Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 février 2017, 15-22.302, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 mai 2015), qu'engagé le 1er septembre 1999 en qualité de garde-malade par l'association Asei Foyer Frescatis chargé de l'accueil et de la prise en charge de personnes handicapées mentales ou souffrant de troubles de comportement, M. X... a été licencié par lettre du 16 décembre 2011 à la suite de violences exercées sur son épouse le 16 octobre 2011 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un fait tiré de la vie privée d'un salarié peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsque son comportement, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre dans l'entreprise, a créé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu'en énonçant, pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'association Asei Foyer Frescatis n'établissait pas que le comportement du salarié, qui s'était livré à de graves actes de violence sur son épouse et son enfant de 12 ans, avait causé un trouble objectif au sein de l'entreprise, après avoir pourtant constaté que l'employeur avait dû organiser un soutien psychologique au sein de l'association en convoquant tout le personnel pour une réunion avec le psychologue de la médecine du travail et qu'une tournée avait dû être faite auprès des résidents du foyer, psychologiquement fragiles, pour expliquer ces agissements, ce qui constituait un trouble objectif caractérisé occasionné au sein de l'association, la cour d'appel a violé les articles 9 du code civil, L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ qu'un fait tiré de la vie privée d'un salarié peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsque son comportement, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre dans l'entreprise, a créé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le comportement du salarié, qui s'était livré à de graves actes de violence sur son épouse, avait causé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si même survenus hors du lieu de travail, ces actes de violence avaient créé un environnement de craintes, d'angoisse et d'insécurité ressenti par les résidents du Foyer Frecastis, qui présentent la caractéristique d'être des personnes particulièrement vulnérables, en raison de ce qu'elles sont atteintes de pathologies mentales ou de troubles du comportement, ce qui constituait un trouble objectif caractérisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil, L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les éléments produits par l'employeur ne permettaient pas de caractériser l'existence d'un trouble objectif au sein de l'association, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Asei Foyer Frescatis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour l'association ASEI Foyer Frescatis

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur Edgar X... par l'ASSOCIATION ASEI FOYER FRESCATIS était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné cette dernière à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE chacun a droit au respect de sa vie privée et que si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise ; qu'en l'espèce il appartient à la juridiction prud'homale de rechercher si les faits graves de violence commis le 16 octobre 2011 par M. X... à l'encontre de son épouse, compte tenu des fonctions exercées et de la nature des infractions dont il a été déclaré coupable, ont créé un trouble au sein du foyer Frescatis où M. X... exerce, la nuit, les fonctions de garde-malade ; qu'alors que l'employeur a été très rapidement avisé des faits, de leur nature et du placement en garde à vue de M. X... et que l'information sera également diffusée par voie de presse avant l'engagement de la procédure de licenciement, il n'est justifié, alors que l'ASEI évoque dans la lettre de licenciement « des personnels très affectés par cette nouvelle » avec « mise en place d'une cellule de crise avec le médecin du travail accompagné d'une psychologue en criminologie pour apporter le soutien indispensable aux personnels », de « vives craintes et des angoisses, ... un climat d'insécurité dû à l'événement » et des «réactions pouvant aller jusqu'au malaise pour certains usagers, rendant nécessaire un accompagnement psychologique », que d'une convocation le 20 octobre 2011 du personnel pour une réunion prévue le 25 octobre 2011 au cours de laquelle un échange avec le psychologue de la médecine du travail est organisé (pièce 12), une facture de ce dernier du 2 novembre 2011 (pièce n° 13) pour un « debriefing psychologique » de 2h30 pour un coût de 237,50 € et d'un document de liaison du mercredi 10 octobre 2011, où il est indiqué que deux salariés «passeront sur les unités pour donner une explication et mettre des mots sur la situation d'Edgar » ; que ces éléments, sans nier l'émoi pouvant être suscité par la révélation de ce type de faits, ne prouvent nullement l'existence d'un « trouble objectif au sein de l'entreprise » ; que dès lors le licenciement intervient sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QU' un fait tiré de la vie privée d'un salarié peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsque son comportement, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre dans l'entreprise, a créé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu'en énonçant, pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'Association ASEI FOYER FRESCATIS n'établissait pas que le comportement de Monsieur X..., qui s'était livré à de graves actes de violence sur son épouse et son enfant de 12 ans, avait causé un trouble objectif au sein de l'entreprise, après avoir pourtant constaté que l'employeur avait dû organiser un soutien psychologique au sein de l'association en convoquant tout le personnel pour une réunion avec le psychologue de la médecine du travail et qu'une tournée avait dû être faite auprès des résidents du foyer, psychologiquement fragiles, pour expliquer ces agissements, ce qui constituait un trouble objectif caractérisé occasionné au sein de l'Association, la Cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil, L. 1121-1 et L. 1232-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, un fait tiré de la vie privée d'un salarié peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsque son comportement, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre dans l'entreprise, a créé un trouble objectif caractérisé au sein de celle-ci ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le comportement de Monsieur X..., qui s'était livré à de graves actes de violence sur son épouse, avait causé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si même survenus hors du lieu de travail, ces actes de violence avaient créé un environnement de craintes, d'angoisse et d'insécurité ressenti par les résidents du Foyer FRECASTIS, qui présentent la caractéristique d'être des personnes particulièrement vulnérables, en raison de ce qu'elles sont atteintes de pathologies mentales ou de troubles du comportement, ce qui constituait un trouble objectif caractérisé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du Code civil, L. 1121-1 et L. 1232-1 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00253
Retourner en haut de la page