Conseil d'État, 2ème chambre, 21/04/2017, 403765, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le préfet de l'Hérault a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel le maire de Bouzigues a délivré à M. A...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation d'une surface de plancher de 158 m2 sur un terrain situé chemin de la bergerie sur le territoire de la commune. Par une ordonnance n° 1603300 du 25 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de cet arrêté.

Par une ordonnance n°s 16MA03077 et 16MA03263 du 9 septembre 2016, la présidente de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par la commune de Bouzigues et par M. et MmeA..., a annulé cette ordonnance pour irrégularité mais, statuant ensuite par la voie de l'évocation, a suspendu à nouveau l'exécution du permis de construire contesté.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 11 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et Mme A...;






1. Considérant que l'article L. 554-1 du code de justice administrative renvoie, s'agissant des demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes, aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ; qu'en vertu de ces dernières dispositions : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille que, par un arrêté du 23 décembre 2015, le maire de Bouzigues a délivré à M. et Mme A...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 158 m2 sur un terrain situé chemin de la bergerie, sur le territoire de la commune ; que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet de l'Hérault a demandé la suspension de l'exécution de cet arrêté ; que, par une ordonnance du 25 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande ; que, par une ordonnance du 9 septembre 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cette ordonnance pour irrégularité, mais, statuant sur le litige de référé par la voie de l'évocation, a ordonné à son tour la suspension de l'exécution du permis de construire contesté ; que M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat l'annulation de cette dernière ordonnance en tant que, statuant par la voie de l'évocation après l'annulation de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif, elle a ordonné la suspension de l'exécution du permis de construire ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans leur version applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 dont elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le terrain d'assiette du projet ayant fait l'objet du permis de construire contesté est situé à l'intérieur d'une zone construite comprenant une soixantaine de constructions à usage d'habitation, densément regroupées ; que cette zone, où l'urbanisation n'est pas diffuse, jouxte une route départementale de l'autre côté de laquelle sont implantées de nombreuses constructions le long du bassin de Thau, lesquelles sont en continuité avec le village de Bouzigues ; qu'eu égard à la configuration des lieux et aux constructions existantes, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces du dossier pour juger que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme était propre à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire contesté, au motif que la construction projetée ne se situait pas dans une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions ; que, par suite, l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulée en tant qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution du permis de construire accordé à M. et Mme A...;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au titre de la procédure de référé, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet contesté se situe dans une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions ; que, dès lors, l'unique moyen soulevé à l'appui de la demande de suspension présentée par le préfet, tiré de ce que le permis de construire contesté méconnaîtrait les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme n'est pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par M. et MmeA..., la demande de suspension du préfet de l'Hérault doit être rejetée ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 septembre 2016 est annulée en tant qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Bouzigues du 23 décembre 2015.
Article 2 : La demande de suspension du préfet de l'Hérault est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeA..., à la commune de Bouzigues et à la ministre du logement et de l'habitat durable.


ECLI:FR:CECHS:2017:403765.20170421
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