Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 07/07/2016, 14BX01560, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure antérieure :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2013, l'association Belair Environnement a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 19 avril 2013 autorisant la société GDF Suez Energies Services à construire une chaufferie biomasse sur le territoire de la commune de Brive-la-Gaillarde.

Par une ordonnance n° 1300934 en date du 4 avril 2014, le vice-président du tribunal a rejeté sa demande en application du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.






Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 mai 2014 et des mémoires enregistrés le 29 mai 2015 et le 31 juillet 2015, l'association BelAir Environnement, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300934 rendue le 4 avril 2014 par le vice-président du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 19 avril 2013 ou, à titre subsidiaire, de renvoyer le règlement du litige au fond devant le tribunal, et en dernier lieu de prononcer un non-lieu à statuer;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société GDF Suez Energies Services la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 juin 2016 :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Corrèze a délivré par un arrêté du 19 avril 2013 un permis de construire à la société GDF Suez Energies Services en vue de l'édification, sur la parcelle cadastrée section BS n° 70 située rue Jean Filliol à Brive-la-Gaillarde, d'une installation de chauffage par biomasse pour une surface de plancher créée de 1 364 mètres carrés. L'association BelAir Environnement a saisi le tribunal administratif de Limoges le 13 juin 2013 d'une demande d'annulation de cette décision. Elle relève appel de l'ordonnance du 4 avril 2014 par laquelle le vice-président du tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable sur le fondement des dispositions du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Pour rejeter comme irrecevable la demande de l'association BelAir Environnement, le vice-président du tribunal administratif de Limoges s'est fondée en premier lieu sur ce que le président de ladite association n'avait justifié, en dépit de la fin de non recevoir expressément soulevée en défense, d'aucune habilitation de l'assemblée générale de l'association, laquelle, dans le silence des statuts de l'association, pouvait seule l'autoriser à la représenter devant le tribunal.

3. D'une part, en vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. ". Selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans des conditions définies notamment par l'article R. 611-3 dudit code. Aux termes de cet article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (....) / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa. ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'avis d'audience. Cet avis le mentionne. ". Aux termes de l'article R. 611-11-1 de ce code : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. ".

4. Il résulte des dispositions précitées des articles R. 612-1, R. 611-1 et R. 611-3 du code de justice administrative qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi, par ailleurs, que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ". L'article R. 612-1 déjà cité, prévoit à son dernier alinéa que : " La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

6. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le tribunal administratif a communiqué à l'association requérante le mémoire en défense dans lequel était soulevée la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du président de l'association et que l'instruction, initialement close à la date du 13 février 2014, a été rouverte par ordonnance du 18 février 2014. Il n'est pas contesté que ce mémoire a été reçu par ladite association, qui ne lui a pas donné suite.

7. Toutefois, le délai donné, en application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, à l'association pour produire son mémoire en réponse n'emportait par lui-même aucune forclusion et le tribunal n'avait pas assorti cette communication de l'avertissement prévu au dernier alinéa de l'article R. 612-1 du code de justice administrative et n'avait pas davantage usé de la faculté de fixer, en application de l'article R. 613-1 du même code, la date à partir de laquelle l'instruction serait close. Au demeurant, l'affaire n'ayant pas été appelée à l'audience, aucun avis comportant, conformément à l'article R. 613-2 du même code, les informations relatives à la clôture d'instruction n'avait, dès lors, été adressé aux parties.

8. Dans ces conditions, l'association requérante conservait la possibilité de régulariser sa demande jusqu'à la clôture de l'instruction. Or, comme il a été dit ci-dessus, aucune clôture d'instruction n'était intervenue à la date de l'ordonnance attaquée.

9. Le vice-président du tribunal a également retenu une seconde fin de non recevoir opposée par le pétitionnaire dans son mémoire en défense et tirée de ce que l'association ne justifie d'aucun intérêt propre distinct de celui ses membres lui donnant qualité à contester le permis de construire en litige. L'association BelAir Environnement, créée le 15 septembre 2012, qui a pour objet social " de garantir la protection de l'équilibre environnemental du quartier du Bel-Air et de ses coteaux, notamment sur la qualité de l'air, (... ) et de s'opposer à l'implantation sur ledit quartier n° BS 70 du plan cadastral d'une chaufferie biomasse " justifie d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis en litige qui autorise l'édification, sur la parcelle située dans le quartier Bel-Air, d'une installation de chauffage par biomasse pour une surface de plancher créée de 1 364 mètres carrés. En outre, la circonstance que cette association est composée de personnes résidant à proximité du projet autorisé, lesquelles justifient à ce titre d'un intérêt à agir contre le permis, n'est pas de nature à priver l'association de son propre intérêt à contester ladite décision.

10. Il résulte de ce qui précède que le vice-président du tribunal administratif de Limoges ne pouvait rejeter comme manifestement irrecevable la demande de l'association sans entacher son ordonnance d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité invoqués, l'ordonnance n° 1300934 du 4 avril 2014 doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association BelAir Environnement et non compris dans les dépens.
DECIDE



Article 1er : L'ordonnance n° 1300934 du 4 avril 2014 du vice-président du tribunal administratif de Limoges est annulée.


Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Limoges.


Article 3 : L'Etat versera à l'association BelAir Environnement une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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