Conseil d'État, 3ème chambre, 19/04/2017, 393846, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L'association B2V Gestion a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008 et des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1112848, 1203057, 1209786 du 30 avril 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 13PA02538 du 31 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'association B2V Gestion contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre et 30 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association B2V Gestion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de l'association B2V Gestion ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association B2V Gestion, association de moyens du groupe de protection sociale B2V, a été assujettie à une cotisation minimale de taxe professionnelle au titre des années 2006 à 2008 et à des cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2006 à 2009, qu'elle a contestées. Par un jugement du 30 avril 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions. Par l'arrêt attaqué du 31 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / II. Toutefois, la taxe n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa. " Aux termes du 1 bis de l'article 206 du même code : " ...ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les associations sont exonérées de la taxe professionnelle dès lors que, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé et que, d'autre part, leurs activités lucratives ne présentent pas un caractère prépondérant. Est notamment regardée comme exerçant une activité lucrative une association qui, quelles que soient les modalités d'exercice de son activité, fournit des services aux entreprises qui en sont membres dans l'intérêt de leur exploitation. En revanche, quel que soit le domaine dans lequel elle intervient et les conditions dans lesquelles elle fournit des prestations, une association dont la gestion est désintéressée et dont les membres, quel que soit leur statut, n'exercent pas une activité à but lucratif ne saurait être regardée comme exerçant elle-même une telle activité.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association B2V Gestion, qui regroupe des institutions de retraite complémentaire, une institution de gestion de retraite supplémentaire, des institutions de prévoyance, des associations à but non lucratif et un groupement d'intérêt économique sectoriel, dénommé BCAC, composé de sociétés d'assurance et d'institutions de prévoyance, soutenait que son activité consistait à mettre des moyens matériels à la disposition du groupement d'intérêt économique sectoriel BCAC comme de ses autres membres et que les recettes résultant de sa relation avec le BCAC ne représentaient qu'un quart de ses recettes. Par suite, en jugeant que l'association déclarait oeuvrer au profit exclusif du groupement d'intérêt économique sectoriel BCAC, la cour a dénaturé les écritures de l'association requérante.

4. En deuxième lieu, la cour a également dénaturé les écritures de l'association requérante en jugeant que, " selon ses écritures ", son activité permettait de décharger ses membres de leurs obligations légales alors que l'association rappelait en appel qu'elle avait au contraire soutenu devant le tribunal administratif qu'elle " n'avait pas vocation à exécuter les obligations légales de ses membres " et qu'elle n'avait " pas pour objet de décharger des sociétés commerciales de leurs obligations légales ".

5. En troisième lieu, après avoir relevé que les prestations réalisées au profit du groupement BCAC étaient facturées à prix coûtant, sans application d'une marge, et bénéficiaient aux compagnies d'assurance membres de ce groupement, leur permettant ainsi de profiter de l'économie en résultant, la cour en a déduit que l'association requérante ne pouvait être regardée comme exerçant une gestion désintéressée et devait, en conséquence, pour ce seul motif, être considérée comme exerçant à titre habituel une activité professionnelle non salariée. En se fondant ainsi sur des circonstances relatives au caractère lucratif de l'activité, qui sont sans incidence sur le caractère désintéressé de la gestion de l'organisme, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

6. En quatrième lieu, à supposer que la cour ait entendu déduire le caractère lucratif de l'activité de l'association requérante de la circonstance que les prestations réalisées au profit de l'un de ses membres, le groupement BCAC, étaient facturées à prix coûtant, sans application d'une marge, et bénéficiaient indirectement aux compagnies d'assurance membres de ce groupement, elle a encore entaché son arrêt d'une erreur de droit en opérant cette déduction sans rechercher si le groupement BCAC, membre de l'association, devait lui-même être regardé comme exerçant une activité lucrative.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association B2V Gestion est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à l'association B2V Gestion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 31 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à l'association B2V Gestion une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association B2V Gestion et au ministre de l'économie et des finances.

ECLI:FR:CECHS:2017:393846.20170419
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