Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 26 janvier 2005, 03-11.646, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 25 octobre 2002) que par convention du 4 février 1994, la société civile immobilière les résidences de La Colline (la SCI), maître de l'ouvrage, a confié la maîtrise d'oeuvre d'une opération de construction d'immeubles de logements, à cinq cocontractants, dont la société à responsabilité limitée Archi 3, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la société ICS Assurances, elle-même en liquidation judiciaire, ayant pour liquidateur la société civile professionnelle Becheret-Thierry, et la société Réunion Turra Ingénierie (société RTI) ; qu'arguant du non règlement d'un solde d'honoraires, la société RTI a assigné en paiement la SCI, qui, invoquant des désordres consistant en des erreurs de hauteur dans la réalisation de la couverture, a sollicité la réparation de son préjudice ; que la société RTI a appelé en garantie son assureur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société RTI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme à la SCI alors, selon le moyen :

1 / que la solidarité ne se présume pas, mais doit avoir été expressément stipulée; qu'en l'espèce, le contrat de maîtrise d'oeuvre qui confère à chacun des intervenants une mission bien définie, ne contient aucune clause stipulant expressément une solidarité passive entre les cinq intervenants au titre de la maîtrise d'oeuvre ; qu'en condamnant la société RTI, sur le fondement de la solidarité passive, à réparer le surcoût résultant des erreurs commises par la SARL Archi 3, la cour d'appel a violé l'article 1202 du Code civil ;

2 / que la solidarité, à défaut d'avoir été expressément stipulée, doit résulter clairement et nécessairement du contrat ; que ni le fait que les cinq intervenants soient désignés dans le contrat, pour de simples raisons de commodité, par le seul terme de "maîtrise d'oeuvre", ni le fait que le contrat précise que les cinq intervenants ont mandaté un mandataire commun, ne fait clairement et nécessairement apparaître l'existence d'une solidarité passive entre ces intervenants ; qu'en condamnant néanmoins la société RTI sur le fondement de la solidarité passive, la cour d'appel a violé l'article 1202 du Code civil ;

3 / que la clause figurant à l'article 8-1, 8 du contrat de maîtrise d'oeuvre précisant que "la maîtrise d'oeuvre est responsable des fautes de toute nature commises par ses représentants ou ses préposés envers le maître de l'ouvrage", signifie seulement que les intervenants personnes morales sont responsables des fautes, y compris délictuelles, commises par les personnes physiques qui sont leurs représentants ou salariés, et ne stipule aucune solidarité passive entre les cinq intervenants ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1202 du Code civil ;

4 / qu'en soulevant d'office le moyen tiré de la faute personnelle de la société RTI, sans avoir mis cette dernière en mesure de s'en expliquer dans le cadre d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si la solidarité ne se présume pas, il appartient aux juges du fond de rechercher si elle ressort clairement et nécessairement du titre constitutif de l'obligation, alors même que celle-ci n'a pas été qualifiée de solidaire; qu'ayant relevé que la convention de maîtrise d'oeuvre ne définissait pas de spécificités particulières dans les interventions des cinq professionnels cocontractants du maître de l'ouvrage, lesquels étaient engagés exactement dans les mêmes termes et sans que leurs honoraires soient diversifiés, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que chacun des cocontractants s'était engagé solidairement vis-à-vis du maître de l'ouvrage, a, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la faute personnelle de la société RTI, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts supplémentaires pour surcoût financier, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a admis que le maître de l'ouvrage avait été contraint du fait des erreurs de cotes, d'engager des dépenses supplémentaires ; qu'en se bornant à retenir que la facture d'un montant de 43 368,57 francs, réglée à la société Isaufer, correspondait à des fournitures et aux frais de première "pose", sans rechercher si le principe ou à tout le moins le montant de ces frais n'avait précisément pas été occasionné par les erreurs de cotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, faisant sien l'avis technique de l'expert, que la facture réglée par la SCI à la société Isaufer ne correspondait pas à un surcoût financier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Réunion Turra Ingénierie à payer la somme de 1 000 euros à la SCP Becheret-Thierry, ès qualités ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Les Résidences de la Colline à payer la somme de 1 000 euros à la SCP Becheret-Thierry, ès qualités ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Réunion Turra Ingénierie et de la société Les Résidences de la Colline ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille cinq.

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