Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème f°/ 1ère chbre - formation à 3, du 21 juin 2004, 00NC00390, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 mars 2000 sous le n° 00NC00390, complétée par mémoires enregistrés les 29 mai 2000 et 18 juillet 2002 et le 10 juin 2004, présentée pour Mme Isabelle X, demeurant ..., par la S.C.P.Bore et Xavier, société d'avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 11 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision de rejet opposé, en date du 13 avril 1999, par le préfet de la Moselle à sa demande de licence de pharmacie par voie dérogatoire dans la galerie marchande du centre commercial Leclerc de Marly et d'autre part, à enjoindre au préfet de délivrer la licence sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement avec astreinte de 1 000 F par jour dépassant ce délai ;

2°) - d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) - d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 153 € par jour de retard, de prendre dans un délai maximal de deux mois à compter de la notification de l'arrêt d'annulation, un nouvel arrêté tenant compte des motifs de celui-ci ;

Code : C

Plan de classement : 55-03-04-01-01

4°) - de condamner l'Etat au versement d'une somme de 2 300 € au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de vice de forme ;

- le jugement est entaché d'une procédure irrégulière ;

- la décision des premiers juges se caractérise par une insuffisance manifeste de motivation ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le jugement attaqué est entaché d'omission de statuer, les premiers juges n'ayant pas répondu à certains moyens, notamment ceux tirés de ce que l'attractivité, l'urbanisation et le développement du quartier confèrent à ce dernier une véritable autonomie sociale, commerciale et sanitaire et que les besoins en médicaments de la population de Marly et des communes avoisinantes dépourvues d'officine ne sont pas satisfaits par la présence de deux officines déjà implantées sur le territoire de cette dernière ;

- le jugement viole les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le droit au travail est protégé par les dispositions de l'article 6 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de New-York ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen de la requête tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté préfectoral litigieux ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L.571 du code de la santé publique, en ce que les premiers juges ont affirmé à l'encontre du projet de l'exposante que le centre commercial ne serait pas à proximité immédiate de zones résidentielles denses et qu'il serait desservi par des voies d'accès conçues pour une clientèle venant en automobile à Marly ou des communes voisines ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où les besoins en médicaments de la population du secteur de la commune de Marly concernée et des communes avoisinantes dépourvues d'officine ne sont pas satisfaits par les deux officines existantes ;

- la décision viole les dispositions de l'article L.571 du code de la santé publique ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels publié par le décret du 29 janvier 1981 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2004 :

- le rapport de M. WALLERICH, Conseiller,

- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales toute personne a droit à ce que sa cause soit entendu (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement. ;

Considérant que le recours pour excès de pouvoir formé par Mme Isabelle X contre l'arrêté du préfet de la Moselle rejetant sa demande d'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie ne constitue pas une contestation sur des droits et obligations de caractère civil et n'entre pas dans le champ d'application des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le moyen tiré d'une insuffisance de motivation :

Considérant que pour rejeter le recours en excès de pouvoir dirigé contre la décision du préfet de la Moselle refusant l'autorisation d'ouvrir une pharmacie située à Marly, le tribunal administratif a relevé que le projet présenté entendait desservir une population de 10 894 personnes et que l'emplacement prévu pour l'officine n'était pas situé à proximité immédiate de zones résidentielles denses, qu'il visait essentiellement la desserte de la population de passage constituée par la clientèle du centre commercial et que le nombre d'habitants qui seraient mieux desservis par le projet de Mme X que par les officines actuellement existantes ne justifiait pas la création de ce nouveau projet ; qu'ainsi, les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la requérante à l'appui de son moyen, ont précisé les éléments de faits qui les incitaient à considérer que le projet n'apportait pas une amélioration significative à la desserte en médicaments de la population visée laquelle était satisfaisante ; que le moyen susvisé n'est pas fondé ;

Sur le moyen tiré de l'omission à statuer :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement attaqué soit entaché d'omission à statuer ;

Sur les autres moyens de la requête :

Considérant que les moyens tirés d'un vice de forme, d'une procédure irrégulière et de contradictions de motifs ne sont assortis d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur la légalité de la décision du préfet de la Moselle :

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979, doivent être motivées les décisions qui comme en l'espèce ...refusent d'une autorisation... ; que l'article de la même loi précise : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision... ;

Considérant que l'arrêté contesté du 13 avril 1999 contient l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde, pour rejeter la demande de Mme X ; qu'il satisfait ainsi aux prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la convention internationale :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels publié par le décret du 29 janvier 1981 : Les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit au travail qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit ; qu'eu égard à leur contenu, ces stipulations ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; qu'ainsi, le requérant ne peut se prévaloir utilement de leur méconnaissance ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L.571 du code de la santé publique :

Considérant qu'aux termes de l'article L.571 du code de la santé publique alors en vigueur : ... Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis motivé du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels. / Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnés à l'alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient appelées à desservir. Le préfet précise, dans sa décision, les populations prises en compte pour l'octroi des licences ; que si la création par voie normale d'une officine pharmaceutique en Alsace-Moselle relève, par dérogation à l'article L.571 du code de la santé publique, des dispositions de l'article L.572 du même code, ce sont toutefois les dispositions précitées de l'article L.571 qui s'appliquent aux créations par voie dérogatoire dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la zone d'activité commerciale de Belle Fontaine à Marly au sein de laquelle la création d'une officine pharmaceutique était projetée ne comporte aucune population résidente ou saisonnière ; que la population du quartier revendiqué, alors même qu'elle se serait accrue entre les deux recensements et que des projets immobiliers étaient en cours, était déjà desservie par les officines existantes dans la commune de Marly situées respectivement à environ 1 km et 1,5 km du lieu d'implantation prévu par la requérante ; que la population des communes avoisinantes peut s'approvisionner en médicaments, sans réelle difficulté, dans les officines situées à Montigny-les-Metz, Magny, Verny et en particulier Augny, commune plus proche de Cuvry, Coin-les-Cuvry, Pournoy-la-Chétive et Coin-la-Seille que la zone d'activité commerciale de Marly ; que la requérante ne peut utilement invoquer la circonstance que le préfet de la Moselle a, par arrêté n° 2000-1151, opéré une répartition des communes de moins de 2 500 habitants considérées comme desservies par les officines déjà existantes et a, par arrêté n° 2002-503 du 8 avril 2002, rattaché les communes de Cuvry et Coin-les-Cuvry aux officines de Marly ; que, dans ces conditions, l'ouverture de la nouvelle officine par dérogation ne pouvait être regardée comme justifiée par les besoins réels de la population qu'elle était appelée à servir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonctions :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander d'enjoindre au préfet, de prendre dans un délai de deux mois, sous astreinte, un nouvel arrêté, la présente décision n'impliquant pas nécessairement une mesure d'exécution conformément aux dispositions de l'article L.911-1 et L.911-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : La requête présentée par Mme Isabelle X est rejetée.

ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle X et au ministre de la santé et de la protection sociale.

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