Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 13-27.507, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 septembre 2013), que le comptable du service des impôts des entreprises d'Evreux Nord (le comptable) a assigné M. X... afin qu'en sa qualité de gérant de la société La Centrale de déstockage (la société), il soit déclaré solidairement responsable du paiement des impositions restant dues par cette dernière, placée en liquidation judiciaire ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen qu'il n'est fait application des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales que si l'administration fiscale a préalablement exercé tous les contrôles qui lui incombaient pour obtenir, en temps utile, paiement des impositions dues par la société ; que, dès lors, M. X... ayant fait valoir, sans être contredit, que le rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré annuellement par la société La Centrale de déstockage dans les liasses fiscales remises à l'administration fiscale et celui déclaré par cette société dans ses déclarations mensuelles de TVA suffisait à révéler la minoration du chiffre d'affaires indiqué dans ces dernières déclarations, la cour d'appel, en décidant qu'il n'incombait pas à l'administration fiscale d'opérer ce contrôle spontané par voie de rapprochement des informations contradictoires qui lui étaient communiquées par la société La Centrale de déstockage, pour en déduire que les manquements de M. X... étaient en lien de causalité exclusif avec l'impossibilité de recouvrement des impositions dues par la société et le condamner au paiement de la dette fiscale de celle-ci, a méconnu le texte susvisé ;

Mais attendu que l'arrêt constate que le contrôle effectué par l'administration fiscale a révélé une pratique habituelle de minoration des déclarations de chiffres d'affaires, de retards dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de défauts de reversement de cette taxe facturée et comptabilisée, ayant permis à M. X... de conserver frauduleusement une partie des fonds collectés à ce titre dans la trésorerie de la société et de retarder la procédure de recouvrement de la dette fiscale à une date postérieure à la liquidation judiciaire de la société ; qu'il énonce que la responsabilité de l'exactitude des mentions portées sur les déclarations fiscales incombe au déclarant et que les services fiscaux n'ont pas pour mission de procéder à des contrôles systématiques de ces déclarations pour s'assurer de leur concordance et de leur régularité, ce que démontre le droit légal de reprise dont dispose l'administration fiscale ; que la cour d'appel en a exactement déduit que les manquements du dirigeant à ses obligations fiscales avaient rendu impossible le recouvrement de sa dette par l'administration ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré monsieur Joël X... solidairement responsable de la dette fiscale de la société La Centrale de Déstockage et de l'AVOIR condamné au paiement, à la comptable du service des impôts des entreprises d'Evreux Nord, de la somme de 98 654 euros ;

AUX MOTIFS QUE : l'article L. 267 du livre des procédures fiscales dispose que lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale sollicite le règlement de la somme de 70 467 euros à titre principal correspondant à des rappels de droit, à la suite d'une vérification de comptabilité diligentée en 2009 portant sur la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2008, ayant mis en évidence une insuffisance de base déclarée en taxe sur la valeur ajoutée sur les déclarations de chiffres d'affaires pour toute la période vérifiée, comme l'a résumé le tribunal sans être contesté sur ce point, ainsi que l'application de pénalités pour un montant de 28 187 euros ; (...) qu'il est exact que la seule existence d'une vérification de comptabilité effectuée dans la société La Centrale de Déstockage, qui a conduit à un redressement et la qualité de gérant de M. X..., est insuffisante pour caractériser la responsabilité de ce dernier ; que toutefois, en l'espèce, ces opérations ont révélé la pratique habituelle de la société qui consistait à retarder au maximum la déclaration de la TVA facturée et comptabilisée, ce que M. X... ne conteste d'ailleurs pas en indiquant dans sa réponse à l'administration fiscale du 29 novembre 2009 que les déclarations de chiffres d'affaires ont été différées, ce qui avait pour effet de différer voire d'annuler le paiement de la taxe due ; que l'existence de minorations de chiffres d'affaires importantes pour les exercices clos en 2006 (135 302 €), 2007 (263 337 €) et 2008 (242 553 €) a également été constatée ; que M. X... ne justifie d'aucun élément qui viendrait contredire les constatations matérielles ainsi effectuées ; que le défaut de paiement de la TVA est particulièrement grave puisque la société redevable conserve dans sa trésorerie des fonds collectés auprès de ses clients et destinés à être reversés au Trésor ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 7 octobre au 20 novembre 2003 en matière de TVA sur la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2003 ; que si les rehaussements relevés en 2003 ne relevaient pas de la gestion de M. X..., selon lui, puisqu'il n'en est devenu le gérant qu'en août 2002, il n'en demeure pas moins que les principes d'exigibilité de la TVA ont été rappelés au redevable lors de la notification des rappels qui ont eu lieu le 26 novembre 2003, soit à une époque postérieure à sa nomination en tant que dirigeant ; que M. X... a donc été averti des conséquences tenant au décalage du versement de la TVA exigible, comme l'indique à juste titre la comptable des finances publiques, de sorte que celle-ci est fondée à considérer qu'il a continué à agir en contravention avec les dispositions légales en matière de TVA ; qu'enfin, M. X... ne peut davantage se retrancher derrière les prétendues défaillances tant de la personne chargée de la tenue de la comptabilité de l'entreprise que de l'expert-comptable de la société, dans la mesure où en qualité de dirigeant de la personne morale, il est tenu de veiller personnellement au respect des obligations fiscales ; qu'ainsi, le décalage systématique dans le temps du paiement d'une partie de la TVA dont la SARL La Centrale de Déstockage était redevable, la minoration systématique des bases de TVA opérée du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2008, alors qu'elle avait été informée lors d'une précédente procédure de rectification des dispositions applicables, le caractère systématique et l'importance des omissions entre les opérations déclarées et celles qui ont été réalisées, ainsi que leur caractère répétitif, constituent, à la charge de M. X..., gérant de la SARL La Centrale de Déstockage, des manquements graves, répétés et délibérés aux obligations fiscales qui lui incombaient ; (...) que M. X... soutient que l'éventuelle impossibilité de recouvrement de la créance est liée à la liquidation judiciaire de la société La Centrale de Déstockage, qui est elle-même la conséquence du litige qui l'opposait à sa banque ; que l'activité de la société s'est poursuivie malgré le refus de concours bancaire en juin 2004, pendant six ans avant l'ouverture de la procédure collective ; que si du fait de l'ouverture de la procédure collective, l'administration fiscale s'est trouvée dans l'impossibilité d'engager une action en recouvrement forcé contre la société, l'impossibilité du recouvrement de la créance fiscale ne résulte pas du jugement d'ouverture, mais des manquements graves et répétés aux obligations fiscales régissant la TVA, commis par M. X..., et constatés lors du contrôle fiscal opéré en 2009 ; qu'en effet, alors que les taxes fiscales ont été facturées aux clients et perçues, elles n'ont pas été restituées spontanément au Trésor, en son temps, comme l'exige la loi, obligeant ce dernier à procéder par voie de rappels d'impôts ; qu'à l'ouverture de la procédure collective, celui-ci n'a pu que déclarer sa créance ; que de surcroît, et comme l'a justement observé le tribunal, le contexte de difficultés économiques et bancaires invoqué par M. X... ne lui permettait pas, pour se constituer une trésorerie fictive, de conserver dans les caisses de la société des sommes devant revenir au Trésor ; que force est de constater que ces agissements fautifs de M. X... ont eu pour conséquence d'accroître la dette fiscale ; que le lien de causalité entre les inobservations graves et répétées et l'impossibilité pour l'administration de recouvrer la créance est donc bien établi ; (...) que M. X... considère que les services fiscaux sont responsables de l'aggravation de la dette fiscale car ils n'ont pas exercé tous les contrôles leur incombant ; qu'il explique que la société a toujours mentionné dans ses bilans le montant de son chiffre d'affaires sans que ce dernier ne soit contesté par l'administration fiscale, notamment lors de son contrôle en 2009 ; qu'en conséquence, en faisant les rapprochements entre le chiffre d'affaires déclaré dans les liasses fiscales transmises au SIE et celui déclaré dans les déclarations de TVA qu'elle déposait mensuellement, l'administration fiscale aurait dû se rendre compte beaucoup plus tôt de l'existence d'irrégularités ; que, cependant, s'agissant d'obligations déclaratives, la responsabilité de l'exactitude des mentions qui sont portées sur les déclarations, de la régularité de ces dernières incombe avant tout au déclarant. Les services fiscaux n'ont pas pour mission de procéder à des contrôles systématiques par voie de rapprochement entre les différentes déclarations reçues pour s'assurer de leur concordance et de leur régularité, ce que démontre le droit légal de reprise dont dispose l'administration fiscale qui peut s'exercer jusqu'à la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe sur le chiffre d'affaires est devenue exigible, et suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due au titre de l'impôt sur les sociétés ; qu'ainsi en repérant les anomalies en 2009 pour les exercices des trois années précédentes, les services de l'assiette de l'impôt n'ont commis aucun défaut de diligence qui aurait contribué à aggraver la dette fiscale due par la société (...) (arrêt attaqué, pp. 4 à 8),

ALORS QU'il n'est fait application des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales que si l'administration fiscale a préalablement exercé tous les contrôles qui lui incombaient pour obtenir, en temps utile, paiement des impositions dues par la société ; que, dès lors, monsieur X... ayant fait valoir, sans être contredit, que le rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré annuellement par la société La Centrale de Déstockage dans les liasses fiscales remises à l'administration fiscale et celui déclaré par cette société dans ses déclarations mensuelles de TVA suffisait à révéler la minoration du chiffre d'affaires indiqué dans ces dernières déclarations (arrêt, p. 8 et conclusions d'appel, p. 12), la cour d'appel, en décidant qu'il n'incombait pas à l'administration fiscale d'opérer ce contrôle spontané par voie de rapprochement des informations contradictoires qui lui étaient communiquées par la société La Centrale de Déstockage, pour en déduire que les manquements de monsieur X... étaient en lien de causalité exclusif avec l'impossibilité de recouvrement des impositions dues par la société et le condamner au paiement de la dette fiscale de celle-ci, a méconnu le texte susvisé.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00452
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