Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 novembre 2014, 13-14.230, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 8 décembre 2003 par la société Gestrim, aux droits de laquelle se trouve la société Nexity Lamy, en qualité de négociateur immobilier sur la base d'une rémunération composée de commissions couvrant le salaire minimum conventionnel, le remboursement des frais professionnels, le 13ème mois et les congés payés, avec perception d'une avance mensuelle de 1 500 euros ; qu'il avait la qualité de salarié protégé en tant que délégué du personnel ; que contestant le décompte dressé par l'employeur aboutissant à un solde en sa défaveur pour avances trop perçues par rapport aux commissions réalisées, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement de frais professionnels, alors, selon le moyen, que l'employeur qui change les modalités de remboursement des frais exposés par le salarié prévues par le contrat de travail modifie celui-ci et doit donc au préalable recueillir son accord ; qu'en l'espèce, M. X... a fait valoir que son contrat de travail prévoyait le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels et qu'il n'avait jamais rien perçu à ce titre, et sollicitait donc une indemnisation au titre des frais exposés depuis l'année 2006 ; que la cour d'appel a rejeté sa demande au motif que l'article 6 de l'avenant n° 31 avait posé le principe selon lesquels les frais professionnels seraient remboursés soit sur justificatifs, soit moyennant le versement d'une indemnité fixée de manière forfaitaire par le contrat, et que l'employeur avait choisi le remboursement sur justificatifs ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié avait donné son accord à ce mode de remboursement différent de celui qui était initialement prévu par son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat de travail prévoyait expressément le remboursement des frais professionnels sur justificatifs, la cour d'appel, qui a relevé que le salarié ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait adressé des demandes de remboursement de frais qui n'auraient pas été réglés, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes de rappel de salaire, l'arrêt énonce qu'il résulte de la clause contractuelle que l'intéressé est uniquement rémunéré à la commission et qu'une avance de 1 500 euros par mois lui est versée, avec faculté pour l'employeur de la réviser à la hausse ou à la baisse en fonction du chiffre d'affaires réalisé par le salarié ce qui a d'ailleurs été réalisé par l'employeur au dernier trimestre 2004, les deux derniers mois de 2005, puis tout au long des années suivantes compte tenu des résultats enregistrés par le salarié ; qu'il convient en outre de constater que, s'il ne peut être fait grief à un salarié d'avoir tardé à contester le montant des modalités de sa rémunération, et si ce retard n'est pas de nature à faire obstacle à sa revendication, en revanche ce retard constitue un indice de ce que pendant tout ce délai, les modalités de la rémunération effectivement perçue correspondaient à la commune intention des parties ;

Qu'en statuant ainsi, en se bornant à reproduire les termes du contrat de travail et à relever que le retard de la part du salarié à réagir constituait un indice de son acceptation aux conditions de rémunération, sans répondre aux allégations et calculs précis présentés par l'intéressé sur l'absence de versement du salaire minimum entre 2008 et 2011, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que pour rejeter la demande de rappel de salaire au titre du dépassement du forfait annuel de jours travaillés, l'arrêt retient que le salarié ne rapporte pas la preuve de cette affirmation, si ce n'est par une attestation de notaire visant sa présence lors de la passation de l'acte en cette étude le 26 mars 2012 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié faisait référence à un dépassement annuel de la convention de forfait sur la base d'un planning hebdomadaire précis sans justification fournie par l'employeur sur la détermination des jours travaillés, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des jours effectivement travaillés sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que le contrat de travail prévoit la possibilité pour l'employeur d'opérer des mutations ou des transferts au sein de l'ensemble des sociétés du groupe, sans que cette mutation ou ce transfert puisse s'analyser en une rupture unilatérale du contrat de travail du fait de l'employeur ; que les pièces produites démontrent que le salarié a été affecté pour un temps particulièrement limité à l'agence de Sarlat et à Brive qui se trouve à une trentaine de kilomètres de Tulle ; que concernant la volonté de licencier le salarié, il convient de relever que l'employeur a respecté la procédure de licenciement d'un salarié protégé ; que cet élément ne peut à lui seul constituer un harcèlement moral ; enfin que les pièces médicales produites ne permettent en aucune façon de démontrer que son état est dû à un harcèlement moral de l'employeur, ou tout simplement à son activité professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de remboursement de frais professionnels, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;

Condamne la société Nexity Lamy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... au titre de rappel de salaires et de l'avoir débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE " le contrat de travail liant les parties prévoit à l'article rémunération :
" salaire global : La rémunération (salaire global) versée à Monsieur Frédéric X... est assise sur une fraction des commissions encaissées par la structure. Les commissions comprennent le salaire minimum conventionnel, le remboursement forfaitaire des frais professionnels de toute nature de Monsieur Frédéric X..., le treizième mois, l'ancienneté et les congés payés.
La partie du salaire dite " salaire mensuel conventionnel " fera l'objet des augmentations générales décidées pour l'ensemble du groupe, sous réserve de l'application des clauses de la convention collective nationale de l'immobilier.
Avances sur commissions : Monsieur Frédéric X... percevra mensuellement une avance sur commissions d'un montant de 1. 500 ¿ qui pourra être modifié, à la hausse ou à la baisse, en fonction des résultats de l'exercice précédent ou du trimestre écoulé. La société se réserve donc la faculté de réduire le montant de l'avance sur commissions dans le cas où Monsieur Frédéric X... n'aurait pas réalisé le chiffre d'affaires correspondant à celui des avances sur commissions.
Définition du salaire minimum conventionnel : La société versera à Monsieur Frédéric X..., à compter du 8 décembre 2003, en rémunération de ses services, un salaire global annuel (prorata temporis) constitué des commissions d'au moins treize fois le salaire mensuel conventionnel déterminé suivant la formule suivante : 315 x valeur du point.
Assiette et taux de la rémunération variable : Monsieur Frédéric X... bénéficiera sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire d'une rémunération déterminée par un pourcentage sur le montant de la commission hors taxes nette de rétrocessions et de commissions d'indications d'affaires affectivement encaissées par la société GESTRIM et calculée comme suit :
Décompte des sommes dues : Le décompte des commissions se fera, compte tenu de l'encaissement desdites commissions, au plus tard à la fin de chaque période de trois mois.
La société se réserve la faculté de réduire le montant du complément d'avance sur commissions dans le cas où Monsieur Frédéric X... n'aurait pas réalisé le chiffre d'affaires correspondant à ce complément d'avance sur commissions.
Il sera tenu compte, dans le décompte, des sommes qui auront été versées au titre de l'avance sur commissions globale (salaire conventionnel + complément d'avance sur commissions) et, à la date du 31 décembre de chaque année, de la régularisation du salaire conventionnel constituant le 13ème mois.
Il résulte de cette clause que Monsieur X... est exclusivement rémunéré à la commission, et qu'une avance de 1. 500 ¿ par mois lui est versée, avec faculté pour l'employeur de la réviser à la hausse ou à la baisse en fonction du chiffre d'affaires réalisé par le salarié ; ce qui a d'ailleurs été réalisé par la société GESTRIM au dernier trimestre 2004, les deux derniers mois de 2005 puis tout au long des années suivantes compte-tenu des résultats enregistrés par M. X....
Cette constatation permet en outre d'écarter la novation telle que sollicitée par l'appelant.
Il convient encore de constater que, s'il ne peut être fait grief à un salarié d'avoir tardé à contester le montant des modalités de la rémunération, et si ce retard n'est pas de nature à faire obstacle à sa revendication, en revanche, ce retard constitue un indice de ce que pendant tout ce délai, les modalités de la rémunération effectivement perçue correspondaient à la commune intention des parties.
Monsieur X... sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande, le jugement déféré étant encore confirmé sur ce point " (arrêt p. 8 & 9) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE tout jugement doit comporter des motifs propres à le justifier ; qu'en l'espèce, M. X... a soutenu, dans ses conclusions d'appel (p. 5 et suiv.), que l'employeur ne lui avait pas versé une rémunération équivalente au salaire minimum conventionnel et sollicitait sa condamnation à lui payer un rappel de salaire depuis l'année 2006 ; que pour statuer sur cette demande, la cour d'appel s'est bornée à reproduire les clauses du contrat de travail de M. X..., avant de rappeler que si le fait que celui-ci ait tardé à contester le montant de la rémunération que l'employeur lui avait versée ne faisait pas obstacle à sa revendication, ce fait constituait un indice de ce que les modalités de la rémunération perçue correspondaient à la commune intention des parties ; qu'en se fondant ainsi sur le seul fait que M. X... avait tardé à contester le montant de sa rémunération pour le débouter de sa demande, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le fait pour un salarié d'accepter sans protestation ni réserve un salaire déterminé n'implique pas de sa part renonciation à ses droits ; qu'un salarié ne peut donc être débouté de sa demande de rappel de salaire au motif que le fait qu'il a tardé à faire valoir ses droits constitue un indice de ce qu'il a perçu la somme contractuellement convenue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire au motif qu'il avait tardé à contester la rémunération versée par l'employeur et que cette circonstance constituait un indice de ce qu'il avait perçu ce qui avait été convenu ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1134 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de rappel de salaires de M. X... et de l'avoir débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE " sur le temps de travail, Monsieur X... soutient avoir travaillé au-delà du temps prévu au contrat, soit 218 jours.
Il convient de relever à ce titre qu'il ne rapporte pas la preuve de cette affirmation, si ce n'est par une attestation de maître Y..., notaire, et visant la présence de Monsieur X... lors de la passation de l'acte en cette étude le 26 mars 2012.
Cette demande n'ayant pas été présentée en première instance, Monsieur X... en sera débouté en cause d'appel " (arrêt p. 9 et 10) ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en considérant, pour débouter M. X... de la demande qu'il formulait au titre des jours de travail effectués au-delà que ce que prévoyait la convention de forfait en jours prévue par son contrat de travail, qu'il ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait travaillé au-delà de 218 jours par an, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que lorsque l'employeur ne respecte pas les conditions de l'accord collectif relatives aux durées maximales de travail et les temps de repos, la convention de forfait est privée d'effet ; qu'en l'espèce, M. X... a fait valoir (concl. d'appel p. 15), pour contester la convention de forfait incluse dans son contrat de travail, qu'aucun entretien individuel annuel n'avait été tenu par l'employeur sur sa charge de travail, sa rémunération, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie personnelle et familiale ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU'en matière prud'homale, les demandes nouvelles sont recevables en cause d'appel, si bien qu'un salarié ne peut être débouté d'une demande au motif qu'elle n'a pas été présentée en première instance ; que pour rejeter la demande de rappel de salaires de M. X... au titre des jours travaillés au-delà de la convention de forfait prévue par son contrat de travail, la cour a retenu que cette demande n'avait pas été présentée en première instance, violant ainsi l'article R. 1452-7 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... de remboursement des frais professionnels et de l'avoir débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE, " sur le remboursement des frais professionnels, le contrat de travail prévoit à ce titre :
" Monsieur Frédéric X... justifiera les frais professionnels engagés pour le compte de la structure dans les conditions en vigueur pour l'ensemble des négociateurs du groupe GESTRIM ".
Il convient dans un premier temps de relever que le mode de paiement des frais professionnels tel que prévu dans le contrat de travail liant les parties était parfaitement légal lors de sa conclusion.
Ensuite, l'article 6 de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 a posé le principe selon lequel les frais professionnels sont remboursés soit sur justificatifs, soit moyennant le versement d'une indemnité fixée de manière forfaitaire par le contrat.
En l'espèce, la société employeur a choisi le remboursement sur justificatifs ; cette procédure a d'ailleurs été appliquée par Monsieur X... et lui a été rappelée par l'employeur à plusieurs reprises.
Monsieur X... ne rapporte pas la preuve d'avoir adressé à l'employeur des demandes de remboursements de frais qui n'auraient pas été réglées " (arrêt p. 10) ;

ALORS QUE l'employeur qui change les modalités de remboursement des frais exposés par le salarié prévues par le contrat de travail modifie celui-ci et doit donc au préalable recueillir son accord ; qu'en l'espèce, M. X... a fait valoir (concl. d'appel p. 17 à 20) que son contrat de travail prévoyait le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels et qu'il n'avait jamais rien perçu à ce titre, et sollicitait donc une indemnisation au titre des frais exposés depuis l'année 2006 ; que la cour d'appel a rejeté sa demande au motif que l'article 6 de l'avenant n° 31 avait posé le principe selon lesquels les frais professionnels seraient remboursés soit sur justificatifs, soit moyennant le versement d'une indemnité fixée de manière forfaitaire par le contrat, et que l'employeur avait choisi le remboursement sur justificatifs ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié avait donné son accord à ce mode de remboursement différent de celui qui était initialement prévu par son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le quatrième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... au titre du harcèlement moral et de l'avoir débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QU'" aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ces agissements ne peuvent résulter ni de contraintes de gestion ni du pouvoir de direction de l'employeur mais doivent être la conséquence d'éléments identifiables portant atteinte à la dignité de la personne et créant un environnement intimidant, hostile ou humiliant.
Lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Monsieur X... se plaint d'une modification unilatérale de son secteur géographique, de la réclamation par son employeur d'une somme de 17. 173, 75 € par mail du 21 juillet 2010, de la tentative de l'employeur de le licencier, de courriers à lui adressés en août, septembre et novembre 2012.
Il convient de relever que le contrat de travail prévoit la possibilité pour l'employeur d'opérer des mutations ou des transferts au sein de l'ensemble des sociétés du groupe, sans que cette mutation ou ce transfert puisse s'analyser en une rupture unilatérale du contrat de travail du fait de l'employeur.
Les pièces produites démontrent que Monsieur X... a été affecté pour un temps particulièrement limité à l'agence de SARLAT et à BRIVE qui se trouve à une trentaine de kilomètres de TULLE.
Par ailleurs, Monsieur X... n'a jamais émis la moindre contestation sur ces modifications ponctuelles.
Concernant la " dette " de 17. 173, 75 € résultant du mail en date du 21 juillet 2010, la lecture de celui-ci montre que l'employeur ne sollicite en aucune manière le versement de cette somme, mais informe le salarié d'un débit de cette somme à son compte, les avances sur commissions ayant été supérieures aux commissions réellement dues.
L'employeur ajoute que cette dette sera apurée à la perception de nouvelles commissions, ce qui n'est pas contraire à la loi.
Concernant la volonté de l'employeur de licencier Monsieur X..., il convient de relever que la société NEXITY a respecté la procédure de licenciement d'un salarié protégé ; cet élément ne peut, à lui seul, constituer un harcèlement moral.
Concernant les courriers adressés à Monsieur X... postérieurement à la procédure de licenciement, leur structure montre qu'il s'agit de l'usage par l'employeur de son pouvoir de direction.
Enfin, les pièces médicales produites ne permettent en aucune manière de démontrer que son état est dû à un harcèlement moral de l'employeur.
Ainsi, ni l'usage par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, ni un changement des conditions de travail, présumé décidé conformément à l'intérêt de l'entreprise, ne sont constitutifs en eux-mêmes d'un harcèlement moral " (arrêt p. 10 à 12) ;

1/ ALORS QUE les faits allégués par le salarié qui invoque l'existence d'un harcèlement doivent être appréciés dans leur ensemble, et non pas isolément ; qu'en examinant un par un les faits invoqués par M. X... et en considérant qu'ils ne constituaient pas des agissements répétés de harcèlement moral, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ils n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence de ce harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2/ ALORS QU'en cas de litige relatif à un situation de harcèlement moral, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et l'employeur doit démontrer que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que ne constitue pas un élément objectif justifiant la modification du secteur géographique d'un salarié, et excluant l'existence d'un harcèlement, l'application d'une clause de mobilité qui est nulle, en ce qu'elle prévoit la possibilité pour l'employeur de muter ou de transférer le salarié au sein de l'ensemble des sociétés du groupe et autorise un changement d'employeur, et ne délimite pas de façon précise son secteur géographique d'application ; que pour retenir que le fait que M. X... avait été affecté pour un temps limité à l'agence de SARLAT, puis à celle de TULLE, était étranger à tout harcèlement, la cour s'est fondée sur la clause du contrat qui, offrant à l'employeur la possibilité d'opérer des mutations ou des transferts au sein de l'ensemble des sociétés du groupe sans préciser son secteur géographique d'application, était nulle ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3/ ALORS QUE ne constitue pas un élément objectif étranger à tout harcèlement le fait que la décision de l'employeur s'analyse en un changement des conditions de travail du salarié, alors que ce dernier, bénéficiant d'une protection liée à son statut de délégué du personnel, ne peut se voir imposer un tel changement ; que pour juger que la modification du secteur géographique de M. X... n'était pas constitutive d'un harcèlement moral, la cour a relevé qu'il s'agissait d'un changement des conditions de travail présumé décidé conformément à l'intérêt de l'entreprise ; que néanmoins, il est constant qu'en sa qualité de salarié protégé, M. X... ne pouvait se voir imposer un tel changement ; que la cour d'appel a donc violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 2411-1 du code du travail ;

4/ ALORS QUE l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail ; qu'en justifiant le changement de secteur géographique de M. X... par le fait qu'il ne l'avait pas contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

5/ ALORS QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que lorsque la rémunération d'un salarié est composée de commissions pour lesquelles il perçoit chaque mois des avances, l'employeur ne peut brutalement prétexter que le cumul des avances versées au cours des mois et des années précédentes ne correspondait pas aux commissions acquises pour en déduire que le compte du salarié présente un solde débiteur et s'opposer au paiement des commissions dues pour une période donnée ; qu'en retenant que l'employeur était en droit d'imputer au début du compte de M. X... les sommes correspondant à la différence entre les commissions réellement dues au cours des mois et années passées et les avances sur commissions versées, et en écartant ainsi tout harcèlement moral résultant de cette décision, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6/ ALORS QUE le harcèlement moral est constitué par des faits ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; que les faits constitutifs de harcèlement peuvent s'inscrire dans le cadre de l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction ; que pour écarter l'existence d'un harcèlement, la Cour d'appel a affirmé que la tentative de licenciement régulièrement engagée par l'employeur et les lettres adressées par son employeur traduisaient l'exercice de ses pouvoirs disciplinaire et de direction, et n'étaient pas constitutives d'un harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces agissements n'avaient pas eu pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail de l'exposant, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01946
Retourner en haut de la page