Cour d'appel de Paris, 19 juin 2008, 06/17901

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section C

ARRET DU 19 JUIN 2008

(no , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/17901

Décision déférée à la Cour : Ordonnance d'exequatur rendue le
9 août 2006 par le délégataire du Président du T.G.I. de PARIS
déclarant exécutoire en France une sentence arbitrale rendue le
7 mars 2006 par le CRCICA no382/2004



APPELANTS

GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE ARABE
D'EGYPTE
dont le siège social est : République Arabe d'Egypte - Mogamaa Building -
Tahrir Square
LE CAIRE EGYPTE
agissant par son exécutif le Gouvernement de la République Arabe
d'Egypte agissant lui-même en la personne de son Premier Vice-président
de l'Autorité d'Etat chargé des affaires judiciaires et de son
Conseiller d'Etat - Département des litiges étrangers domicilié à cette adresse.


Monsieur LE MINISTRE DES TRANSPORTS
Ministère des Transports - 105 Kasr Al Aini Street
LE CAIRE EGYPTE

Monsieur LE MINISTRE DE L'AVIATION CIVILE
Ministère de l'Aviation civile - Al Ouroubat Street -
Airport Road Masr Al Jadidat
EGYPTE

représentés par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS,
avoués à la Cour
assistés de Maître OTTO Maxime et Tom WEBSTER
avocats associés Toque J 059












INTIMEE

La Société MALICORP LTD
ayant son siège : 3 B Aldenham Grove, Radlett, Hertfordshire
WD7 7BW - Royaume Uni

représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI,
avoués à la Cour
assistée de Maître Yassin TAGELDIN YASSIN
avocat au barreau du Caire, EGYPTE
et Maître Emilie RAVIN avocat plaidant
pour la SCP COUTARD du barreau de Paris P 39



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mai 2008,
en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Monsieur MATET, conseiller
Monsieur HASCHER, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND

Ministère public :
L'affaire a été communiquée au Ministère Public

ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé en audience publique par Monsieur PÉRIÉ, Président,
- signé par Monsieur PÉRIÉ, Président, et par Mme FALIGAND
greffier présent lors du prononcé.


*******


Le gouvernement de la République arabe d'Egypte a fait appel le 16 octobre 2006 d'une ordonnance d'exequatur rendue le 9 août 2006 le président du tribunal de grande instance de Paris d'une sentence no 382/2004 prononcée en Egypte le 7 mars 2006 sous les auspices du Centre régional d'arbitrage du Caire par M.M. EL Ahdab et Gabr, arbitres, Bernardo Cremades, président, lesquels, statuant sur la base de la clause compromissoire d'un contrat de concession signé entre la direction de l'aviation civile Egyptienne et la société britannique Malicorp pour la construction d'un aéroport dans le Sinaï, ont dit que :

" 1. Le tribunal arbitral est compétent pour toutes les demandes découlant du contrat de concession, et en particulier les demandes du demandeur dans la présente procédure d'arbitrage à l'encontre de la République arabe d'Egypte, de The Egyptian Holding Compagny for Aviation et de The Egyptian Airport Compagny ;

2. Les parties au contrat de concession sont le demandeur et la République arabe d'Egypte. En conséquence, les demandes formulées à l'encontre de The Egyptian Holding Compagny for Aviation et The Egyption Airport Compagny sont rejetées ;

3. Le contrat de concession est un contrat administratif régi par le droit interne égyptien. Il s'agit également d'un contrat international impliquant un Etat et il est soumis aux principes applicables auxdits contrats ;

4. Le contrat de concession a été annulé pour erreur. Le tribunal arbitral reconnaît également que la République arabe d'Egypte était en droit d'annuler le contrat de concession et l'a fait le 12 août 2001 ;

5. Au lieu de la réintégration à sa position d'origine avant la signature du contrat de concession, la République arabe d'Egypte versera au demandeur la somme de 14 773 497 USD (quatorze millions sept cent soixante-treize mille quatre cent quatre-vingt dix-sept dollars US) à titre de dommages-intérêts ;

6. Le demandeur d'une part et les défendeurs d'autre part supporteront chacun la moitié des frais et dépens de l'arbitrage (qui s'élèvent à un total de 366.0000 USD (trois cent soixante-six mille dollars US). En conséquence, les défendeurs
se voient expressément ordonner de payer au demandeur la somme de 147 050 US (cent quarante-sept mille cinquante dollars US), la part des défendeurs correspondant à la moitié des frais et dépens déjà payés par le demandeur. Chaque partie devra payer ses propres frais de justice et honoraires d'avocat ;

7. Le demandeur est en droit de recevoir des intérêts au taux de quatre pour cent par an sur les dommages-intérêts à compter du 28 avril 2004 jusqu'à la date de paiement, et sur les frais et dépens à compter de la date de la présente sentence finale jusqu'à la date de paiement" .


Le gouvernement de la République arabe d'Egypte soulève trois moyens au soutien de son appel, l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral (art.1502-2o CPC), le non-respect du principe de la contradiction (art.1502-4o du CPC), la contrariété de l'exécution de la sentence à l'ordre public international (art1502-5o CPC). Il conclut à la condamnation de la société Malicorp aux dépens et à lui verser une somme de100.000 € en application de l ‘article 700 du code de procédure civile.


La société de droit anglais Malicorp demande de confirmer l'ordonnance d'exequatur, de condamner la République arabe d'Egypte, outre aux dépens, à lui verser la somme de 115.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.


SUR CE LA COUR :
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Sur le non respect du principe de la contradiction (article 1502-4o du code de procédure civile) :
Le gouvernement de la République arabe d'Egypte dit que le tribunal arbitral s'est fondé sur des prétendues règles de droit égyptien qui n'ont été ni soulevées, ni débattues par les parties. Celles-ci s'étaient expliquées sur les principes de la responsabilité contractuelle en vertu de l'article 221 du code civile égyptien, mais le tribunal a soulevé d'office l'erreur et octroyé des dommages et intérêts à la partie fautive pour perte de profits sur une base qu'il a créée de toutes pièces en se fondant sur les articles 120 (demande d'annulation pour erreur), 121 (bases de l'annulation pour erreur) et 142 (principe de restitution en cas d'annulation pour erreur), du code civil égyptien qui n'ont pas été débattues par les parties.

Considérant, comme le rappelle l'intimée dans ses écritures, que si les arbitres n'ont effectivement pas l'obligation de soumettre au préalable leur motivation à une discussion contradictoire, ils doivent cependant respecter le principe de la contradiction ;

Que le tribunal arbitral a toutefois, sans débat contradictoire, fondé sa décision sur les dispositions non invoquées des articles 120, 121 et 142 du code civil égyptien, que les arbitres n'ont pas ainsi motivé leur sentence en appliquant leur raisonnement aux éléments débattus par les parties ;


Que l'ordonnance d'exequatur est infirmée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, la sentence ne pouvant être accueillie en France;


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :


Considérant que la société Malicorp supporte les dépens et verse au gouvernement de la République arabe d'Egypte une somme de 100.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;



PAR CES MOTIFS :
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Infirme l'ordonnance d'exequatur,

Dit que la sentence no382/2004 ne peut être accueillie ou exécutée en France,

Condamne la société Malicorp à payer au gouvernement de la République arabe d'Egypte une somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


Rejette toute autre demande,


Condamne la société Malicorp aux dépens et admet la SCP Monin d'Auriac de Brons, avoué, au bénéfice du droit prévu par l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER, LE PRESIDENT






R. FALIGAND J.F. PERIE

















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