CAA de BORDEAUX, 5ème chambre (formation à 3), 04/12/2018, 16BX03856, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cocktail Développement, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du conseil de la communauté d'agglomération d'Agen du 11 juin 2015 portant approbation du règlement local de publicité intercommunal de l'agglomération d'Agen au moins en ce qu'elle emporte adoption des articles A-7 et A-9 du règlement qui restreignent les publicités numériques à moins de 100 mètres du centre de certaines intersections.

Par un jugement n° 1503548 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette délibération en tant qu'elle porte approbation des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal et a mis à la charge de la communauté d'agglomération d'Agen le versement à la société Cocktail développement de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 2 décembre 2016, 13 janvier 2017 et 26 octobre 2017, la communauté d'agglomération d'Agen, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 octobre 2016 en tant qu'il a annulé partiellement la délibération en ce qu'elle a adopté les articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal ;

2°) de mettre à la charge de la société Cocktail Développement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation et d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen de défense tiré de l'impératif de protection du cadre de vie des riverains, susceptible à lui seul de justifier les interdictions prévues par le règlement local de publicité intercommunal ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'elle n'établissait pas le lien de causalité entre l'existence des panneaux publicitaires et le taux d'accidentologie ;
- compte tenu du lien évident et manifeste qui existe entre l'attention des automobilistes et la sécurité routière, c'est à tort que les premiers juges ont annulé les articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal au motif de l'absence de lien avéré entre le taux d'accidentologie et la présence d'éléments de distraction que représentent les panneaux publicitaires, notamment numériques ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, en explicitant les motifs pour lesquels les articles A-7 et A-9 étaient justifiés par des impératifs attachés à la sécurité routière et à l'amélioration du cadre de vie des riverains, elle justifiait pleinement du caractère nécessaire des interdictions prescrites ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle a justifié du caractère proportionné de l'interdiction, qui ne concerne que les affichages numériques, dès lors que celle-ci était doublement limitée, d'une part à sept carrefours de la ville d'Agen et d'autre part, à une distance de 100 mètres du centre desdits carrefours ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal n'ont nullement pour objet d'interdire de manière générale et absolue l'implantation de panneaux ;
- dès lors que l'instruction du 25 mars 2014 relative à la réglementation nationale des publicités, des enseignes et des pré-enseignes précise que la publicité numérique nécessite une attitude attentive des communes et des services déconcentrés de l'Etat quant à leur impact sur le cadre de vie et la sécurité des usagers de la route, elle était parfaitement fondée à prendre toute mesure utile destinée à assurer la sécurité routière des secteurs concernés par ces publicités numériques ;
- il ne saurait lui être reproché de prendre, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative, des mesures préventives de préservation de l'ordre public ;
- les panneaux publicitaires numériques sont constitutifs de pollution visuelle et donc de nuisances qui doivent être atténuées dans une logique de préservation du cadre de vie des riverains ;
- aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de solliciter directement la société Cocktail développement dans le cadre de la concertation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2017 et le 30 novembre 2017, la société Cocktail développement, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à l'annulation totale de la délibération contestée et à la mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Agen de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- dès lors que la communauté d'agglomération d'Agen n'a pas réellement défendu son moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses étaient également justifiées par la nécessité de préserver le cadre de vie environnant, il ne peut s'agir d'un moyen dont les premiers juges auraient dû se saisir ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la communauté d'agglomération d'Agen n'apportait pas la preuve du lien de causalité entre le nombre d'accidents et les panneaux publicitaires ;
- la communauté d'agglomération d'Agen ne prouve pas plus ce lien de causalité en appel ; les éléments nouveaux qu'elle apporte ne démontrent pas une recrudescence des accidents ni même un taux d'accidentologie élevé sur les secteurs concernés ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé que les limites apportées à la liberté du commerce et de l'industrie par les articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal étaient trop générales et insuffisamment circonstanciées ; le positionnement de telles publicités lumineuses ailleurs que sur les carrefours ne présente qu'un intérêt relatif de sorte que les prohiber à moins de 100 mètres de tels carrefours revient implicitement à les interdire ;
- les questions de sécurité routière n'entrent pas dans l'office du règlement local de publicité intercommunal ; prohiber l'installation de publicité pour de tels motifs relève donc de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir ;
- le motif tiré de l'impératif de protection du cadre de vie des riverains est parfaitement infondé ;
- elle aurait dû pouvoir participer à la concertation lors de l'élaboration du règlement local de publicité intercommunal dès lors qu'elle est spécialisée dans la publicité numérique et intervient dans le périmètre de la communauté d'agglomération d'Agen ;
- l'article A-7 du règlement est illégal en ce qu'il interdit toute publicité lumineuse dans les communes dont l'agglomération compte moins de 10 000 habitants ; cette interdiction porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et est disproportionnée au regard des objectifs susceptibles d'être retenus dans le cadre d'un règlement local de publicité ; sur ce point, contrairement à ce que soutient l'agglomération d'Agen, le règlement ne se borne pas à rappeler l'article R. 581-34 du code de l'environnement ; au surplus, l'interdiction prévue par l'article R. 581-34 du code de l'environnement est dépourvue de base légale, l'article L. 581-9 du même code posant le principe de l'admission de la publicité dans les agglomérations.

Par ordonnance du 5 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 janvier 2018 à 12h00.

Par courrier du 6 novembre 2018 les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance par le tribunal administratif du champ d'application des articles R. 581-15 du code de l'environnement et R. 418-4 du code de la route, qui ne s'appliquent pas à la délibération approuvant, sur le fondement de l'article L. 581-14 du code de l'environnement, un règlement local de publicité.


Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2018, la communauté d'agglomération d'Agen a présenté ses observations sur le moyen visé dans le courrier susvisé du 6 novembre 2018.




Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite Grenelle II ;
- le décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant l'agglomération d'Agen, et de Me A..., représentant la société Cocktail développement.


Considérant ce qui suit :

1. Par délibérations des 11 juillet et 26 septembre 2013, le conseil de la communauté d'agglomération d'Agen a prescrit l'élaboration d'un règlement local de publicité intercommunal et a défini ses objectifs et modalités de concertation. Par délibération du 11 juin 2015, il a adopté le règlement local de publicité intercommunal. La communauté d'agglomération d'Agen relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par la société Cocktail développement, a annulé cette délibération en tant qu'elle porte approbation des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal. La société Cocktail développement demande, outre le rejet de la requête, l'annulation de la délibération du 11 juin 2015 dans son entier.

Sur l'appel principal de la communauté d'agglomération d'Agen :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. La communauté d'agglomération d'Agen soutient que le tribunal, qui a annulé la décision attaquée en tant qu'elle concerne l'interdiction des publicités numériques à certains endroits du territoire concerné au motif que les raisons de sécurité routière invoquées n'étaient pas justifiées, aurait omis de statuer sur le moyen de défense qu'elle avait présenté selon lequel les articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité intercommunal étaient légalement fondés sur le motif tiré de la préservation du cadre de vie des riverains. Il résulte toutefois des écritures de première instance que la communauté d'agglomération d'Agen n'a pas soulevé devant le tribunal le moyen tiré de ce que les articles A-7 et A-9 étaient justifiés par des raisons de préservation du cadre de vie, sur les caractéristiques duquel elle n'a d'ailleurs apporté aucune précision, mais n'a fait que soutenir que la préservation de la sécurité routière était une composante de la préservation du cadre de vie et devait être adaptée à ce cadre de vie. Le tribunal, en ne statuant pas spécifiquement sur ce point, n'a donc pas entaché son jugement de défaut de motivation.


En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 581-15 du code de l'environnement : " L'autorisation d'installer un dispositif de publicité lumineuse (...) est accordée, compte tenu notamment du cadre de vie environnant et de la nécessité de limiter les nuisances visuelles pour l'homme (...) aux dispositifs dont les caractéristiques respectent les prescriptions des articles R. 581-34 à R. 581-41 et les interdictions faites aux publicités et enseignes par l'article R. 418-4 du code de la route (...) ". L'article R. 418-4 du code de la route dispose que : " Sont interdites la publicité et les enseignes, enseignes publicitaires et pré-enseignes qui sont de nature, soit à réduire la visibilité ou l'efficacité des signaux réglementaires, soit à éblouir les usagers des voies publiques, soit à solliciter leur attention dans des conditions dangereuses pour la sécurité routière ".

4. En faisant application, pour prononcer l'annulation partielle de la délibération approuvant le règlement local de publicité de l'agglomération d'Agen, de l'article R. 581-15 du code de l'environnement qui ne trouve à s'appliquer qu'à la délivrance des autorisations individuelles d'installation de dispositifs de publicité et de l'article R. 418-4 du code de la route qui est issu d'une législation distincte de celle qui régit la police spéciale de la publicité, le tribunal a méconnu le champ d'application de ces textes. C'est donc à tort que, pour prononcer l'annulation partielle de l'acte attaqué, le tribunal a retenu le motif tiré d'une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie du fait d'une interdiction trop générale des publicités numériques au regard des impératifs de sécurité routière visés par ces dispositions.

5. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la société Cocktail Développement.

6. L'article A-7 du règlement local de publicité contesté prévoit en premier lieu que dans les communes dont l'agglomération compte moins de 10 000 habitants, les publicités lumineuses y compris numériques sont interdites. Il prévoit en second lieu qu'à Agen, dont l'agglomération compte plus de 10 000 habitants, les publicités numériques sont interdites à moins de 100 mètres du centre de sept intersections précisément identifiées. L'article A-9 de ce règlement interdit toute enseigne sur les murs de clôture, sur les clôtures, sur les arbres et les plantations. Il limite la surface des enseignes numériques à 8 m². Il interdit par ailleurs les enseignes numériques à moins de 100 mètres du centre des sept intersections visées à l'article A-7. Enfin, cet article prévoit que les enseignes lumineuses sont éteintes à certaines heures de la nuit.

7. Aux termes de l'article L. 581-1 du code de l'environnement : " Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu'en soit la nature, par le moyen de la publicité, d'enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre ". L'article L. 581-2 du même code dispose que : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique (...) ". Selon l'article L. 581-14 de ce code : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10 (...) ". L'article L. 581-9 du même code dispose que : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre (...) ". L'article L. 583-1 qui figure au chapitre III de ce titre vise la prévention et la limitation des " dangers ou trouble excessif aux personnes et à l'environnement causés par les émissions de lumière artificielle ".

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 581-2 du code de l'environnement que la police spéciale de la publicité a pour finalité la protection du cadre de vie. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour réglementer l'installation de dispositifs de publicité, enseignes et préenseignes prenne aussi en compte, outre la protection du cadre de vie, l'intérêt de la sécurité routière, cet intérêt, qui ne peut être regardé comme une simple composante de la préservation du cadre de vie ou de la prévention des dangers ou troubles excessifs aux personnes et à l'environnement visés par les dispositions précitées concernant les émissions de lumière artificielle, ne peut, comme le soutient la société Cocktail développement, légalement constituer le but déterminant d'une mesure de réglementation prise par l'autorité en charge de la police de la publicité. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du règlement en litige et des écritures de la communauté d'agglomération d'Agen, que la préservation de la sécurité de la circulation routière a constitué le but déterminant des mesures consistant à interdire les dispositifs numériques à l'abord de plusieurs carrefours routiers du territoire concerné. Dans ces conditions, le but de cette interdiction, qui ne pouvait relever que de l'exercice des pouvoirs de police générale de la circulation, incombant notamment au maire au nom de la commune, est entaché d'illégalité.

9. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération d'Agen n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de la délibération contestée en tant qu'elle porte approbation des dispositions des articles A-7 et A-9 interdisant les dispositifs numériques à certains emplacements du territoire de la commune d'Agen, lesquelles présentent le caractère de dispositions divisibles des autres dispositions du règlement de publicité intercommunal.

10. Pour l'application de l'article L. 581-14-1 du code de l'environnement, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle porte approbation des dispositions des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité de l'agglomération d'Agen interdisant les dispositifs numériques à certains emplacements du territoire de la commune d'Agen.

11. S'agissant des dispositions des articles A-7 et A-9 du règlement contesté autres que celles portant interdiction des dispositifs numériques à l'abord de certains carrefours à Agen, qui ne concernent pas spécifiquement les dispositifs numériques, les moyens invoqués par la société, tirés de la poursuite d'un but étranger à celui de la police spéciale de la publicité et de la disproportion de l'interdiction des dispositifs numériques, sont inopérants.

12. Aux termes de l'article L. 581-14-1 du code de l'environnement, alors applicable : " Le règlement local de publicité est élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures d'élaboration, de révision ou de modification des plans locaux d'urbanisme définies au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, à l'exception des dispositions relatives à la procédure de modification simplifiée prévue par l'article L. 123-13-3 et des dispositions transitoires de l'article L. 123-19 du même code. Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou le maire peut recueillir l'avis de toute personne, de tout organisme ou association compétents en matière de paysage, de publicité, d'enseignes et préenseignes, d'environnement, d'architecture, d'urbanisme, d'aménagement du territoire, d'habitat et de déplacements, y compris, le cas échéant, des collectivités territoriales des Etats limitrophes. (...) ".

13. Ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition n'imposent que les sociétés d'affichage soient personnellement informées du processus d'élaboration d'un règlement de publicité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par délibérations des 11 juillet et 26 septembre 2013, l'agglomération d'Agen a précisé les modalités de la concertation sur le règlement local de publicité intercommunal qui comportaient une information sur le site internet de l'agglomération d'Agen, une information sur les bulletins communautaires de l'agglomération d'Agen et les bulletins municipaux, une mise à disposition d'un dossier explicatif de concertation et d'un registre dans toutes les mairies et à l'agglomération d'Agen, des articles dans la presse locale et des réunions publiques. Il ressort également des pièces du dossier que trois réunions publiques ont eu lieu les 24 juin 8 juillet et 9 septembre 2014, lesquelles ont été précédées d'une publicité sur le site internet de l'agglomération d'Agen et d'un affichage en mairies comme au siège de l'agglomération. La réunion du 8 juillet 2014, notamment, visait à réunir les professionnels de la publicité. La délibération du 11 juillet 2013, qui prévoyait que l'agglomération pourrait également associer et consulter lors de l'élaboration du règlement, des personnes, organismes ou associations compétentes en matière de paysages, de publicité, d'enseignes et préenseignes, d'environnement, d'architecture et d'urbanisme, n'a pas davantage que les dispositions précitées de l'article L. 581-14-1 du code de l'environnement, créé une obligation à la charge de l'agglomération. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de concertation doit être écarté.

14. Conformément à l'article L. 581-14 précité du code de l'environnement, le règlement local de publicité adapte les dispositions nationales prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. L'article R. 581-34 du même code, pris en application de l'article L. 581-9, dispose que : " (...) La publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants (...) ".

15. Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.

16. L'article A-7 du règlement contesté interdit toute publicité lumineuse dans les communes dont l'agglomération compte moins de 10 000 habitants sans restreindre l'interdiction aux agglomérations ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Alors même qu'il est constant que, comme le rappelle le rapport de présentation du plan local, l'aire urbaine d'Agen comptait, à la date de la décision attaquée, moins de 100 000 habitants, ces dispositions ne peuvent être regardées comme un simple rappel de l'article R. 581-34 du code de l'environnement. Elles doivent être regardées comme portant adaptation de cette règle nationale laquelle n'est d'ailleurs pas dépourvue de base légale dès lors que, selon l'article L. 581-9 du même code, la publicité dans les agglomérations doit satisfaire, pour la publicité lumineuse, notamment en matière d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat. Eu égard aux objectifs affichés dans le rapport de présentation de donner une cohérence d'ensemble au traitement de la publicité sur le territoire communautaire et de lutter contre les nuisances visuelles liées à la luminosité de certains dispositifs et compte tenu de la taille de l'aire urbaine considérée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en interdisant la publicité lumineuse dans toutes les agglomérations de moins de 10 000 habitants du territoire concerné, la communauté d'agglomération aurait porté une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la liberté de communication.

17. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération d'Agen est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération contestée en tant qu'elle porte approbation des dispositions des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité de l'agglomération d'Agen autres que celles concernant les dispositifs numériques.

Sur les conclusions d'appel de la société Cocktail développement :

18. A l'appui de ses conclusions d'appel tendant à l'annulation dans son entier de la délibération contestée, lesquelles sont au demeurant irrecevables comme soulevant hors délai un litige distinct, la société Cocktail développement invoque les moyens tirés de la poursuite d'un but étranger à celui de la police spéciale de la publicité et de la disproportion de l'interdiction des dispositifs numériques, qui sont inopérants dès lors qu'ils sont dirigés contre des dispositions autres que celles concernant spécifiquement les dispositifs numériques. Elle invoque également le moyen tiré de la méconnaissance des modalités de la concertation qui, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13 ci-dessus, doit être écarté. Dans ces conditions, les conclusions d'appel de la société Cocktail développement tendant à l'annulation de la délibération contestée en tant qu'elle porte sur les dispositions autres que celles des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité de l'agglomération d'Agen concernant l'interdiction des dispositifs numériques aux abords de certaines intersections à Agen, doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Agen le versement à la société Cocktail développement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Cocktail développement, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement à la communauté d'agglomération d'Agen de la somme que celle-ci demande sur ce fondement.


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il annule la délibération du 11 juin 2015 du conseil de la communauté d'agglomération d'Agen dans la mesure où elle approuve les dispositions des articles A-7 et A-9 du règlement local de publicité de l'agglomération d'Agen autres que celles concernant l'interdiction des dispositifs numériques aux abords de certains carrefours à Agen.
Article 2 : Les conclusions de la société Cocktail développement tendant à l'annulation de la délibération du 11 juin 2015 en tant qu'elle approuve les dispositions visées à l'article 1er ci-dessus sont rejetées.
Article 3 : La communauté d'agglomération d'Agen versera à la société Cocktail développement la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté d'agglomération d'Agen ainsi que le surplus des conclusions d'appel de la société Cocktail développement sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération d'Agen et à la société Cocktail développement. Une copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Agen en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

Le premier assesseur,
Frédéric FaïckLe président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03856



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