CAA de NANTES, 3ème chambre, 10/02/2017, 15NT01973, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fondettes a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 23 janvier 2011 par laquelle le président du conseil général d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de remboursement des sommes engagées par elle depuis le 1er janvier 2005 pour le service de restauration des élèves du collège Jean Roux implanté sur son territoire ainsi que le rejet implicite du recours gracieux formé contre cette décision, et de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 521 673,91 euros au titre des dépenses engagées par elle depuis cette date.

Par un jugement n° 1102504 du 19 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12NT01654 du 10 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de Fondettes contre ce jugement.

Par une décision n° 376226 du 19 juin 2015, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 10 janvier 2014 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes.

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juin 2012 et 5 novembre 2013, la commune de Fondettes a demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2012 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2011 du président du conseil général d'Indre-et-Loire rejetant sa demande de remboursement des sommes engagées depuis le 1er janvier 2005 pour la restauration des élèves du collège Jean Roux et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 521 673,91 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2010 ;

4°) mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le département d'Indre-et-Loire a commis une faute en ne se substituant pas à elle à la suite du transfert de compétence intervenu à compter du 1er janvier 2005 en matière de restauration dans les collèges ; le département d'Indre-et-Loire devait soit poursuivre le contrat en cours à cette date soit inviter la commune de Fondettes à résilier le contrat de délégation de service public qui la liait à la société Sodexho ; cette abstention fautive est de nature à engager la responsabilité du département à son égard ;
- le département d'Indre-et-Loire ne saurait invoquer aucune cause exonératoire dès lors que la responsabilité du service de restauration lui incombe et qu'il a d'ailleurs pris en charge ce service pour d'autres collèges du département ;
- la convention de délégation de service public de 1993 a été conclue par la commune de Fondettes au nom de l'État, à la suite de la convention de nationalisation du collège Jean Roux intervenue le 27 août 1985, et le transfert de cette compétence de l'État au département obligeait ce dernier à reprendre la gestion du service quand bien même l'État n'a pas été initialement partie au contrat ; en tout état de cause, le département était tenu de reprendre en charge le service de restauration en application de l'article L. 213-2 du code de l'éducation ; la circonstance que le département n'a pas négocié lui-même les conditions tarifaires des services de restauration scolaire dont il doit assumer la charge depuis le 1er janvier 2005 est sans influence sur sa responsabilité ;
- c'est bien la convention de nationalisation du collège Jean Roux intervenue le 27 août 1985, prise sur le fondement du décret n°55-644 du mai 1955 qui a mis à la charge de la commune les frais de restauration par son article 2 ;
- les dispositions des articles L 213-2 du code de l'éducation et L. 3321 du code général des collectivités territoriales font des dépenses de restauration des dépenses obligatoires des départements dont l'assemblée délibérante doit fixer les tarifs ; le refus du département d'Indre-et-Loire de le prendre en charge constitue une faute ;
- le lien de causalité entre cette faute du département d'Indre-et-Loire et le préjudice dont la commune de Fondettes demande la réparation n'est pas contestable dès lors qu'elle assume indûment une charge qui incombe légalement au département ; elle ne pouvait en effet résilier la délégation de service public sans s'assurer que le département prendrait la suite du service ; la poursuite de cette convention de délégation de service public n'est pas l'expression de sa volonté de la poursuivre mais simplement le respect de la continuité du service public ; l'absence de révision des prix de repas résulte de l'encadrement des tarifs de repas par l'État ;
- à titre subsidiaire, à compter du 1er janvier 2005 elle a assumé la qualité de gérant de fait au sens des dispositions de l'article 1372 du code civil ; dans une telle situation, elle est fondée à obtenir le remboursement des sommes engagées au titre de l'enrichissement sans cause du département d'Indre-et-Loire, même en l'absence de contrat ; en tout état de cause, elle a poursuivi l'exécution de la convention signée le 29 juin 1999 en assurant la restauration quand bien même ce contrat était devenu caduc après le transfert de la compétence de restauration au département à compter du 1er janvier 2005 ; cette dépense a nécessairement appauvri la commune et enrichi le département ;
- elle est encore fondée à se prévaloir de la qualité de collaborateur occasionnel du service public de nature à lui ouvrir droit au remboursement des sommes engagées en lieu et place du titulaire du service public de restauration ; contrairement à ce qu'affirme le département, une personne morale peut être qualifiée de collaborateur occasionnel du service public et il s'agissait d'un service public obligatoire, pour lequel le département était défaillant ;
- elle justifie comptablement de son préjudice.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 novembre 2012 et 5 décembre 2013, le département d'Indre-et-Loire, représenté par Me Bazin, a conclu au rejet de la requête et au paiement par la commune de Fondettes d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la commune de Fondettes ne sont pas fondés.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 7 septembre 2015, 29 octobre 2015, 8 juillet 2016, 12 octobre 2016, 10 novembre 2016, 25 novembre 2016 et 3 janvier 2017, le département d'Indre-et-Loire maintient ses conclusions aux fins de rejet de la requête et porte à 4 500 euros la somme devant être mise à la charge de la commune de Fondettes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir à nouveau qu'aucun des moyens développés par la commune de Fondettes n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 22 septembre 2015, 4 mai 2016, 25 octobre 2016 et 16 décembre 2016 la commune de Fondettes maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :
- la participation du département aux dépenses d'équipement et de fonctionnement concerne le collège mais pas le service de restauration ; ce n'est qu'à compter de 2010 que des dépenses en matière de restauration ont été votées ;
- il appartenait au département, dès avant 2009, de fixer les tarifs de restauration en application du décret n°2006-753 du 29 juin 2006 ; il aurait donc dû le faire dès l'année scolaire 2006-2007 et non, comme il l'a fait, en 2010 ;
- à titre subsidiaire, le département a confié à la commune de Fondettes un mandat tacite de gestion du service de restauration durant 5 ans ;
- le préjudice réside dans l'encadrement des taux d'augmentation maximum fixés par l'État par le décret du 19 juillet 2000, qui ne lui a pas permis de faire application de la clause de révision de prix de la convention ; par ailleurs, dès lors que l'encadrement des tarifs incombait au département à compter du 1er janvier 2005, la commune de Fondettes a estimé ne plus être en droit d'augmenter son tarif sans consigne de cette collectivité.

Par une ordonnance du 22 décembre 2016, l'instruction a été close le 6 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 85-934 du 4 septembre 1985 relatif au fonctionnement du service annexe d'hébergement des établissements publics locaux d'enseignement ;
- le décret n° 2000-672 du 19 juillet 2000 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public ;
- le décret n°2000-992 du 6 octobre 2000 modifiant le décret n° 85-934 du 4 septembre 1985 ;
- le décret n°2006-753 du 29 juin 2006 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public ;
- le décret n° 2009-553 du 15 mai 2009 relatif aux dispositions réglementaires du livre V du code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Cebon de Lisle, avocat de la commune de Fondettes, et de Me Bazin, avocat du département d'Indre-et-Loire.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Fondettes a été enregistrée le 1er février 2017.

Une note en délibéré présentée pour le département d'Indre-et-Loire a été enregistrée le 7 février 2017.

1. Considérant que, dans le cadre d'une convention conclue le 27 août 1985 lors de la création du collège de Fondettes, établissement public national, avec l'État, le département d'Indre-et-Loire et le syndicat intercommunal de la gestion des collèges du canton de Saint-Cyr-sur-Loire en vue de déterminer les modalités de financement du collège et la participation des différents intervenants aux dépenses annuelles, la commune de Fondettes s'est engagée, notamment, à assurer la fourniture des repas aux rationnaires élèves du collège dès lors que l'État avait refusé de prendre en charge ce service public ; qu'elle a ensuite et dans ce cadre, conclu, le 26 juin 1993, une convention de délégation de service public d'une durée de 15 ans avec la société Sodexho, qui a été chargée de construire une cuisine centrale et d'assurer la production des repas de différents établissements gérés par la commune ainsi que du collège, en contrepartie d'une rémunération tirée de la facturation des repas auprès des usagers ou de leur famille et d'une éventuelle compensation par la commune de Fondettes en fonction des tarifs votés annuellement par la caisse des écoles de la commune ; que, le 29 juin 1999, a été conclue pour dix ans par la commune une convention avec le département d'Indre-et-Loire et le collège, par laquelle le département s'est engagé à participer aux frais d'investissement de la cuisine centrale et le second à assurer la distribution des repas et l'entretien de la salle de restauration par des personnels de l'éducation nationale, cette convention stipulant que la commune requérante continuerait d'assumer la charge de la fourniture des repas et de la mise en température des aliments ; que, se prévalant du transfert de l'État aux départements de la mission de restauration dans les collèges à compter du 1er janvier 2005, en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la commune de Fondettes a demandé au département d'Indre-et-Loire, à compter du 25 février 2005, de prendre en charge le service public de la restauration du collège Jean Roux de Fondettes ; que le département d'Indre-et-Loire n'a pas donné suite à cette demande et que la commune de Fondettes lui a réclamé, le 21 décembre 2010, le versement de la somme de 521 673,91 euros en remboursement des frais qu'elle estimait avoir indûment supportés à ce titre entre le 1er janvier 2005 et le 31 mars 2010, date à laquelle le service de restauration du collège a été transféré au syndicat mixte de gestion de la cuisine centrale de Fondettes, nouvellement créé conjointement par la commune de Fondettes et le département d'Indre-et-Loire ; que, par un jugement du 19 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par la commune de Fondettes, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 521 673,91 euros ; que, par un arrêt n° 12NT01654 du 10 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de Fondettes contre ce jugement ; que, par une décision n° 376226 du 19 juin 2015, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 10 janvier 2014 au motif que la cour avait omis de statuer sur les moyens tirés de l'enrichissement sans cause du département ou de la qualité de collaborateur occasionnel du service public de la commune de Fondettes et avait ainsi entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, puis a renvoyé l'affaire, qui est désormais enregistrée sous le n°15NT01973, à la cour administrative d'appel de Nantes ;

Sur la responsabilité du département :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 13 août 2004 entrée en vigueur le 1er janvier 2005 : " Le département a la charge des collèges. A ce titre, il en assure (...) le fonctionnement (...) Le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les collèges dont il a la charge. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 421-23 de ce code : " (...) II. - Pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil général ou régional s'adresse directement au chef d'établissement. Il lui fait connaître les objectifs fixés par la collectivité de rattachement et les moyens que celle-ci alloue à cet effet à l'établissement. Le chef d'établissement est chargé de mettre en oeuvre ces objectifs et de rendre compte de l'utilisation de ces moyens. Le chef d'établissement (...) assure la gestion du service de demi-pension conformément aux modalités d'exploitation définies par la collectivité compétente. Un décret détermine les conditions de fixation des tarifs de restauration scolaire et d'évolution de ceux-ci en fonction du coût, du mode de production des repas et des prestations servies. Une convention passée entre l'établissement et, selon le cas, le conseil général ou le conseil régional précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives " ; qu'aux termes de l'article R. 421-58 du même code : " (...) Le budget des collèges, (...) qui comprend une section de fonctionnement et une section d'investissement, est établi dans la limite des ressources de ces établissements, dans le respect de la nomenclature fixée par le ministre chargé du budget, le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de l'éducation, et en fonction des orientations fixées par la collectivité territoriale de rattachement. Ces ressources comprennent : 1° Des subventions de la collectivité de rattachement et de l'État, versées en application des articles L.211-8, L.213-2, L.214-6, L.216-4 à L.216-6 et L.421-11 du présent code (...) 3° Des ressources propres, notamment les dons et legs, les ressources provenant des prestations de restauration et d'hébergement (...) Les dépenses de la section de fonctionnement prévues au budget pour le service général ont notamment pour objet les activités pédagogiques et éducatives, le chauffage et l'éclairage, l'entretien des matériels et des locaux, les charges générales, la restauration et l'internat, les aides aux élèves. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 19 juillet 2000 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public : " Le prix moyen des repas servis au sein d'un service de restauration aux élèves des écoles maternelles et élémentaires ainsi que des collèges et lycées de l'enseignement public peut varier chaque année dans la limite d'un taux fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie en fonction de l'évolution des salaires, du prix de l'énergie et des prix des produits alimentaires. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 juin 2006 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public " Les prix de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l'enseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge conformément aux articles L. 212-4, L. 213-2, L. 214-6, L. 215-1 et L. 422-2 du code de l'éducation. " ; que cet article a été codifié à l'article R. 531-2 du code de l'éducation par le décret du 15 mai 2009 qui prévoit : " Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l'enseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à compter du 1er janvier 2005 les départements avaient la charge légale de la restauration des collèges et étaient tenus d'assurer l'accueil et la restauration des élèves, les dépenses afférentes à ce service public étant pour eux des dépenses obligatoires ; qu'à cet égard, le président du conseil général était tenu, en temps utile, de faire connaître aux chefs d'établissement les moyens que la collectivité territoriale départementale décidait d'allouer à cet effet à chaque établissement, en fonction des orientations fixées par le département en tant que collectivité territoriale de rattachement, et notamment les subventions qu'il était légalement tenu de verser en application de l'article L.213-2 précité relatif aux dépenses de restauration, de fixer les tarifs de restauration scolaire et le taux d'évolution de ceux-ci, et de passer une convention avec l'établissement pour préciser les modalités d'exercice des compétences respectives de la collectivité publique et de l'établissement ; qu'il incombait ainsi au département de prendre l'ensemble des mesures utiles et de mettre en oeuvre, le cas échéant en lien avec les autres collectivités intéressées, les moyens nécessaires pour que le transfert de compétence obligatoire soit effectif à la date d'entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004, soit le 1er janvier 2005 ; qu'en particulier, il appartenait au département de choisir les modalités de gestion du service public de la restauration soit par l'établissement, soit par gestion directe, soit par un tiers ; que, dans ce dernier cas, il revenait au département de conclure les conventions nécessaires avec ces tiers dans les conditions qu'il était libre de déterminer ; que la carence d'un département dans la mise en oeuvre de ses obligations légales et, notamment, dans l'organisation des conditions de fonctionnement du service public de restauration des collégiens, est, par voie de conséquence, susceptible de constituer une faute de cette collectivité de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Fondettes, qui assurait le service de restauration des élèves du collège Jean Roux situé sur son territoire par le biais d'une convention de délégation de service public conclue avec la société Sodexho dans les conditions rappelées au point 1, a, dès le 24 février 2005, sollicité le département d'Indre-et-Loire afin que celui-ci prenne en charge le service de restauration de ce collège ainsi que le prévoyaient les nouvelles dispositions applicables à compter du 1er janvier 2005 ; que, malgré les rappels adressés aux mêmes fins par le maire de la commune de Fondettes à l'exécutif du département d'Indre-et-Loire les 30 décembre 2005 et 6 avril 2006, cette demande est restée sans réponse ; que, par un courrier du 26 mars 2007, le président du conseil général du département d'Indre-et-Loire s'est en effet borné à informer la commune de ce qu'il avait prévu de lancer une consultation pour reprendre la charge de ce service en 2008-2009, c'est-à-dire au terme de la délégation de service public consentie à la société Sodexho, et à proposer, le 23 janvier 2011, un remboursement partiel des dépenses litigieuses pour les années 2009 et 2010 à hauteur de 120 000 euros ; que ce n'est qu'à compter du 1er août 2010 que le syndicat mixte pour la gestion de la restauration collective nouvellement créé par le département d'Indre-et-Loire et la commune de Fondettes a effectivement assuré le service de restauration au collège Jean Roux dans des conditions conformes aux dispositions citées au point 2 ;

5. Considérant que si le département d'Indre-et-Loire fait valoir que, par des délibérations en date des 30 septembre 2004, 30 septembre 2005, 22 septembre 2006, 21 septembre 2007, 30 septembre 2008 et 30 septembre 2009 il s'est acquitté de ses obligations en matière de dotation au collège de Fondettes, il résulte cependant de l'instruction qu'il n'a pas fixé les tarifs et défini les objectifs et les moyens qu'il était censé allouer au collège au titre de la restauration des élèves avant le 30 septembre 2010 ; qu'à cet égard la participation aux frais d'équipement de la cuisine centrale concédée par lui entre 1999 et 2009 par l'effet de la convention du 29 juin 1999 ne concernait que certaines dépenses d'investissement et non les frais relatifs à la prise en charge de la restauration des collégiens ; que si le département d'Indre-et-Loire fait encore valoir qu'il ne lui était pas possible de fixer le tarif des repas avant l'entrée en vigueur du décret du 15 mai 2009, il est constant, d'une part, que les dispositions précitées du code de l'éducation issues de la loi du 13 août 2004 ne prévoyaient pas de délai permettant d'en retarder la mise en oeuvre et, d'autre part, qu'aucune des dispositions réglementaires précitées également en vigueur à cette même date ne s'opposait à ce qu'il prît en charge la fixation des tarifs dès le 1er janvier 2005 ; que si le département indique encore qu'il a rempli ses obligations en signant avec le collège de Fondettes un contrat de partenariat valide à compter du 1er janvier 2006, il résulte des termes mêmes de l'article 2 de ce contrat que celui-ci se borne à renvoyer l'organisation du service de restauration à des modalités futures à définir et délègue, de manière d'ailleurs contraire aux textes rappelés ci-dessus, au chef d'établissement la compétence de fixer les tarifs des prestations de restauration ; que si le département soutient, de plus, qu'aux termes du courrier du préfet d'Indre-et-Loire du 1er décembre 2004, il pouvait estimer remplir ses obligations en prévoyant un maintien de la convention de délégation de service public consentie par la commune, il est constant que, quelle que soit l'interprétation que le département tire de ce courrier, celui-ci ne saurait être regardé comme déchargeant le département d'Indre-et-Loire des compétences et obligations confiées par la loi, alors au surplus qu'aucun accord n'avait été conclu avec la commune concernant le maintien de la délégation de service public de restauration ; qu'enfin, si le département d'Indre-et-Loire fait valoir que son inaction était justifiée par l'acceptation expresse de la commune de Fondettes de poursuivre la fourniture des repas jusqu'à la fin du contrat conclu avec la société Sodhexo, il résulte toutefois de l'instruction qu'un tel accord n'est corroboré par aucune des pièces du dossier alors au contraire que, dès 1998, la commune attirait l'attention du département sur la nécessité pour lui de compenser à hauteur de 50 % le déficit qu'elle subissait et que, depuis cette date, elle a régulièrement sollicité le défendeur pour qu'il exerce ses compétences vis-à-vis du collège ; que, par ailleurs, le département ne peut utilement opposer à la commune la convention du 27 août 1985 par laquelle cette dernière s'était vue confier la charge de la restauration, dès lors que cette convention avait perdu son objet le 1er janvier 2005 par l'effet des nouvelles dispositions législatives, lesquelles ne prévoient aucune intervention des communes pour l'organisation du service de restauration des collégiens ; que le principe de libre administration des collectivités territoriales invoqué par le département d'Indre-et-Loire ne saurait faire échec à la répartition des compétences entre collectivités telle qu'elle est définie par la loi ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la carence du département d'Indre-et-Loire à n'avoir pas exercé sa compétence obligatoire en matière de restauration des collégiens scolarisés à Fondettes entre le 1er janvier 2005 et le 1er août 2010 est avérée ; qu'elle est constitutive, eu égard aux principes qui ont été rappelés au point 3, d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;


Sur le préjudice de la commune de Fondettes :

7. Considérant, en premier lieu, que le département fait valoir que le préjudice de la commune de Fondettes résulte de la seule décision de celle-ci de poursuivre la fourniture des repas postérieurement au 1er janvier 2005 ; qu'il soutient que ce comportement s'oppose à ce qu'un lien de cause à effet puisse être établi entre la carence qui lui est reprochée et le dommage invoqué ; que, toutefois, alors même qu'elle disposait de la possibilité de renégocier la convention la liant à la société Sodexho pour la fourniture des repas au collège, la commune de Fondettes, confrontée dans les faits à la carence du département d'Indre-et-Loire, a décidé de se substituer à cette collectivité afin d'assurer la continuité du service public obligatoire qui incombait à cette dernière ; qu'indépendamment des modalités retenues d'organisation de ce service public, la faute du département d'Indre-et-Loire à ne pas avoir pris en charge l'organisation d'un service public obligatoire pour les usagers de la commune de Fondettes porte en elle, et de manière déterminante, la cause du dommage de la commune requérante ;

8. Considérant, en deuxième lieu et en ce qui concerne le préjudice subi par la commune de Fondettes, que la somme de 521 673,91 euros qui est demandée par elle correspond à la différence entre le coût des repas facturé par la société Sodexho et le montant acquitté par repas par les familles ; que le département d'Indre-et-Loire fait valoir que ce montant n'est pas justifié en ce qu'il résulte des choix de gestion de la commune, et en particulier de ses décisions de ne pas augmenter ses tarifs ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les tarifs votés par la caisse des écoles de la commune, analogues à ceux arrêtés en 2010 par le nouveau syndicat mixte créé entre la commune et le département, n'étaient pas particulièrement bas, qu'ils ont été régulièrement augmentés entre 2005 et 2010 et que le différentiel entre le prix du fournisseur et le prix acquitté par les usagers est resté relativement stable (entre 2 euros et 2,39 euros) au cours de la période en litige ; que si le département d'Indre-et-Loire ne peut être condamné à lui rembourser la somme exacte qu'elle a déboursée au cours des années 2005 à 2010 à raison des choix de tarifs opérés par elle, la commune de Fondettes est néanmoins fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice en lien direct et certain avec la carence du département d'Indre-et-Loire pendant ces cinq années ; qu'il sera fait, eu égard en particulier au fait avéré que toutes les collectivités territoriales concernées, qu'il s'agisse des communes ou des départements, pratiquent en matière de restauration des tarifs subventionnés en fonction de considérations sociales et qu'il ne peut dans ces conditions être reproché à la commune de ne pas avoir fait supporter aux usagers la totalité du prix des repas, une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur la base du montant de 120 000 euros que le département d'Indre-et-Loire s'était déclaré prêt à verser à la commune au titre de l'exercice 2009 et du premier trimestre 2010, à la somme totale de 500 000 euros, que le département est condamné à lui verser ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fondements de responsabilité invoqués à titre subsidiaire par elle, tirés de l'enrichissement sans cause du département, de la qualité de collaborateur occasionnel du service public de la commune, du mandat tacite que le département lui aurait confié, ou encore de sa qualité de " maître de l'affaire ", que la commune de Fondettes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les intérêts :

10. Considérant que la commune de Fondettes a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 500 000 euros à compter du 21 décembre 2010, date de sa demande préalable présentée au département d'Indre-et-Loire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fondettes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département d'Indre-et-Loire demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Fondettes et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1102504 du tribunal administratif d'Orléans du 19 avril 2012 est annulé.
Article 2 : Le département d'Indre-et-Loire est condamné à verser à la commune de Fondettes la somme de 500 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2010.
Article 3 : Le département d'Indre-et-Loire versera à la commune de Fondettes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par le département d'Indre-et-Loire sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fondettes et au département d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 février 2017.




Le rapporteur,





F. Lemoine

Le président,





I. Perrot
Le greffier,





M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.





2
N° 15NT01973







Retourner en haut de la page