Conseil d'État, 6ème / 1ère SSR, 02/11/2005, 270826, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 août et 3 décembre 2004, présentés pour M. C...demeurant... ; M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 6 mai 2004 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant que celle-ci a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) d'ordonner la publication de l'arrêt du Conseil d'Etat au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu enregistrée comme ci-dessus le 30 septembre 2005, la note en délibéré produite par M.C... ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière ;

Vu le décret n° 2003-1109 du 21 novembre 2003 relatif à l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. C...et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;




Considérant que M. C...demande l'annulation de la décision en date du 6 mai 2004 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant que celle-ci a prononcé un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros à son encontre ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant que le moyen tiré d'une irrégularité de composition de la commission est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, il ne saurait qu'être écarté ;

Considérant que, quand elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu à des sanctions prévues par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, compte tenu du fait que sa décision peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat, la circonstance que la procédure conduite devant elle ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l'article 6§1 de la convention n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant, et alors même que la commission n'est pas une juridiction au regard du droit interne, les moyens tirés de ce qu'elle aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité et le principe du respect des droits de la défense rappelés à l'article 6 de la convention européenne peuvent, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqués à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier lorsque le collège de l'Autorité a décidé l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées et transmet ces griefs à la commission des sanctions laquelle désigne un rapporteur parmi ses membres ; qu'en vertu de l'article 19 du décret du 21 novembre 2003, le rapporteur peut entendre la personne mise en cause et toute personne dont l'audition lui paraît utile ; que dans les cas où il estime que les griefs doivent être complétés, le rapporteur saisit le collège qui statue sur sa demande ; qu'il consigne par écrit le résultat de ses observations dans un rapport qui est communiqué à la personne mise en cause ; qu'il présente l'affaire lors de la séance de la commission ; que la commission statue, en vertu de l'article L. 621-15, hors de sa présence ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, que sauf lorsque la saisine a été élargie dans les conditions prévues par l'article 19 du décret, la commission ne doit statuer que sur les seuls griefs qui avaient été préalablement notifiés et sur lesquels il est fait rapport ; que le rapport du rapporteur n'est qu'un des éléments du dossier au vu desquels la commission se prononce ; que, dès lors, si les conditions dans lesquelles le rapporteur a été nommé peuvent être mises en cause à l'occasion d'un recours contre la décision de la commission, le contenu et les conclusions de son rapport sont, eux, sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu'ainsi le fait que, conformément à sa mission, le rapporteur ait pris parti sur la nature et la qualification des faits susceptibles d'être retenus à l'encontre du requérant, n'est pas de nature à mettre en cause l'impartialité de la commission ; que la circonstance que la commission n'ait pas suivi certaines appréciations du rapporteur sur les griefs qui avaient été préalablement communiqués au requérant n'est pas non plus de nature à méconnaître les droits de la défense ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 20 du décret du 21 novembre 2003 relatif à l'Autorité des marchés financiers : " La séance est publique à la demande de l'une des personnes mises en cause (...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle demande ait été formulée par le requérant ; que, dès lors, le moyen tiré par lui du défaut de publicité de la séance de la commission ne peut qu'être écarté ; qu'en outre, ni ces dispositions, ni celles de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, ni aucun principe ou aucune règle également applicables en la matière n'exigeaient que la décision attaquée fasse objet d'une lecture publique ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que les manquements retenus à l'encontre de M. C...ne correspondent pas aux griefs qui lui avaient été préalablement notifiés, et de ce que la décision est insuffisamment motivée, manque en fait ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

Considérant que le requérant fait valoir que la décision de la commission des sanctions est entachée de contradiction pour avoir retenu qu'il ne pouvait soutenir n'avoir eu, durant la période considérée, aucune responsabilité en matière de contrôle interne alors qu'elle a noté, par ailleurs, que la supervision de ce contrôle était assurée par M. A...depuis la fin de l'année 1998 ; que toutefois, la décision contestée relève, pour maintenir la responsabilité de M. C...en tant que directeur général de la société Financière Wargny, un certain nombre de faits et déclarations postérieurs à l'arrivée de M. A...et démontrant d'une part le rôle qu'il avait joué dans la relation établie avec la société EBS comme mandataire exclusif et d'autre part, qu'il avait été tenu étroitement informé, pendant la période en cause, des conditions dans lesquelles s'exerçait le contrôle interne et des défaillances qui affectaient celui-ci en ce qui concerne le suivi des activités de la société EBS ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de la commission des sanctions n'est pas entachée de contradiction et n'a pas procédé, compte tenu des éléments qu'elle a relevés, a une appréciation erronée des faits qui lui étaient soumis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision de la commission doivent être rejetées ; que, par suite, en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce que soient enjointes des mesures de publication de la décision d'annulation demandée par lui doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie dans la présente instance, la somme de 4 000 euros que réclame le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...C...et à l'Autorité des marchés financiers.
Copie sera adressée pour information au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.



ECLI:FR:CESSR:2005:270826.20051102
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