Conseil d'État, Section du Contentieux, 06/03/2009, 309922, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES (S.N.I.I.M.), dont le siège est 10, rue Ernest Antoine, Ecole Blanche Neige à Avesnelles (59440) ; le SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 27 avril 2007 portant statut particulier du corps des ingénieurs des mines ainsi que la décision du 8 août 2007 par laquelle la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a rejeté son recours gracieux dirigé contre ce décret ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi de modifier le décret en lui faisant préciser que 30 % au moins des emplois du corps des ingénieurs des mines doivent être attribués aux lauréats du concours interne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 50-381 du 27 mars 1950 ;

Vu le décret n° 85-344 du 18 mars 1985 ;

Vu le décret n° 2009-63 du 16 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Barbat, auditeur,

- les conclusions de M. Yves Struillou, rapporteur public ;




Sur la méconnaissance de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi. ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2e) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : / 1° examen professionnel ; / 2° liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil. / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes. ; que le troisième alinéa (2e) de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 définit les modalités du concours interne ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les statuts particuliers doivent, en principe, prévoir le concours interne au nombre des modalités de la promotion interne ; que, toutefois, les dispositions des articles 22, 22bis, 24, 25 et 27 de la loi du 11 janvier 1984 autorisent à déroger au principe du recrutement par voie de concours, dans les conditions que ces articles déterminent ; qu'il peut en être de même en vertu de dispositions législatives spéciales ;

Considérant que, faute de satisfaire aux conditions prévues par les articles 22, 22bis, 24, 25 et 27 de la loi du 11 janvier 1984, et en l'absence de dispositions législatives spéciales, le décret attaqué n'a pu légalement exclure la voie du concours au titre de la promotion interne ; que, si les articles 4 et 8 de ce décret prévoient que cette promotion peut s'effectuer par la voie d'un examen professionnel, cette modalité ne saurait être regardée comme équivalente à un concours interne, dès lors que les membres du jury de cet examen complètent leur appréciation des mérites des candidats par la consultation de leur dossier individuel administratif ; qu'ainsi, en excluant le concours interne des modalités d'accès, par la promotion interne, au corps des ingénieurs des mines, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, les auteurs du décret l'ont entaché d'illégalité ; que, dès lors, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de ce décret en tant qu'il ne prévoit pas l'existence d'un concours interne d'accès au corps des ingénieurs des mines ;

Sur la méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les auteurs du décret attaqué pouvaient, sans méconnaître le principe d'égal accès aux emplois publics, prévoir des proportions de recrutement dans le corps des ingénieurs des mines différentes pour les ingénieurs-élèves des mines et pour les ingénieurs de l'industrie et des mines, qui sont placés dans des situations différentes tant quant à leur formation initiale que quant à leur statut ;

Sur l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué soit entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il réduit l'accès des ingénieurs de l'industrie et des mines au corps des ingénieurs des mines par rapport à ce que prévoyait le décret statutaire précédent du 27 mars 1950 ;

Sur l'absence de possibilité d'accès au corps des ingénieurs des mines pour les ressortissants d'Etats membres de la Communauté européenne :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 bis de la loi du 13 juillet 1983 : Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres d'emplois et emplois. Toutefois, ils n'ont pas accès aux emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques ; que la circonstance que le décret attaqué ne mentionne pas expressément la possibilité d'accès des ressortissants communautaires aux emplois du corps des ingénieurs des mines ne fait pas obstacle à un tel accès, qui est prévu par les dispositions législatives citées ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est fondé à demander l'annulation du décret du 27 avril 2007 et de la décision du 8 août 2007 par laquelle la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a rejeté son recours gracieux dirigé contre ce décret qu'en tant que ce décret ne prévoit pas l'existence d'un concours interne d'accès au corps des ingénieurs des mines et que cette décision n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'un tel concours soit prévu ; que le surplus de ses conclusions dirigées contre ce décret doit être rejeté et, par voie de conséquence, le surplus de ses conclusions dirigées contre la décision du 8 août 2007 rejetant son recours gracieux, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le décret du 16 janvier 2009 portant statut particulier du corps des ingénieurs des mines a abrogé le décret du 27 avril 2007 attaqué ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte du syndicat requérant tendant à ce que le décret du 27 avril 2007 soit modifié dont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 27 avril 2007 et la décision du 8 août 2007 par laquelle la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a rejeté le recours gracieux du SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES contre ce décret sont annulés en tant que ce décret ne prévoit pas l'existence d'un concours interne d'accès au corps des ingénieurs des mines et que cette décision n'a pas fait droit à la demande de ce syndicat tendant à ce qu'un tel concours soit prévu.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte du SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES.

Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES INGENIEURS DE L'INDUSTRIE ET DES MINES, au Premier ministre, à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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