Conseil d'Etat, 7 / 8 SSR, du 7 octobre 1987, 58571, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, enregistré le 19 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

°1 annule le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 17 novembre 1983, en tant que, par ce jugement, le tribunal a accordé à M. Paul X..., demeurant ... une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1970 à 1976 dans les rôles de la ville de Paris ;

°2 rétablisse l'intéressé au rôle de l'impôt sur le revenu à raison des droits correspondant à une base d'imposition de 101 700 F pour 1970, 123 600 F pour 1971, 119 300 F pour 1972, 254 400 F pour 1973, 194 900 F pour 1974, 216 200 F pour 1975 et 235 500 F pour 1976 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Vu l'article 93-II de la loi °n 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Querenet Y... de Breville, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : "I - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : °1 pour les propriétés urbaines : ... d Les intérêts des dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés" ;

Considérant que les dispositions précitées impliquent que le contribuable qui souhaite obtenir, pour la détermination du revenu net imposable à l'impôt sur le revenu, la déduction des intérêts d'un emprunt qu'il a contracté établisse une corrélation suffisante entre le montant de celui-ci et le montant des sommes qu'il a dépensées pour la réalisation des fins énumérées par lesdites dispositions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... possédait le tiers du capital social de la société civile "Yvette Immobilière", créée en 1957 pour la construction d'un bâtiment ... ; que la société a été dissoute le 18 novembre 1968 et les lots partagés entre les associés ;

Considérant que, le 8 septembre 1969, M. Paul X... a souscrit auprès d'un organisme spécialisé dans le financement immobilier un emprunt à long terme de 1 300 000 F qui faisait suite à un "crédit d'anticipation" obtenu le 9 avril précédent et qui était destiné exclusivement, selon les stipulations du contrat de prêt dûment enregistré, au financement des travaux de construction d'un immeuble à usage locatif sur un terrain sis à Paris, seizième arrondissement, ... ; qu'une parte de cette somme, portée, le 15 septembre 1969, au crédit du compte ouvert par M. X... dans une banque, a été retirée, le même jour, en espèces, le reliquat étant versé par M. X... sur un compte à terme ouvert à son nom dans ladite banque ; que, si l'administration, se fondant sur ces circonstances et sur le fait que le prêt est postérieur à l'achèvement de la construction, soutient que l'emprunt dont s'agit n'a pas été contracté pour la construction de l'immeuble du ... que, par suite, les intérêts payés au cours des années 1970 à 1974 ne sont pas déductibles sur le fondement des dispositions précitées de l'article 31, M. X..., eu égard aux explications qu'il a fournies en première instance sur les modalités de réalisation de l'immeuble dont s'agit et sur les conditions du rachat de ses parts, justifie que les sommes empruntées ont bien été utilisées, à concurrence du tiers de leur montant, au paiement du coût des travaux ainsi que des honoraires d'architecte non encore réglés ; qu'en revanche, en l'absence de tout décompte susceptible de constituer au moins un commencement de preuve, il n'établit pas, pour le surplus, que les sommes empruntées ont été employées aux fins prévues au I de l'article 31 précité du code général des impôts ; que la circonstance qu'il justifie s'être ponctuellement acquitté des échéances de remboursement de l'emprunt ne saurait, par elle-même, constituer la preuve du lien que la loi a établi entre le prêt et son objet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. X... de la totalité des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il avait été assujetti en raison de la réintégration dans les bases des impositions à l'impôt sur le revenu au titre des années 1971 à 1976 des intérêts de l'emprunt susmentionné et à demander que M. X... soit rétabli aux rôles dudit impôt à raison, pour chaque année, des deux tiers des sommes réintégrées ;
Article 1er : Les bases de l'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu seront augmentées de 72 072 F au titre de 1970,68 432 F au titre de l'année 1971, 62 696 F au titre de l'année 1972,65 972 F au titre de l'année 1973, 71 244 F au titre de l'année 1974,71 244 F au titre de l'année 1975, et 53 432 F au titre de l'année 1976.
Article 2 : M. Paul X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1970 à 1976, à concurrence des droits correspondant à la différence entre les bases d'imposition résultant du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 novembre 1983 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 17 novembre 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Paul X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


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