Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 mars 2009, 07-20.848, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., n'ayant pu recouvrer le montant de sa créance à l'encontre de l'associé d'une société civile immobilière, garantie par le nantissement des parts sociales de cet associé, a recherché la responsabilité civile de M. Y..., notaire, qui avait reçu l'acte de vente du bien immobilier de la SCI, pour n'avoir pas vérifié les mentions relatives à la propriété des parts sociales et à la délibération de l'assemblée générale, pour avoir remis le solde du prix de vente à son débiteur et pour lui avoir ainsi fait perdre une chance d'être désintéressé ;

Mais attendu que, ayant constaté, au vu des éléments nouveaux produits après son arrêt avant dire droit, que les documents remis au notaire attestaient la répartition des parts sociales entre les associés et l'accord de l'associé majoritaire ainsi que la décision unanime de l'assemblée générale, la cour d'appel, qui a souverainement relevé, en considération, notamment, des signatures portées sur ces documents, qu'aucun indice ne permettait à M. Y..., chargé de donner forme authentique à la vente d'un immeuble et non à la cession des parts sociales et ainsi, en principe, fondé à ne pas consulter le registre des nantissements, de soupçonner la fausseté desdits documents, a pu en déduire que le notaire n'avait pas commis de faute lors de l'établissement de l'acte de vente ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir condamner Maître Y... à lui payer la somme de 152.449 ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE "la créance de M. X... sur M. A... ne concerne pas la SCI DAME JEANNE et le nantissement que M. X... a fait inscrire sur les parts sociales de son débiteur n'a aucune influence sur les capacités de ladite société tant à disposer de son patrimoine propre que de percevoir le solde du prix après purge des sûretés inscrites contre elle sur le dit patrimoine. Dès lors, le notaire n'avait pas à rechercher si nantissement il y avait contre un associé, puisque la vente ne s'opérait pas sur les biens dudit associé.
Ce simple constat suffit à montrer que les prétentions de M. X... contre Maître Y... ne peuvent être fondées"
(jugement p. 2 alinéas 1 et 2 des motifs).

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE "vu l'historique de relations entre Monsieur X..., Monsieur A... et la SCI DAME JEANNE relaté en page 5 de l'arrêt du 24 avril 2006 ;
que cette décision n'a pas repris au dispositif les motifs portant sur la faute du notaire et n'a donc pas autorité de chose jugée sur ce point ;
… qu'à la suite de cet arrêt, Maître Y... a produit aux débats l'acte sous seing privé du 19 avril 1993 portant cession de 100 parts entre mademoiselle C... et Monsieur D..., enregistré à ORTHEZ le 20 avril 1993 ; qu'ainsi le 2 septembre 1994, Monsieur D... grâce à d'autres actes de transfert, était bien porteur de 195 parts qui lui ont permis de donner tous pouvoirs à Monsieur A... détenteur de 5 parts pour vendre la villa DAME JEANNE ; que dès lors, Maître Y... n'a pas commis de faute en passant cet acte au regard du nombre de parts détenus par les deux associés et du pouvoir spécial de vendre qui était conféré par l'associé majoritaire ;
…, d'autre part, que la délivrance des fonds sur la lecture du seul état hors formalités révélait une hâte rendue suspecte par la seule absence de l'acte portant cession des part entre Mademoiselle C... et Monsieur D... ; qu'en présence d'un état sur formalités identiques, la rapidité du notaire dans le versement des fonds n'est pas une faute dès lors que les créanciers inscrits ne sont pas lésés ;
… (que), certes, … un jugement du Tribunal de Grande Instance de PAU du 14 février 1994 a relevé que ces actes étaient des faux, et que Madame E... n'avait participé à aucune transaction ; qu'il a déjà été énoncé dans l'arrêt préparatoire que le notaire doit s'en tenir aux actes ostensibles et n'a pas à rechercher s'ils dissimulent des contre-lettres si aucun élément particulier ne laisse présager une fraude aux droits des tiers ; qu'en l'espèce aucun indice ne lui permettait de conclure à l'inexistence de Monsieur D... dont la signature figurait sur le procès-verbal d'assemblée générale, ni à la falsification de la cession de parts opérée au nom de Madame E..., s'agissant d'opérations courantes dans la vie des sociétés pour lesquelles la forme authentique n'est pas exigée ; qu'à la supposer même tenue d'un devoir de vérification de la conformité des signatures entre les divers actes, celle de Monsieur D..., identique sur l'acte de cession des parts du 12 juin 1994 et sur le procès-verbal d'assemblée générale du 2 septembre suivant, laissait présumer son authenticité ;
Qu'enfin le notaire a donné la forme authentique à une cession d'immeuble appartenant à la société SCI DAME JEANNE et non à une cession de parts sociales qui seule l'aurait obligé à consulter le registre des nantissements tenu au greffe du Tribunal de Commerce de PAU ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée de ce chef ;
… que lors de la vente de cet immeuble, Monsieur X... n'était pas parvenu à démontrer la fictivité de cette SCI et n'avait pu prendre une sûreté que sur un gage de peu de valeur, les parts sociales détenues par Monsieur A... ; qu'il en est résulté un préjudice pour l'intéressé dont le notaire n'est pas responsables ;
Qu'il convient donc de débouter Monsieur X... de ses demandes" (arrêt p. 4 alinéas 2 à 9).

ALORS QUE, D'UNE PART, lorsqu'il authentifie un acte, le notaire est tenu d'une obligation de prudence et de diligence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt avant dire droit du 24 avril 2006 que Maître Y... s'est satisfait d'une délibération d'assemblée générale prise avec une personne, Monsieur D... dont la détention de 195 parts n'était assortie d'aucune justification probante et n'aurait ainsi pas du passer l'acte de vente ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si Maître Y... a fourni aux débats l'acte sous seing privé portant cession des parts sociales entre Mademoiselle C... et Monsieur D..., cet acte était un faux ; que, dès lors, en énonçant que Maître Y... n'a commis aucune faute lorsqu'il a authentifié l'acte de vente d'un immeuble appartenant à la SCI DAME JEANNE, quand il résultait de ses propres constatations que le notaire n'avait pas satisfait à son obligation de prudence et de diligence en autorisant Monsieur A... à passer seul cet acte, la Cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légale qui en découlaient et a violé l'article 1382 du Code civil.

ALORS QUE, D'AUTRE PART, en énonçant que le notaire n'avait pas à consulter le registre des nantissements tenu au greffe du Tribunal de Commerce de PAU dès lors qu'il donnait la forme authentique à une cession d'immeuble, quand il résulte des propres constatations de l'arrêt que les seules photocopies qui lui étaient fournies pour tenter d'attester que Monsieur D... était détenteur de 195 parts et était ainsi apte à conclure seul la vente, auraient du attirer son attention, ainsi que la volonté de verser rapidement les fonds, la Cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations desquelles il résultait que Maître Y... avait commis une faute de négligence et d'imprudence, les conséquences légale qui en découlaient et a violé l'article 1382 du Code civil.

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