Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 avril 2016, 14-24.388, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2014), qu'engagé le 24 décembre 1994 par le centre médical Félix Mangini, aux droits duquel vient l'association Organisation pour la santé et l'accueil, en qualité d'ouvrier d'entretien, M. X... a été convoqué le 3 mars 2011 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 16 mars 2011 à l'issue duquel aucune sanction n'a été prononcée ; qu'à la suite d'une nouvelle convocation à un entretien préalable pour le 14 septembre 2011, une mise à pied de trois jours lui a été notifiée le 29 septembre 2011 ; qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 19 septembre 2011 ; que le 6 mars 2012, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 novembre 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la sanction de mise à pied, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond doivent examiner tous les éléments de preuves soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que les numéros de téléphone fixes des salariés étaient codifiés afin de respecter leur vie personnelle et que ces numéros ne pouvaient donc être composés qu'à partir de l'établissement de l'association, de sorte que M. Z..., directeur du centre, n'avait pas pu contacter le salarié le dimanche 11 septembre dans la mesure où il était lui-même d'astreinte ce jour-là, et ne se trouvait donc pas dans l'établissement ; que l'employeur faisait en outre valoir et offrait de prouver que les lignes avaient été codifiées bien avant l'incident du 11 septembre 2011, de sorte que l'attestation du responsable logistique du Centre Mangini versée aux débats par le salarié devait être remise en cause ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré que l'employeur avait cherché à joindre son salarié à son domicile sur sa ligne fixe, sans à aucun moment s'expliquer sur les éléments de preuve qu'apportait l'employeur au soutien de ses affirmations de nature à exclure toute faute ou toute négligence de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code du travail ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent dire une sanction disciplinaire injustifiée sans avoir au préalable examiné tous les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre notifiant cette sanction ; que dans la lettre de mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2011, l'employeur invoquait à l'appui de la sanction, outre le fait pour le salarié de ne pas avoir été joignable le dimanche 11 septembre 2011, pendant son astreinte, le fait de ne pas avoir rappelé son employeur et n'avoir donné aucune suite pendant plusieurs jours et d'avoir le 14 septembre suivant affirmé ne jamais regarder ses messages et que tout cela n'était pas son problème ; que la cour d'appel, qui, pour dire la sanction injustifiée, n'a examiné que le fait pour le salarié de ne pas avoir été joignable le 11 septembre 2011, a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code du travail ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l'employeur avait versé aux débats un courrier du salarié du 5 novembre 2011 aux termes duquel il indiquait avoir tenu le 14 septembre 2011 les propos qui lui étaient reprochés dans la lettre de mise à pied disciplinaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, sans viser ni analyser serait-ce sommairement le courrier du salarié dûment versé aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Mais attendu qu'examinant l'ensemble des griefs invoqués au soutien de la sanction et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, que cette sanction n'était pas fondée ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes, alors selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant dit que la mise à pied disciplinaire était injustifiée entraînera l'annulation du chef du dispositif ayant jugé que la prise d'acte de rupture du salarié était justifiée et devait s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que le salarié qui se désintéressait de son travail depuis quelques temps avait lors d'un entretien du 23 janvier 2012, demandé expressément à son employeur de procéder à son licenciement en raison d'un autre projet professionnel (courrier du 3 février 2012), ce qui lui a été refusé, l'employeur lui proposant en revanche un bilan de compétences et que suite à ce refus, il avait agi en justice en vue d'obtenir la résiliation de son contrat de travail pour un prétendu manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail puis avait pris acte de la rupture le 6 novembre 2013 ; que l'employeur en déduisait que le salarié avait invoqué de mauvaise foi de prétendus agissements fautifs de l'employeur aux seules fins d'obtenir une indemnisation indue ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur avait affirmé que lors de l'entretien préalable du 16 mars 2011 le salarié avait indiquait que « je sais les risques… mais je m'en fous… moi mon truc c'est souder, bricoler… » ; que le salarié ne contestait pas avoir eu ces propos ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l'employeur avait versé aux débats un courrier du salarié du 5 novembre 2011 aux termes duquel il indiquait avoir tenu le 14 septembre 2011 les propos qui lui étaient reprochés dans la lettre de mise à pied disciplinaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, sans viser ni analyser serait-ce sommairement le courrier du salarié dûment versé aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il existait lors de la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2011 un contexte où de nombreuses tâches de maintenance étaient externalisées, sans indiquer les éléments lui permettant de procéder à une telle constatation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés par le salarié à son employeur, à savoir le fait de l'avoir mis à pied disciplinaire le 29 novembre 2011 de façon injustifiée et d'avoir rappelé dans la lettre de notification de cette sanction un incident du 3 mars 2011, non sanctionné et prescrit, et d'avoir indiqué qu'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement serait encourue en cas de réitération du manquement, étaient antérieurs de plusieurs mois à sa demande de résiliation judiciaire introduite le 6 mars 2012 et de plusieurs années à sa prise d'acte, en date du 6 novembre 2013, et n'avaient pas empêché la poursuite de son contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins ces faits comme suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat par le salarié, quand il résultait de ses propres constatations que le manquement reproché à le supposer avéré n'était pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par une décision motivée, hors toute dénaturation des termes du litige et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, que l'employeur avait délibérément usé de son pouvoir disciplinaire non pour sanctionner un manquement réel du salarié mais pour exercer des pressions sur celui-ci, exerçant ainsi son pouvoir disciplinaire de manière abusive et déloyale et que ces agissements avaient eu des répercussions sur la santé de l'intéressé, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits constituaient un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que le moyen, sans objet sur sa première branche du fait du rejet du premier moyen, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Organisation pour la santé et l'accueil aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Organisation pour la santé et l'accueil ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Organisation pour la santé et l'accueil

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur aux entiers dépens et à payer à son salarié la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'AVOIR annulé la sanction de mise à pied disciplinaire prononcée le 29 septembre 2011 et d'AVOIR condamné l'employeur à payer à son salarié la somme complémentaire de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 1 - Les parties sont tout d'abord opposées sur le bien fondé de la sanction disciplinaire du 29 septembre 2011.
Monsieur X..., en cause d'appel, en demande l'annulation.
1 - 1 Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'employeur exerce son pouvoir dans les limites fixées par la loi et le règlement intérieur de l'entreprise. Les garanties procédurales qui entourent ces mesures sont prévues aux articles L1332-1 et suivants du même code.
Par ailleurs, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
La date d'engagement des poursuites disciplinaires étant celle à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
1 - 2 Par la mise à pied disciplinaire de trois jours prononcée aux termes de sa lettre du 29 septembre 2011, l'employeur a entendu sanctionner les manquements du salarié commis le 11 septembre 2011, lui reprochant en effet :
« Le 11 septembre 2011, aux alentours de 12h30, alors que vous étiez en situation d'astreinte à votre domicile, j'ai tenté en vain de vous joindre afin que vous réalisiez un transport de médicaments entre nos deux établissements pour un patient hospitalisé. Malgré deux messages laissés sur votre boîte vocale, je n'ai pu vous contacter sur aucun des deux téléphones portables mis à votre disposition par l'Association. Force est de constater que je n'ai eu aucun appel en retour de votre part, y compris lors de votre retour à Hauteville à la reprise de votre poste à 16 heures.
Le 14 Septembre 2011, sans aucune autre explication, c'est avec une désinvolture flagrante que vous m'avez affirmé « ne jamais regardé vos messages » et d'ajouter « que tout cela n'est pas votre problème » (...) Or, en tant qu'agent de maintenance, il vous incombe lorsque vous êtes en situation d'astreinte, d'être joignable à fin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer le travail au service de l'établissement.
Je tiens à vous rappeler que les astreintes sont mises en place dans le cadre de la continuité des soins et de la sécurité. Il est particulièrement inadmissible que vous n'ayez pas répondu, ni même donné suite à mes nombreux appels. Ainsi, le fait de ne pas être joignable par téléphone constitue un réel danger et susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement. (...) ». Monsieur Jean-Marc R. conteste cette sanction disciplinaire dont il demande en cause d'appel l'annulation.
Il justifie par la production de plusieurs attestations circonstanciées que les opérateurs de téléphonie mobile ne couvrent pas la zone dans laquelle il habite. Il verse surtout aux débats l'attestation de Monsieur A..., responsable du service technique, qui indique « avoir personnellement constaté en me rendant chez Monsieur Jean-Marc X... et que les téléphones mis à la disposition pour les astreintes perdaient le réseau. Pour remédier à ce problème nous avions codifié les lignes fixes personnels de l'équipe de maintenance, celle de Monsieur Jean-Marc X... y compris. Les codes sont inscrits sur les fiches d'astreinte atelier disponibles en cas de besoin.'
Monsieur Jean-Marc X... verse également aux débats l'affiche d'astreinte des mois d'août et septembre 2011 sur laquelle apparaissent codés d'une part les numéros des « portables »mis à disposition des salariés par l'employeur d'autre part les numéros « domicile » de chacun des salariés de permanence.
Or s'il ressort de la lettre prononçant la mise à pied disciplinaire contestée que l'employeur a cherché à joindre Monsieur X... sur le téléphone portable, il n'est pas démontré qu'il ait vainement cherché à le joindre à son domicile sur sa ligne fixe. De plus, l'employeur ne démontre par aucune de ces pièces que les opérateurs de téléphonie couvrent la zone dans laquelle habite le salarié.
L'employeur ne peut donc valablement reprocher au salarié une situation technique à laquelle il est étranger et qu'il ne peut maîtriser.
Dans le contexte précité, la mise à pied disciplinaire de trois jours apparaît donc comme injustifiée et il convient de l'annuler.

En effet, tout d'abord l'employeur, dans la lettre du 3 mars 2011 convoquant le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, écrit au salarié « je vous informe que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire... » en invoquant des « faits d'une particulière gravité, des 17 et 18 février 2011 concernant le groupe électrogène ». Toutefois, à l'issue de cet entretien aucune mesure ou sanction à caractère disciplinaire n'a été prise par l'employeur, fusse au moyen d'une lettre de recadrage. L'employeur est donc réputé avoir entendu et accepté les explications données par le salarié lors de cet entretien. Ensuite l'employeur reprend cet incident, pourtant prescrit, dans la lettre de sanction du 29 septembre 2011 qu'il achève d'ailleurs par la menace d'une éventuelle sanction plus grave. L'employeur écrit en effet : « ainsi le fait de ne pas être joignable par téléphone constitue un réel danger et est susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement.
Sur ce point, force est de constater que vous n'avez pas pris la mesure des conséquences qu'aurait pu avoir votre défaillance. Je tiens à vous rappeler que, le 16 mars dernier, suite à la fuite de fuel, vous avez tenu des propos similaires : 'Je sais les risques ...mais je m'en fous...' Tant ces événements que ceux du 14 septembre 2011 soulignent votre absence de conscience des obligations et responsabilités qui vous incombent pour assurer la sécurité dans l'établissement. Je vous rappelle enfin que toute nouvelle faute ou manquement de votre part nous conduirait à envisager alors d'autres sanctions pouvant aller jusqu'à la rupture de votre contrat pour faute grave ».
Or aucun élément ou témoignage au dossier de l'employeur ne vient corroborer ses allégations sur les propos qu'aurait tenus le salarié qui jusque là avait toujours effectué sans problème, ses permanences ou astreintes » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond doivent examiner tous les éléments de preuves soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver (productions n°13 et 14) que les numéros de téléphone fixes des salariés étaient codifiés afin de respecter leur vie personnelle et que ces numéros ne pouvaient donc être composés qu'à partir de l'établissement de l'association, de sorte que Monsieur Z..., Directeur du centre, n'avait pas pu contacter le salarié le dimanche 11 septembre dans la mesure où il était lui-même d'astreinte ce jour-là, et ne se trouvait donc pas dans l'établissement (conclusions d'appel de l'exposante p.10) ; que l'employeur faisait en outre valoir et offrait de prouver (productions n°16 et 17) que les lignes avaient été codifiées bien avant l'incident du 11 septembre 2011, de sorte que l'attestation du responsable logistique du Centre Mangini versée aux débats par le salarié devait être remise en cause (conclusions d'appel de l'exposante p.11 § 7 à 9) ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré que l'employeur avait cherché à joindre son salarié à son domicile sur sa ligne fixe, sans à aucun moment s'expliquer sur les éléments de preuve qu'apportait l'employeur au soutien de ses affirmations de nature à exclure toute faute ou toute négligence de sa part, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dire une sanction disciplinaire injustifiée sans avoir au préalable examiné tous les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre notifiant cette sanction ; qu'en l'espèce, dans la lettre de mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2011, l'employeur invoquait à l'appui de la sanction, outre le fait pour le salarié de ne pas avoir été joignable le dimanche 11 septembre 2011, pendant son astreinte, le fait de ne pas avoir rappelé son employeur et n'avoir donné aucune suite pendant plusieurs jours et d'avoir le 14 septembre suivant affirmé ne jamais regarder ses messages et que tout cela n'était pas son problème ; que la Cour d'appel, qui, pour dire la sanction injustifiée, n'a examiné que le fait pour le salarié de ne pas avoir été joignable le 11 septembre 2011, a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur avait versé aux débats un courrier de Monsieur X... du 5 novembre 2011 aux termes duquel il indiquait avoir tenu le 14 septembre 2011 les propos qui lui étaient reprochés dans la lettre de mise à pied disciplinaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, sans viser ni analyser serait-ce sommairement le courrier de Monsieur X... dument versé aux débats par l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur aux entiers dépens et à payer à son salarié les sommes de 3500,46 euros à titre d'indemnité de préavis, de 6695,43 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 19000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail, de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'AVOIR dit que la prise d'acte de rupture du salarié devait produire, à la date du 6 novembre 2013, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné l'employeur à payer à son salarié la somme complémentaire de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « 2 - Les parties sont ensuite opposées sur l'analyse qu'il convient de faire de la rupture du contrat de travail.
Monsieur X... a demandé à la cour, à titre principal, de statuer sur la demande de résiliation judiciaire et à titre subsidiaire sur les effets de la prise d'acte de rupture.
2 ' 1 La résiliation judiciaire prononcée par le conseil de prud'hommes, dans le cadre du jugement entrepris n'est pas assortie de l'exécution provisoire. La relation contractuelle a perduré.
Depuis le prononcé du jugement, il y a eu une évolution du litige, Monsieur X... ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 6 novembre 2013. La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.
S'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de sa prise d'acte. La demande formée à titre principal par Monsieur X... doit être rejetée, étant devenue sans objet.
La cour doit examiner par conséquent, la seule prise d'acte.
A cet égard, il convient de rappeler que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, ils doivent pour cela être d'une gravité suffisante rendant impossible le maintien de la relation contractuelle de travail, soit dans le cas contraire, d'une démission.
En cas de litige il appartient au juge, par application des dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail, d'apprécier la gravité et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, le salarié devant établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
2 - 2 Monsieur Jean-Marc X... soutient que sa prise d'acte se justifie par les pressions et le harcèlement moral exercés sur lui par son employeur, se traduisant par la mise en 'oeuvre abusive des procédures disciplinaires.
L'Association Organisation pour la Santé et l'Accueil soutient que cette prise d'acte doit s'analyser en une démission dès lors qu'il n'y a jamais eu de sa part d'abus du pouvoir disciplinaire.
Monsieur Jean-Marc X... a été embauché le 24 décembre 1994 et il a, 16 ans durant, donné satisfaction, au demeurant l'employeur ne justifie antérieurement à 2011 d'aucune notation réservée sur l'activité professionnelle de ce salarié pas plus que d'un passé disciplinaire. Or, en 2011 surviennent deux épisodes à caractère disciplinaire, tout d'abord en mars 2011 puis en septembre 2011(Cf les développements § 1-2), qui ont en commun, à la lecture des courriers de l'employeur, les difficultés liées aux permanences demandées au salarié et plus généralement à son manque de sérieux et de conscience dans son travail.
En effet, tout d'abord l'employeur, dans la lettre du 3 mars 2011 convoquant le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, écrit au salarié « je vous informe que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire... » en invoquant des « faits d'une particulière gravité, des 17 et 18 février 2011 concernant le groupe électrogène ». Toutefois, à l'issue de cet entretien aucune mesure ou sanction à caractère disciplinaire n'a été prise par l'employeur, fusse au moyen d'une lettre de recadrage. L'employeur est donc réputé avoir entendu et accepté les explications données par le salarié lors de cet entretien. Ensuite l'employeur reprend cet incident, pourtant prescrit, dans la lettre de sanction du 29 septembre 2011 qu'il achève d'ailleurs par la menace d'une éventuelle sanction plus grave. L'employeur écrit en effet : « ainsi le fait de ne pas être joignable par téléphone constitue un réel danger et est susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement.
Sur ce point, force est de constater que vous n'avez pas pris la mesure des conséquences qu'aurait pu avoir votre défaillance. Je tiens à vous rappeler que, le 16 mars dernier, suite à la fuite de fuel, vous avez tenu des propos similaires : 'Je sais les risques ...mais je m'en fous...' Tant ces événements que ceux du 14 septembre 2011 soulignent votre absence de conscience des obligations et responsabilités qui vous incombent pour assurer la sécurité dans l'établissement. Je vous rappelle enfin que toute nouvelle faute ou manquement de votre part nous conduirait à envisager alors d'autres sanctions pouvant aller jusqu'à la rupture de votre contrat pour faute grave ».
Or aucun élément ou témoignage au dossier de l'employeur ne vient corroborer ses allégations sur les propos qu'aurait tenus le salarié qui jusque là avait toujours effectué sans problème, ses permanences ou astreintes.
Il convient de constater, eu égard à l'absence de sanction prononcée en mars 2011 comme au caractère non fondé de celle de septembre 2011 qu'en appelant délibérément le salarié sur un téléphone portable plutôt que sur son téléphone fixe sur lequel il est effectivement joignable, et ce alors que les problèmes de couverture des réseaux mobiles sont connus, puis en rappelant un fait prescrit et non sanctionné et de surcroît en laissant planer la menace d'une sanction plus grave, dans un contexte où qui plus est de nombreuses tâches de maintenance sont désormais externalisées, l'employeur a entendu délibérément user de son pouvoir disciplinaire non pour sanctionner un manquement réel du salarié mais pour exercer une pression sur ce dernier qui doit s'analyser en un usage déloyal du pouvoir disciplinaire.
Cet usage abusif et déloyal de son pouvoir disciplinaire par l'employeur a eu de surcroît des répercussions sur la santé de Monsieur Jean-Marc X... ainsi qu'en atteste son médecin traitant dénotant la gravité et le danger que ces menaces faisaient peser sur la santé de ce salarié.
Les manquements dénoncés étant avérés et d'une gravité telle rendant impossible le maintien de la relation contractuelle, que la prise d'acte de rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3- Monsieur X... réclame paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3500,46 euros et d'une indemnité conventionnelle d'un montant de 6695,43 euros, indemnités dont le montant réclamé n'est aucunement contesté par l'employeur.
Au moment de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X... avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
La cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à Monsieur X... une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 19000 euros.
Le jugement entrepris, compte tenu de l'évolution du litige, doit être confirmé en ce qu'il a:
- condamné l'Association Orsac à payer à Monsieur Jean-Marc R. les sommes suivantes :
* 3 500,46 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 6 695,43 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 19 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail,
* 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné l'Association Orsac aux entiers dépens.
Il doit être infirmé sur le surplus.
4 - L'Association Organisation pour la Santé et l'Accueil succombant en son appel doit supporter la charge des dépens de cette instance et être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les considérations d'équité justifient que soit allouée à Monsieur X... une indemnité complémentaire de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant dit que la mise à pied disciplinaire était injustifiée entraînera l'annulation du chef du dispositif ayant jugé que la prise d'acte de rupture du salarié était justifiée et devait s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que Monsieur X... qui se désintéressait de son travail depuis quelques temps avait lors d'un entretien du 23 janvier 2012, demandé expressément à son employeur de procéder à son licenciement en raison d'un autre projet professionnel (courrier du 3 février 2012), ce qui lui a été refusé, l'employeur lui proposant en revanche un bilan de compétences et que suite à ce refus, il avait agi en justice en vue d'obtenir la résiliation de son contrat de travail pour une prétendue manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail puis avait pris acte de la rupture le 6 novembre 2013 ; que l'employeur en déduisait que le salarié avait invoqué de mauvaise foi de prétendus agissements fautifs de l'employeur aux seules fins d'obtenir une indemnisation indue (conclusions d'appel p.5 et 14) ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé par l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur avait affirmé que lors de l'entretien préalable du 16 mars 2011 le salarié avait indiquait que « je sais les risques… mais je m'en fous… moi mon truc c'est souder, bricoler… » (conclusions d'appel de l'exposante p.3 § 1) ; que le salarié ne contestait pas avoir eu ces propos ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur avait versé aux débats un courrier de Monsieur X... du 5 novembre 2011 aux termes duquel il indiquait avoir tenu le 14 septembre 2011 les propos qui lui étaient reprochés dans la lettre de mise à pied disciplinaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne produisait aucun élément ou témoignage pour corroborer ses affirmations sur les propos tenus par son salarié, sans viser ni analyser serait-ce sommairement le courrier de Monsieur X... dument versé aux débats par l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il existait lors de la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2011 un contexte où de nombreuses tâches de maintenance étaient externalisées, sans indiquer les éléments lui permettant de procéder à une telle constatation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés par Monsieur X... à son employeur, à savoir le fait de l'avoir mis à pied disciplinaire le 29 novembre 2011 de façon injustifiée et d'avoir rappelé dans la lettre de notification de cette sanction un incident du 3 mars 2011, non sanctionné et prescrit, et d'avoir indiqué qu'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement serait encourue en cas de réitération du manquement, étaient antérieurs de plusieurs mois à sa demande de résiliation judiciaire introduite le 6 mars 2012 et de plusieurs années à sa prise d'acte, en date du 6 novembre 2013, et n'avaient pas empêché la poursuite de son contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins ces faits comme suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat par le salarié, quand il résultait de ses propres constatations que le manquement reproché à le supposer avéré n'était pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00737
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