité (...) et du congédiement de l'ensemble du personnel » (cf. arrêt p. 6 § 4), sans constater que la fermeture de la société Confection 2001 avait été causée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, ou qu'elle s'était avérée indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du code du travail.

Moyen produit aux pourvois N° U 07-43.285 à H 07-43.297 par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils pour M. Y..., ès qualités, (défendeur au pourvoi incident).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à 1.400 euros le montant des dommages et intérêts alloués aux salariés pour violation de la procédure du licenciement économique collectif à inscrire comme créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CONFECTION 2001 ;

Aux motifs que si à son retour, après son arrêt maladie, Madame Nadège X..., qui était déléguée du personnel depuis le 6 mars 2002, a été désignée représentante des créanciers et si elle a pu exprimer son avis au cours d'une réunion le 2 février 2004 avec les salariés de la société, le mandataire liquidateur et le chef d'entreprise, cette désignation et cette participation à cette réunion, concomitantes des licenciements, ne valent pas information et consultation des délégués du personnel, telles que prévues par les dispositions légales ;

1) ALORS QU'aux termes de l'article L.321-9 du Code du travail « En cas de redressement ou de liquidation judiciaires, l'administrateur ou, à défaut, l'employeur ou le liquidateur, suivant les cas, qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 321-3 et aux articles L. 321-4, L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, L. 422-1, cinquième et sixième alinéas, et L. 432-1, deuxième alinéa » ; que cette consultation doit donc avoir lieu antérieurement aux licenciements, mais sans qu'une condition de délai ne soit fixée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que Madame X..., seule déléguée du personnel depuis le 6 mars 2002, et désignée représentante des créanciers après l'ouverture de la procédure collective, a exprimé son avis sur les licenciements lors d'une réunion du 2 février 2004, soit avant que les licenciements ne soient prononcés, postérieurement, par lettre datée du 3 février 2004 ; qu'en affirmant néanmoins que cela ne pouvait valoir information et consultation des délégués du personnel au prétexte de la concomitance entre les licenciements et la réunion, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article précité.

2) ALORS au surplus QU'en se contentant d'affirmer péremptoirement que le fait que l'unique déléguée du personnel ait exprimé son avis au cours d'une réunion qui s'est tenue à une date antérieure à celle portée sur les lettres de licenciement ne valait pas information et consultation des délégués du personnel, telles que prévues par les dispositions légales, sans dire en quoi ces dernières auraient été méconnues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.321-9 du Code du travail.

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