CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 01/02/2016, 14MA01954, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axis Architecture a demandé à titre principal au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 15 mai 2012 entre la communauté d'agglomération du Grand Alès et la société Aitec pour la réhabilitation d'un bâtiment industriel à Alès.

Par un jugement n° 1202052 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2014, la société Axis Architecture, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 février 2014 ;

2°) d'annuler le marché public conclu entre la communauté d'agglomération du Grand Alès et la société Aitec ainsi que toutes les décisions y afférant ;

3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du Grand Alès, si elle entend reprendre la procédure, de procéder à un nouvel appel d'offres ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération du Grand Alès à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier comme étant entaché d'une omission à statuer, d'une violation du principe du contradictoire et d'un vice de procédure ;
- les premiers juges ne pouvaient faire peser sur elle la charge de la preuve de ce que le montant de l'offre du candidat retenu était supérieur au montant des crédits alloués ;
- les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce et commis une erreur d'appréciation sur l'analyse des offres ;
- le contrat a été attribué à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de la rupture d'égalité de traitement des candidats dès lors que les offres n'ont pas été examinées de manière concomitante ;
- l'offre retenue aurait dû être rejetée comme inacceptable ;
- l'offre du candidat retenu et la sienne n'ont pas été analysées de manière à assurer une égalité de traitement entre les candidats ;
- la décision de retenir la société Aitec est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2015, la communauté d'agglomération Alès Agglomération conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Axis Architecture à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par la société Axis Architecture ne sont pas fondés.

Par courrier du 2 juillet 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 4 novembre 2015, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

La société Axis Architecture a présenté un nouveau mémoire le 23 décembre 2015, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Axis Architecture, et de Me B..., représentant la communauté d'agglomération Alès Agglomération.

Une note en délibéré présentée pour la société Axis Architecture a été enregistrée le 12 janvier 2016.


1. Considérant que dans le cadre de l'opération de réhabilitation du site industriel " Richard Ducros " à Alès, la communauté d'agglomération du Grand Alès a décidé de confier la procédure liée au choix du maître d'oeuvre, des titulaires des marchés d'études et des entreprises à la société publique locale (SPL) Alès-Cévennes, aux termes d'une convention du 29 mars 2012 ; qu'elle a ensuite conclu le 15 mai 2012, à l'issue de la procédure prévue par l'article 28 du code des marchés publics, un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société Aitec ; que la société Axis Architecture, candidate à ce marché, a été informée le 29 mai 2012 de son éviction ; qu'elle relève appel du jugement du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de ce marché ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que l'offre du candidat retenu était inacceptable comme supérieure au montant du budget prévisionnel ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la société Axis Architecture soutient que le tribunal administratif de Nîmes a méconnu le principe du contradictoire en n'analysant pas son mémoire enregistré le 31 janvier 2014, qui contenait selon elle un moyen nouveau tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commission chargée d'analyser les offres, et en ne communiquant pas ce mémoire à la partie adverse ; que, contrairement à ce qui est allégué, le tribunal administratif a procédé à l'analyse de ce mémoire ; que si, dans ce mémoire, la société Axis Architecture conclut que " la décision est entachée d'une erreur d'appréciation " sur l'analyse des offres, le tribunal était fondé à considérer, compte tenu des arguments invoqués à l'appui de ce moyen, qu'elle soulevait de nouveau le moyen contenu dans sa demande initiale et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, le contrôle du juge dans ce domaine étant limité à l'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu ;

4. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif ne pouvait mettre à sa charge la preuve de ce que " le montant des crédits prévisionnels se limitait à l'estimation initiale du marché et que ces crédits [ont] été dépassés " constitue en réalité une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " I.-Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définie à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat./ Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix./ Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité (...) " ;

6. Considérant que cinq candidats ont déposé leur candidature avant le 19 avril 2012, délai fixé par le règlement de consultation ; que les trois candidats admis à présenter une offre, parmi lesquels figurait la société Axis Architecture, ont été invités à remettre celle-ci avant le 3 mai 2012 à 12 heures ; qu'alors que la société Axis Architecture a déposé son offre dans le délai requis, celle-ci a été considérée par erreur comme tardive, la personne publique entamant alors les négociations avec les deux autres candidats en leur demandant notamment de modifier leur offre financière, qui était supérieure à l'estimation réalisée, et de présenter une nouvelle offre pour le 4 mai 2012 à 15 heures ; qu'il a été procédé le 4 mai à l'analyse des deux offres, à l'issue de laquelle il a été proposé à la communauté d'agglomération d'attribuer le marché à la société Aitec ; que, suite à la saisine de la société Axis Architecture, la communauté d'agglomération, constatant l'erreur commise sur la recevabilité de l'offre de l'intéressée, l'a invitée à lui remettre son offre prenant en compte les éléments de négociation indiqués aux deux autres candidats pour le 10 mai suivant ; qu'elle a ensuite fait procéder à une nouvelle analyse des offres le 14 mai 2012, à l'issue de laquelle la société Aitec a été classée en première position avec une note de 92,44 sur 100, la société Axis Architecture étant classée deuxième avec une note de 90 ;

7. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que son offre n'a pas fait l'objet d'un réel examen, dans la mesure où, d'une part, la décision a été prise antérieurement à l'analyse de son offre d'attribuer le marché à la société Aitec et où, d'autre part, les offres auraient dû être examinées de manière concomitante, ce qui, selon elle, impliquait nécessairement l'abandon de la procédure et le lancement d'une nouvelle consultation ;

8. Considérant que le rapport rédigé le 4 mai 2012 à l'issue de la première analyse des offres et proposant d'attribuer le marché à la société Aitec ne constitue pas une décision d'attribution, alors même que ce rapport a été signé par le président directeur général de la SPL Alès-Cévennes, qui est également le président de la communauté d'agglomération ; qu'en tout état de cause, la société Axis Architecture ne produit aucun élément de nature à justifier qu'une décision d'attribution du marché aurait été prise antérieurement à l'examen de son offre ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'analyse des offres que les offres déposées par les trois sociétés retenues dans la phase de négociation ont été analysées et qu'il a été procédé à une comparaison de leurs mérites respectifs ; que la circonstance que ce rapport serait plus succinct s'agissant de l'examen des propositions de la société Axis Architecture n'est pas de nature à révéler une rupture d'égalité dans le traitement de chaque candidat, dès lors que l'ensemble des critères a bien été analysé ; que, par suite, la communauté d'agglomération n'était pas tenue d'abandonner la procédure en cours et de procéder à une nouvelle consultation ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le règlement de consultation prévoyait que l'offre serait choisie selon deux critères : le prix de la prestation, pondéré à 60 %, et la valeur technique, pondéré à 40 % ; que ce dernier critère devait être apprécié au vu de la note d'intention sur le projet " au regard du contexte dans lequel il s'inscrit ", de la prise en compte de l'environnement et des contraintes du site dans les travaux de réhabilitation, de la maîtrise des coûts de l'opération et des délais et, enfin, de l'adéquation du prix avec les missions et les délais ;

11. Considérant que la société Axis Architecture soutient, s'agissant du critère de la valeur technique, que son projet prévoyait une meilleure maîtrise des délais, était plus complet sur la prise en compte de l'environnement et des contraintes du site, garantissait une meilleure maîtrise des coûts et, enfin, que le prix proposé était plus en adéquation avec les missions et les délais ; qu'elle n'apporte toutefois pas en appel de nouveaux éléments de nature à critiquer utilement les motifs retenus par les premiers juges pour écarter le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'analyse des offres ; qu'il convient, par adoption de ces motifs, d'écarter également ce moyen ;

12. Considérant toutefois, et en dernier lieu, que le pouvoir adjudicateur doit, en application du III de l'article 53 du code des marchés publics, éliminer les offres " inappropriées, irrégulières et inacceptables ", lesquelles s'entendent notamment, en vertu du 1° du I de l'article 35 du même code, de celles que " les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas... de... financer " ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant prévisionnel du marché a été évalué à 185 000 euros hors taxe ; que l'offre de la société retenue s'élevait, après négociation, à 188 000 euros hors taxe et était donc supérieure à l'estimation effectuée ; que la circonstance que cette offre soit supérieure à l'estimation n'est pas, en elle-même, de nature à la rendre inacceptable si les crédits budgétaires alloués au marché sont suffisants ;

14. Considérant que la communauté d'agglomération soutient qu'elle disposait de ces crédits ; qu'elle ne produit toutefois aucune délibération du conseil communautaire portant sur le montant des crédits alloués au marché de maîtrise d'oeuvre ; que, par suite, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir disposé des crédits qui lui permettaient de financer le marché à raison du montant qui était proposé par la société retenue, le moyen tiré de ce qu'il lui appartenait de rejeter cette offre doit être regardé comme fondé ;

15. Considérant que la décision de ne pas rejeter l'offre de la société Aitec a affecté la régularité de la mise en concurrence ; qu'un tel vice, s'il a été susceptible d'affecter le choix du cocontractant, n'affecte toutefois ni le consentement de la personne publique ni le contenu du contrat ; qu'en l'absence de circonstances particulières révélant une volonté de la communauté d'agglomération du Grand Alès de favoriser un candidat, un tel vice ne présente pas un caractère de gravité tel qu'il justifierait, comme le demande la requérante, l'annulation du contrat ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Axis Architecture n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande à fin d'annulation du contrat en litige ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Axis Architecture, n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Axis Architecture, partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de mettre une somme sur le fondement de ces dispositions à la charge de la société Axis Architecture ;


D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Axis Architecture est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Alès Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axis Architecture, à la société Aitec et à la communauté d'agglomération Alès Agglomération.


Délibéré après l'audience du 11 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président assesseur
- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2016
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N° 14MA01954



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