Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 février 1995, 93-12.064 93-12.393, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT N° 1

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 93-12.064, formé par la société Solovam crédit, et n° 93-12.393, formé par Mme Y..., ès qualités, qui attaquent le même arrêt ;

Sur le moyen unique, pris en ses sept branches, du pourvoi de la société Solovam crédit et sur le moyen unique, pris en ses trois branches, du pourvoi de Mme Y..., ès qualités, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 janvier 1993, n° 40) , que la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (la Société européenne de location) ayant été mise en redressement judiciaire, un préposé de la société anonyme Solovam crédit a adressé, dans les délais, au représentant des créanciers plusieurs déclarations de créances ; que le juge-commissaire a admis au passif les créances ainsi déclarées par 6 ordonnances qui ont été frappées d'appel par la société débitrice et l'administrateur de son redressement judiciaire ;

Attendu que la société Solovam crédit et Mme Y..., ès qualités, reprochent à l'arrêt d'avoir infirmé ces ordonnances et décidé que les créances étaient éteintes comme ayant été déclarées irrégulièrement et n'ayant pas fait l'objet d'une action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture alors, selon les pourvois, d'une première part, que ne constitue pas une irrégularité de fond le seul défaut de justification, à l'appui d'une déclaration de créance, du pouvoir de la personne physique figurant comme représentant de la personne morale créancière ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 114 et 117 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 50 et 51 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'une deuxième part, qu'il ne résulte pas de l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985 que la méconnaissance de ses dispositions et de celles des articles 67 et 68 du décret du 27 décembre 1985 pris pour son application soit sanctionnée par la nullité de la déclaration de créances ; que, par suite, la cour d'appel a violé l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'une troisième part, que l'existence des procurations, dès lors qu'elle est admise et quelle qu'en soit la date, emporte ratification de l'acte passé par le mandataire ; qu'il s'ensuit que la date de la procuration n'a pas besoin d'être certaine ; que, par suite, la cour d'appel a violé l'article 1998, alinéa 2, du Code civil et l'article 416 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que par fausse application l'article 1328 du Code civil ; alors, de quatrième part, que la procuration du " président-directeur général " de la société Solovam crédit en date du 13 décembre 1988 donne pouvoir à M. X... de notamment " signer tous actes... ou autres au greffe des tribunaux de commerce compétents, d'encaisser toutes sommes et de consentir toutes opérations de crédit " ; que, par suite, la cour d'appel a violé l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, de cinquième part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le signataire des déclarations de créances avait pouvoir aux fins de " produire à toutes procédures de redressement et de liquidation judiciaire " ; qu'il s'agissait donc bien d'un pouvoir spécial ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 853, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile ; alors, de sixième part, qu'en se bornant à relever qu'il résulterait des pièces communiquées par le liquidateur " qu'une seule est signée " sans constater laquelle et en tout en constatant l'extinction de toutes les créances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ; alors, de septième part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les pouvoirs en date des 13 décembre 1988 et 19 mars 1990 étaient bien antérieurs à l'expiration du délai de déclaration des créances le 24 juillet 1990 ; que, par suite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; et alors, enfin, qu'en énonçant, pour justifier de la nullité des déclarations de l'espèce, qu'elles ne sont pas toutes signées, la cour d'appel a violé l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ; qu'ayant relevé que les déclarations de créances litigieuses ont été adressées par M. de Z..., lequel ne tenait son pouvoir de déclarer les créances de la société Solovam crédit que de M. X... qui n'avait lui-même reçu du président du conseil d'administration de cette dernière que le pouvoir " d'effectuer toutes opérations de crédit, de location et de consentir des garanties ", ce dont il résulte que M. X... n'avait pas le pouvoir de déclarer les créances de la société Solovam crédit ni celui de le subdéléguer, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision, dès lors qu'il n'est pas reproché à sa décision d'avoir dénaturé le pouvoir dont était investi M. X... ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois .

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