Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30/12/2013, 347047

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'arrêt n° 09NT01928 du 10 février 2011, enregistré le 25 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. A...B... ;

Vu le pourvoi, enregistré le 4 août 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, présenté pour M.B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 0604459 du 4 juin 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser du préjudice qu'il a subi du fait de la privation illégale de ses fonctions résultant de la nomination d'un autre enseignant au lycée Notre Dame de la paix à Ploërmeur ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 174,78 euros au titre du préjudice économique et financier subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la code de l'éducation ;

Vu le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thierry Carriol, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 442-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat : " Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'Etat par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres. " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 5 janvier 2005, que les litiges opposant les maîtres contractuels des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association aux chefs de ces établissements qui se rattachent aux conditions dans lesquelles leur contrat d'agent public est interprété et exécuté, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

2. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions des articles 8-1 à 8-4 du décret du 22 avril 1960, applicables aux établissements d'enseignement privés sous contrat d'association avec l'Etat et désormais codifiées aux articles R. 914-75 et suivants du code de l'éducation, que le recteur d'académie reçoit et centralise l'ensemble des demandes de services formulées par les chefs d'établissements d'enseignement privé sous contrat d'association ; qu'il publie la liste des services vacants et reçoit les candidatures qui se portent sur ces services ; qu'il soumet les candidatures reçues à la commission consultative mixte et notifie à chacun des chefs d'établissements concernés la ou les candidatures qu'il se propose de retenir, à charge pour ces derniers de faire connaître leur accord ou leur refus dans un délai de quinze jours, à l'expiration duquel ils sont réputés être favorables à cette candidature ; qu'à défaut d'accord exprès ou tacite, l'autorité académique peut soumettre au chef d'établissement une ou plusieurs candidatures ; que le recteur est, en conséquence, responsable de la gestion des candidatures et du bon déroulement des opérations de mutation des personnels enseignants des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., après avoir en vain postulé pour occuper des fonctions de professeur de mathématiques dans des établissements privés d'enseignement sous contrat d'association, a recherché la responsabilité de l'Etat, à raison de la faute qu'aurait commise le recteur dans la gestion de ses candidatures ; que, pour rejeter les conclusions indemnitaires de M.B..., le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce que l'affectation des enseignants au sein des établissements d'enseignement privé sous contrat relève de la seule compétence du chef d'établissement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées ci-dessus que le préjudice subi par un enseignant d'un établissement d'enseignement privé sous contrat à raison des conditions dans lesquelles il est procédé à son affectation au sein de l'établissement est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et qu'il appartenait en conséquence au tribunal de rechercher si, comme l'intéressé le soutenait, le recteur n'avait pas commis de faute à l'occasion des divers actes de réception, sélection, transmission ou notification des candidatures qu'il reçoit, il a entaché son jugement d'erreur de droit ; que, par suite, il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, l'article 3 du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 juin 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M.B....
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Rennes.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'éducation nationale.

ECLI:FR:CESSR:2013:347047.20131230
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